Sharon fait la loi

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

George W. Bush et Ariel Sharon ont plusieurs points communs. Ce sont des va-t-en-guerre bornés et têtus, et quand ils lâchent leurs chevaux, rien ne peut plus les arrêter. Ils diffèrent cependant sur un point : le second sait ce qu’il veut et peut-être aussi où il va. On ne peut pas en dire autant du premier. Le président américain, qui n’aime pas se déjuger ni faire marche arrière, est en train de s’enfermer dans une logique jusqu’au-boutiste dont il ne mesure pas assez les conséquences.

À preuve : alors que ses troupes sont embourbées en Irak, que sa guerre contre le terrorisme ne fait que grossir les rangs des candidats au martyre et que sa cote de popularité pique du nez dans les sondages à quelques mois de la présidentielle, le chef de la Maison Blanche vient de donner un coup fatal aux efforts de paix au Proche-Orient.
En accordant son soutien au plan Sharon pour un retrait unilatéral israélien de la bande de Gaza, en donnant, de facto, son aval au maintien des blocs d’implantations juives en Cisjordanie, en invitant les réfugiés palestiniens à renoncer à leur droit au retour et à se réinstaller dans les territoires qui leur seront accordés – libérant ainsi Israël de tout engagement de les accueillir sur son territoire -, et en sommant les Palestiniens de mettre un terme aux actions violentes contre Israël – posant ainsi des conditions à la reconnaissance américaine d’un futur État palestinien -, Bush a infligé un énième camouflet aux Arabes et aux musulmans. Pis : il apporte de l’eau au moulin des islamistes radicaux, au point que notre confrère Robert Fisk, dans The Independent, se demande « si le président des États-Unis ne travaille pas en réalité pour le compte d’el-Qaïda ».
Il va sans dire que les nouveaux arrangements, qui sont destinés à satisfaire la droite radicale en Israël, rendent caduque la feuille de route, mettent en danger le statut de médiateur des États-Unis et aggravent le mécontentement des masses arabes, déjà chauffées à blanc.

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Le Premier ministre israélien, qui se serait bien contenté, lors de sa rencontre avec le président américain, le 14 avril, à Washington, d’une chaleureuse accolade et d’un appui à son plan de désengagement de Gaza, a de bonnes raisons de crier victoire. Car, à vrai dire, aucun des prédécesseurs de Bush ne s’est engagé aussi loin en faveur d’Israël depuis la création de l’État hébreu en 1948 et, à plus forte raison, depuis 1967.
Dans la lettre de garantie qu’il a remise à Sharon, Bush a accordé quasiment tout ce que ce dernier lui avait demandé, poussant le zèle jusqu’à appeler la communauté internationale à soutenir sa démarche unilatérale. Mieux : l’accueil enthousiaste de l’administration américaine place le Likoudnik en excellente position pour faire adopter son plan par les 200 000 adhérents de son parti, qui seront consultés par référendum le 2 mai. Quant à sa cote de popularité, qui n’est jamais descendue aussi bas, elle ne tardera pas à enregistrer une hausse spectaculaire.
Pour pouvoir battre, le 4 novembre prochain, le leader démocrate John Kerry, le chef de la Maison Blanche aura besoin du vote juif américain. Gageons que ces derniers lui renverront volontiers l’ascenseur. « Si on joue en fonction des circonstances ou des hommes sur la stabilité internationale et les règles de droit international, c’est un précédent fâcheux », a déclaré, le 15 avril, le président français Jacques Chirac, exprimant ainsi une pensée partagée par la plupart de ses pairs européens.

Quant aux dirigeants arabes, qui se sont tous gardés de commenter cet événement, à l’exception de Yasser Arafat, ils ont aujourd’hui une bonne raison de regretter le report de leur sommet, qui était prévu à Tunis, les 29 et 30 mars dernier. S’il avait été bien préparé, ce sommet aurait pu aboutir, il est vrai, au lancement d’une nouvelle initiative de paix au Proche-Orient associant les dossiers irakien et palestinien. Une fois de plus, les Arabes n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes.

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