Bohoun Bouabré en reconnaissance

Lors d’un bref passage à Paris, le grand argentier ivoirien a multiplié les contacts informels avec d’éventuels bailleurs de fonds.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Que faisait Paul Antoine Bohoun Bouabré à Paris, le 14 mai ? Descendu au Marriott Hôtel, à Neuilly, dans la banlieue parisienne, le ministre d’État ivoirien chargé de l’Économie et des Finances n’est resté qu’une journée dans la capitale française. Une simple escale technique, à l’en croire, avant de prendre le vol direct d’Air France pour Abidjan, le lendemain.
Un passage éclair au cours duquel il n’a eu, affirme-t-il, aucune activité officielle. Ce qui ne l’a pas empêché d’accorder une interview à LCI, d’enchaîner six rendez-vous et de rencontrer à deux reprises des hommes d’affaires français bien introduits par l’inoxydable Georges Ouégnin, l’ancien directeur du protocole d’État sous Houphouët et Bédié, dont le carnet d’adresses ne semble pas près de se dégarnir.
Et si Bohoun Bouabré a croisé des militants du Front populaire ivoirien (FPI) dans le hall de son hôtel, c’est une pure coïncidence. Ces derniers étaient là pour rencontrer le président du FPI, Pascal Affi Nguessan, l’ancien Premier ministre qui, autre coïncidence, logeait dans le même hôtel, avant de se rendre à Dijon pour assister au congrès du Parti socialiste français. Rien que de très normal, selon le ministre d’État qui, la veille, était à Bruxelles pour participer à une réunion « technique » entre Européens et représentants des pays ACP sur « les retards dans les décaissements ». Mais où le dossier ivoirien n’a pas été officiellement évoqué. Voire, car Romani Prodi, le président de la Commission de l’Union européenne, avait promis en janvier que « si les accords de Marcoussis étaient appliqués dans leur intégralité », l’Europe fournirait à la Côte d’Ivoire une aide substantielle de 400 millions d’euros sur cinq ans. Bohoun Bouabré esquive. « Ma principale mission, clame-t-il, est de restaurer les bonnes relations avec les bailleurs de fonds. La Côte d’Ivoire en a besoin pour s’en sortir et relancer son économie. » Pour lui, toutes les questions internes – éligibilité, foncier rural, droit des étrangers… – peuvent et doivent trouver une solution. Mais « dans un cadre républicain et dans le respect des textes fondamentaux ».
L’ancien professeur semble avoir mûri et s’être endurci. Plus politique qu’au moment où il négociait pied à pied avec les bailleurs de fonds, fin 2001- début 2002, il affirme que la priorité numéro un sur son agenda est le retour à la paix. « Nous nous sommes engagés dans un processus de réconciliation nationale qui constitue une chance réelle pour la Côte d’Ivoire, lance-t-il. Il nous faut aller jusqu’au bout de cette logique et tout faire pour qu’elle soit couronnée de succès. Tout le reste, y compris les questions d’hommes ou de postes, est sans importance face à de tels enjeux. »
Certes, mais, dans la foulée, il reconnaît que le processus sera long, mouvementé et semé d’embûches. Que « recoller les morceaux sera très difficile, mais pas impossible ». Malgré l’impasse actuelle et cette situation de ni guerre ni paix, il ne fait pas sienne l’option militaire que certains va-t-en-guerre – y compris dans sa propre famille politique – semblent toujours privilégier. Il n’en reconnaît pas moins que la Côte d’Ivoire « a désormais besoin de construire son propre système de défense et de compter sur ses propres forces. Ce sera un véritable gâchis, car nous serons obligés de puiser dans des ressources destinées au développement de notre pays, mais la crise de ces derniers mois ne nous laisse pas vraiment le choix ».

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