Nouakchott, une ville mutante

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

L’aéroport est forcément la première chose que voit un visiteur étranger. Et l’image qu’il donne ne ment (presque) jamais. Il est temps, donc, que les autorités mauritaniennes interviennent pour y mettre de l’ordre, sans pour cela attendre la construction d’une nouvelle aérogare internationale digne de la capitale, digne de ses habitants. Ce que j’ai vu en janvier 2001 est demeuré le même en mars 2004 : le hall d’accueil de la police des frontières ressemble à une fourmilière, des enfants attendent leurs parents, des adultes un ami, une relation…
Les agents de police ne savent pas où donner de la tête entre ceux qui tendent leur passeport pour passer plus vite et ceux qui attendent silencieusement dans une file improvisée… On vérifie votre visa, on vous interroge sur l’objet de la visite, on vous fait patienter le temps de demander l’autorisation au chef ou de prendre un autre « client », puis vous subissez une fouille approximative entre deux rideaux mal fermés. Vous attendez ensuite, dans un brouhaha digne d’un souk, l’arrivée des bagages. Vous refusez les unes après les autres les sollicitations de ceux qui veulent vous « aider » à les porter, à franchir le contrôle de douanes, à trouver un taxi…
Et comme moi, vous finissez par céder afin de sortir au plus vite de ce capharnaüm. Mais à peine avez-vous respiré l’air chaud et humide du dehors que vous voilà pris dans un autre tourbillon : se tendent vers vous la main d’un handicapé, d’une femme avec un enfant, d’un vieux mendiant… « Mille, mille ! » On vous réclame 1 000 ouguiyas (2,5 euros), mais on se contentera bien d’un billet de 100 ou 200 ouguiyas, de 1 dollar ou 1 euro.
Cet accueil, assez courant dans beaucoup d’aéroports africains, donne une première impression hélas ! négative. Le positif, heureusement, ne tarde pas à venir, au contact des gens et de la ville. La mendicité est rare, sauf dans certains endroits (autour des boutiques ou des banques). Elle est étonnamment absente des bidonvilles comme Mendès et des quartiers populaires comme Arafat.
En trois ans, Nouakchott a beaucoup changé, en bien : de nouvelles routes bitumées, des quartiers résidentiels, des bureaux, des entreprises, des cybercafés, des restaurants asiatiques et méditerranéens… Le siège d’un nouveau ministère flambant neuf sur trois étages (en forme d’une étoile à trois branches, comme le logo de Mercedes) change de la vieille primature. Ce sera celui du « ministère du Pétrole » (plus exactement celui des Mines et de l’Industrie), le précieux liquide devant jaillir à la fin de l’année 2005. Un autre immeuble est en construction au centre-ville : ce sera le plus haut de la capitale (neuf étages), construit évidemment par le premier groupe cimentier du pays. Non loin, les appartements – des bâtiments en série construits dans les années 1960 – se sont peu à peu noircis.
Autres nouveautés : les traces encore visibles des affrontements armés des 8-9 juin 2003 (tentative de coup d’État militaire) et les zones de sécurité autour du nouveau palais présidentiel et des ambassades (n’approchez pas de celles des États-Unis et d’Israël !).
Dans cette vaste et dynamique capitale-chantier, les jeunes s’amusent comme ils peuvent. Ils jouent au football sur un terrain vague. Le vendredi après-midi, tout Nouakchott ou presque se retrouve sur la route de la plage. En célibataire ou en famille, on vient pour « draguer », pour regarder, pour improviser un spectacle. Des cercles se forment autour de jeunes qui zigzaguent sur leur vélo, autour de quelques 4×4 qui escaladent en pétaradant les dunes de sable… Le manège dure trois ou quatre heures jusqu’à la tombée du jour. Ici, pas de cafétéria, pas de marchands ambulants, pas de policiers… « C’est notre bonheur extrême et gratuit », me dit une jeune fille mi-voilée en compagnie de son amie en jean. Ici, la tradition et la modernité, les couleurs et les ethnies cohabitent.
Dans cette société islamique, tout semble rigide, mais, en fait, rien ne l’est. Les femmes sont aussi actives et libérées que les hommes. Mais, en public, on ne se mélange pas trop, on ne parle pas de la vie privée, on ne se lamente pas. La dignité des gens du désert (les Bédouins) est entière, tout comme celle des gens du Sud (près du fleuve Sénégal) ou du Nord (les Imraguens, par exemple). Un seul défi – une seule rage – semble les unir : sortir de la pauvreté, et transformer cette société qui oblige encore la majorité à chercher sa ration quotidienne d’eau aux bornes-fontaines, à s’éclairer à la batterie-auto, la bougie ou la lampe-tempête, à mourir sans vieillir, en un monde meilleur. Ville mutante, entre tradition et modernité, Nouakchott est à l’image de la Mauritanie : à la croisée des chemins.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires