Quand l’espoir vient du Sud

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

En réintégrant le monde il y a dix ans, l’Afrique du Sud a aussi et surtout réintégré l’Afrique. De Mandela à Mbeki, les axes sont à cet égard inchangés : présence lourde au sein des institutions panafricaines, volonté d’exprimer sur toutes les tribunes internationales à la fois les souffrances et la « Renaissance » du continent, prétention parfois contestable à « dire le droit » partout où se déroulent les crises (Côte d’Ivoire, RD Congo, Zimbabwe, Centrafrique, Liberia), engagement militaire au compte-gouttes (Burundi), le tout dans un cadre géopolitique bien plus large que celui du « ghetto » subaharien. L’engagement en faveur du multilatéralisme et contre la guerre en Irak, les prises de position tranchées sur le dossier israélo-palestinien et sur l’affaire haïtienne indiquent clairement que l’Afrique du Sud ne se contente pas d’un simple rôle de puissance régionale – même si Thabo Mbeki est incontestablement moins « internationaliste » que l’était (et le demeure) son prédécesseur, Nelson Mandela.

Terre d’émigration et eldorado de substitution (de plus en plus difficile d’accès, il est vrai) pour nombre d’Africains, lieu de vacances et de soins médicaux pour une frange non négligeable de la nomenklatura des pays d’Afrique centrale et de l’Est, l’Afrique du Sud de Mbeki est-elle un modèle pour ses pairs de l’Union africaine ? À maints égards, c’est une évidence. Voici un pays où l’État marche, où la décentralisation est une réalité, où la corruption des fonctionnaires est l’exception, où l’armée a diminué son budget et ses effectifs tout en intégrant dans ses rangs les freedom fighters du temps de la lutte armée, où la démocratie et la liberté d’expression sont palpables. Voici un pays qui ne vit pas aux crochets de la communauté internationale et dont la dette extérieure, faible, est à peu près équivalente au montant symbolique de l’aide dans le budget de l’État (2 %). Un pays où le sentiment d’appartenance communautaire (chacun s’y réfère à son « peuple »), renforcé par l’existence de onze langues officielles, se conjugue avec une réelle fierté nationale. L’inverse, en somme, de ce qui se vit et se pratique dans la plupart des États d’Afrique au sud du Sahara.

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Dix ans après, le bilan des années Mandela-Mbeki est donc largement positif. Certes, l’insécurité, la fuite des cerveaux, la tendance de chaque communauté à l’autoségrégation, les inégalités, la fracture sociale font aussi partie du paysage. Mais, au-delà de la vitrine, le modèle est là, bien vivace. Est-il exportable au Nord du fleuve Limpopo ? Sans doute pas, hélas, tant les conditions – uniques – et les hommes – exceptionnels – qui ont présidé à son avènement sont introuvables ailleurs. On se contentera donc d’espérer que ce cône sud du continent, par lequel l’Afrique tient encore debout, lui servira en quelque sorte de branchement, de raccordement avec l’économie mondiale. Et qu’après avoir réintégré l’Afrique, l’Afrique du Sud ne s’en détache pas à nouveau.

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