Amitiés américaines

Si le président manifeste peu de sympathie pour la France, il se montre en revanche fidèle envers les États-Unis.

Publié le 19 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

La présence de Paul Kagamé au XXIIe sommet Afrique-France, qui s’est tenu à Paris du 19 au 21 février dernier, en a surpris plus d’un. Il faut dire que les relations entre la France et l’actuel président rwandais n’ont jamais été franchement paisibles. Kagamé se souvient sans doute de ce jour de janvier 1992 où, à la tête d’une délégation de rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), il avait été froidement accueilli par les autorités françaises avant de voir débouler, dans sa chambre de l’hôtel Hilton, au petit matin, une équipe de policiers… Embarqués, placés en garde à vue pendant treize heures à la préfecture de police de Paris, les membres de la délégation avaient été libérés sans excuse ni explication officielle. Plus tard, Kagamé reprochera à la France de n’avoir rien fait pour arrêter le génocide d’avril 1994. Ce désamour, qui se poursuit depuis l’arrivée du FPR au pouvoir, a atteint son paroxysme en juin 2000, lorsque Kigali a fermé son ambassade en France « pour raisons économiques ». Elle sera rouverte un an plus tard.
Les visites au pays des Mille Collines des ministres français des Affaires étrangères – Hubert Védrine en janvier 2002 puis Dominique de Villepin en septembre de la même année – ont toutefois amorcé un dégel, et Kagamé s’est finalement rendu au sommet Afrique-France. Il est vrai que Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, et Thabo Mbeki, le président sud-africain « parrain » de l’accord de paix signé entre le Rwanda et la République démocratique du Congo le 30 juillet 2002, tenaient à profiter de l’occasion pour faire le point avec le chef de l’État et son homologue congolais Joseph Kabila. Peu après la clôture du sommet, Paul Kagamé a même eu un entretien d’une dizaine de minutes – non prévu au programme – avec Jacques Chirac. Mais, preuve qu’entre Paris et Kigali les choses ne sont jamais simples, le numéro un rwandais a fait savoir par la suite qu’il n’avait pas apprécié l’adoption par ses pairs africains, sous l’influence de la France, d’une déclaration commune contre une éventuelle guerre en Irak : « Il n’y a pas eu de débat sur la question. […] Le choix ici ne se pose pas entre la guerre et la paix. Le choix, dans l’esprit du Conseil de sécurité et de la résolution 1441, se pose entre la guerre et les armes de destruction massive. »
Le 4 mars, soit deux semaines après le sommet et seize jours avant le déclenchement des hostilités contre Bagdad, le président rwandais s’est rendu à la Maison Blanche pour faire preuve de sa solidarité avec les Américains. Si le nom du Rwanda n’est pas apparu sur la liste officielle des États soutenant la guerre, nul n’ignore les liens existant entre Kagamé et les États-Unis. Le Rwandais s’est même engagé à ne pas poursuivre de ressortissants américains devant la Cour pénale internationale. En échange de quoi il sera certainement assuré de la bienveillance – sinon de l’aide de Washington dans le processus électoral qui doit se tenir au cours des six prochains mois.
Évoquant les relations déjà anciennes entre les deux pays, la journaliste belge Colette Braeckman rappelle dans son ouvrage Les Nouveaux Prédateurs, politique des puissances en Afrique centrale, paru en février 2003, que Paul Kagamé, recommandé aux États-Unis par l’actuel président ougandais Yoweri Museveni, avait un moment bénéficié d’une bourse américaine pour suivre des cours spécialisés en tactique militaire et renseignement à l’US Army Command and General Staff College de Fort Leavenswoth, en Caroline du Nord. Il avait dû quitter l’académie prématurément, en octobre 1990, pour reprendre la direction des opérations armées du FPR, confronté à une résistance inattendue du pouvoir rwandais. Colette Braeckman explique que l’aventure militaire rwandaise dans l’est de la République démocratique du Congo a, en son temps, été « soutenue par les conseillers pour l’Afrique du président Clinton, Susan Rice et Gayle Smith », enthousiasmées par les « nouveaux leaders africains » que sont Paul Kagamé, Yoweri Museveni et, à un degré moindre, Mélès Zenawi, le numéro un éthiopien. Lors de sa tournée sur le continent, en mars 1998, le président Bill Clinton avait, dit-on, rajouté in extremis le Rwanda sur la liste des pays à visiter, sous la pression d’organisations humanitaires américaines…

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