Opération lifting

Confrontée à une concurrence de plus en plus rude, la Tunisie s’efforce d’infléchir son image de destination bas de gamme – pour ne pas dire de « paradis au rabais » – et d’améliorer la qualité et la variété de son offre.

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 4 minutes.

En dépit de timides signes de reprise, le tourisme tunisien traverse une période difficile. S’agit-il de difficultés passagères liées à une conjoncture internationale difficile ? Ou d’une crise structurelle traduisant l’essoufflement, voire la saturation, de ce secteur d’activité ? Pouvoirs publics et opérateurs privés n’écartent aucune hypothèse.
Le tourisme assure à la Tunisie 6 % de son PNB et 18,7 % de ses exportations de biens et de services. Il fournit 86 000 emplois directs et son effet d’entraînement sur le transport aérien, l’artisanat et le commerce est considérable. Pendant la mise en oeuvre du IXe Plan de développement (1997-2001), le secteur a enregistré un taux de croissance annuel de 5,8 %. Et le montant des investissements s’est élevé à 1,67 milliard de dinars (1,2 milliard d’euros), ce qui a fait passer le nombre des établissements hôteliers de 662 à 755 et la capacité d’accueil de 178 000 à 205 000 lits. C’est à la fois beaucoup – il ne suffit pas de construire des palaces, encore faut-il les remplir ! – et pas assez, en comparaison avec la capacité d’accueil des autres grandes destinations méditerranéennes, comme l’Espagne, l’Italie ou la Grèce.
En 2001, année de tous les records, le nombre des entrées de non-résidents a atteint 5,4 millions, contre 3,2 millions dix ans auparavant. Pendant la même période, celui des nuitées est passé de 12,4 millions à 35,4 millions et les recettes de 630 millions de dinars (450 millions d’euros) à 2,34 milliards de dinars (1,7 milliard d’euros). Ces performances ont été rendues possibles par la modernisation des infrastructures, la diversification de l’offre (thalassothérapie, tourisme saharien, écologique et culturel) et l’amélioration des services mises en oeuvre conjointement par l’administration et les professionnels.
Mais la Tunisie, comme toutes les autres destinations touristiques, a encaissé de plein fouet les retombées des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et du 11 avril 2002 à Djerba (une vingtaine de victimes, dont quinze touristes allemands). Et l’atmosphère d’insécurité provoquée par les guerres d’Afghanistan et d’Irak n’a évidemment pas arrangé les choses…
Dans ce contexte franchement morose, les résultats enregistrés au cours des deux dernières années sont presque inespérés, qu’il s’agisse du nombre des entrées de non-résidents (un peu plus de 5 millions), de celui des nuitées (26 millions) ou du montant des recettes (2 milliards de dinars, soit 1,4 milliard d’euros). Les clients traditionnels des stations balnéaires tunisiennes ont certes été sensiblement moins nombreux que d’habitude, qu’il s’agisse des Allemands (- 20 %), des Britanniques (- 13,4 %) ou des Français (- 5,8 %), mais cette déperdition a été compensée par un afflux de touristes libyens (1,3 million en 2003) et algériens (811 000). En outre, le développement du tourisme intérieur, conséquence directe de l’élévation du niveau de vie des Tunisiens, a permis de ralentir la baisse du taux d’occupation des établissements hôteliers. Lequel est quand même passé de 55 % en 2001 à 44 % deux ans plus tard.
S’adressant, le 2 avril à Tunis, à un aréopage de professionnels et de responsables d’organismes officiels, Abderrahim Zouari, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, qui donnait le coup d’envoi d’une « consultation nationale sur la stratégie du développement du tourisme », n’a cherché à minimiser ni les difficultés conjoncturelles du secteur, ni ses carences structurelles, ni la concurrence de plus en plus dure à laquelle il doit faire face. Mais il n’a pas manqué d’insister sur ses réussites, souvent citées en exemples par les opérateurs étrangers.
De fait, la Tunisie ne manque pas d’atouts : stabilité politique, paysages naturels d’une grande variété, infrastructures de qualité (la part des établissements 5 et 4 étoiles dans le parc hôtelier national dépasse aujourd’hui à 40 %, contre 17 % en 1990), abondance des sites et vestiges archéologiques… Elle propose également des prestations haut de gamme comme la thalassothérapie, le thermalisme, le golf, la navigation de plaisance, la plongée sous-marine, la pêche, les sports nautiques, les randonnées, la chasse, etc. Pour préserver coûte que coûte leur part du marché face à leurs concurrents directs, notamment égyptiens, turcs et marocains, les opérateurs du secteur s’efforcent de développer de nouveaux produits susceptibles d’attirer une clientèle plus ciblée : rallyes automobiles, cabotage entre les îles, exploration des chotts et des lagunes, escalade, spéléologie, trekking, quad et sports extrêmes pour les amateurs de sensations fortes, sans oublier le tourisme de santé.
Chaque année, en effet, près de vingt mille étrangers attirés par la qualité et le faible coût des soins se font soigner dans les cliniques tunisiennes. L’extension récente du régime de restitution de la TVA aux prestations fournies aux patients étrangers devrait en outre contribuer à dynamiser le partenariat entre établissements tunisiens et européens et à inciter les promoteurs privés à construire de nouvelles cliniques offshore au coeur même des stations balnéaires.
« La Tunisie est la première destination touristique au sud de la Méditerranée et la deuxième destination mondiale en matière de thalassothérapie [après la France] », a rappelé le ministre. Pourtant, les recettes du secteur restent inférieures à ce qu’elles pourraient être. Parce que certains établissements ont mal vieilli, que le service n’est pas toujours irréprochable et que la baisse des tarifs pratiquée par certains hôteliers pour soutenir la concurrence est nuisible à l’image du pays, déjà victime de sa réputation de destination touristique de masse. De paradis au rabais ou d’Antilles du pauvre.
Que faire pour redorer le blason de la « destination Tunisie » ? En premier lieu, adopter une politique de « qualité totale », améliorer la rentabilité des hôtels, multiplier les pôles de loisirs, préserver l’environnement naturel et multiplier les opérations de promotion en direction des nouveaux marchés – Europe de l’Est, par exemple – dont la marge de progression est considérable.
La « consultation nationale sur la stratégie du développement du tourisme », qui se poursuivra jusqu’au 28 juin, devrait déboucher sur une série de recommandations visant à « relooker » le tourisme tunisien. À adapter ses structures et son offre aux besoins d’une clientèle dont les goûts et les comportements changent continuellement.

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