Sexe, cimaises et vidéo

Ouverte aux formes d’expression très avant-gardistes, la galerie Kamel Mennour s’est imposée comme l’une des plus dynamiques de Paris.

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

Lorsque la galerie Kamel Mennour ouvre ses portes en 1999 rue Mazarine, au coeur de Saint-Germain-des-Prés, les élucubrations les plus folles circulent sur le compte de son propriétaire. « C’est un millionnaire libanais », entend-on lors des vernissages. « Non, c’est le fils d’un émir du pétrole », jase-t-on dans le cercle très fermé des galeristes parisiens.
Kamel Mennour, 36 ans, n’est pas originaire du pays du Cèdre. Pas plus qu’il n’est fils d’un cheikh riche en pétrodollars. À l’inverse de la plupart de ses confrères, il n’a pas baigné depuis sa prime enfance dans le monde de l’art. Né en Algérie, il a tout juste quinze mois quand ses parents (respectivement peintre en bâtiment et femme au foyer à l’époque) s’établissent en France. Aîné d’une famille de trois enfants, il prend très au sérieux son rôle de grand frère lorsque ses parents se séparent. Parallèlement à ses études à Paris-I, il cumule des petits boulots pour aider sa mère, elle-même contrainte de faire des ménages ou de s’improviser chauffeur de taxi.
Le hasard veut qu’un de ses amis lui propose de vendre des lithographies à des comités d’entreprise. C’est ainsi qu’il découvre sa vocation et décide à 22 ans de s’arrêter à une maîtrise d’économie. Il annonce à sa mère qu’il veut créer une société de distribution de gravures et de lithographies. Elle s’en offusque : « Comment ! Tu vas vendre des cadres ! T’es devenu un gitan ! » s’étouffe celle qui rêvait de voir son fils accéder au doctorat.
« Désir d’Art » et d’autres galeries à vocation plus commerciale qu’artistique – il faut bien gagner sa vie – voient le jour et ne tardent pas à fermer. Entre-temps, Kamel Mennour, jusqu’alors totalement néophyte en matière d’art contemporain, écume les musées et les librairies spécialisées. Fin 2000, il organise son premier vernissage et vise très haut en exposant des photos de Jan Saudek, l’une des figures les plus provocantes de la scène artistique tchèque. Lui succédera Larry Clark, photographe et réalisateur américain qui porte un oeil anticonformiste sur l’adolescence.
Viennent ensuite Nobuyoshi Araki, qui nourrit une passion débridée pour les jeunes filles nues ligotées, Donna Trope, Francesca Woodman, etc. Outre ces artistes reconnus, Kamel Mennour s’offre le luxe de montrer le travail de jeunes plasticiens et vidéastes qui méritent de sortir de l’anonymat. À commencer par Kader Atia, qu’il présente à la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) en 2002 avec une série de photos sur les transsexuels maghrébins vivotant à Paris. L’année suivante, le galeriste expose des vidéos et des installations de Kader Atia à la Fiac, mais aussi à la très prestigieuse Foire de Bâle. À Paris, les travaux d’Atia côtoient ceux du non moins engagé Jota Castro, artiste franco-péruvien pour qui l’art est une « lutte politique ».
Le point commun à tous les artistes de cette jeune galerie qui s’est désormais imposée parmi les plus dynamiques ? Outre qu’ils sont assez provocateurs et engagés, « ils travaillent pour la plupart sur l’être humain et l’identité », explique Kamel Mennour. Lui-même est assez obnubilé par ces questions pour avoir appelé son fils Kayen, prénom inventé de toutes pièces et qui signifie « qui existe » en arabe.

Galerie Kamel Mennour, 60 et 72, rue Mazarine, 75006 Paris. Jusqu’au 10 mai, exposition du photographe américain David Armstrong.
http://www.galeriemennour.com/

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