Ni tout blanc ni tout noir
Zakes Mda décrit avec justesse une Afrique du Sud en pleine mutation, où la corruption et la cruauté ne sont l’apanage d’aucune communauté.
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Zakes Mda aime que la réalité nourrisse ses fictions. Dans son dernier roman, l’auteur sud-africain prend comme point de départ un fait divers qui défraya la chronique en 1971. À l’époque, dix-neuf habitants d’Excelsior, petite ville de l’État libre d’Orange, sont arrêtés. Leur faute : avoir enfreint la loi, l’Immorality Act, qui interdit les relations sexuelles entre Noirs et Blancs
Zakes Mda invente la vie de l’une de ces « pécheresses », Niki, habitante du ghetto de Mahlatswetsa. À travers cette « Madone » déchue, qui pose pour un peintre-prêtre amateur de représentations de la Vierge à l’enfant, il évoque la difficile mutation de l’Afrique du Sud. Niki, violée à l’adolescence par des fermiers afrikaners, ne parvient pas à oublier les fantômes de son passé. En revanche, elle arrive à vivre sans son mari, Pule, parti chercher fortune dans les mines d’or en lui laissant un enfant sur les bras. Et puis il y a la petite dernière, Popi, fruit d’une relation adultérine et interraciale défendue. Métisse, donc trop blanche pour vivre dans le ghetto noir sous l’apartheid et pas assez noire pour jouir d’une vraie légitimité d’opprimée dans la République Arc-en-ciel.
Au fil des pages, Mda, exilé jusqu’en 1995, décortique cette Afrique du Sud en pleine mutation sans jamais sombrer dans la caricature. Les personnages, qu’ils soient blancs ou noirs, sont dépeints sans pitié ni condescendance. Les fermiers afrikaners ne sont pas tous odieux, mais ils portent sans conteste le fardeau de leur histoire. Quant aux nouveaux dirigeants noirs, ils sont loin d’être irréprochables. La corruption ou la cruauté ne sont pas l’apanage d’une communauté. En somme, rappelle Mda dans ce livre sorti en français à l’occasion de l’anniversaire de l’abolition de l’apartheid, rien n’est tout blanc ni tout noir.
La Madone d’Excelsior, de Zakes Mda, traduit de l’anglais par Catherine Lauga du Plessis, Le Seuil, 284 pp., 19 euros.
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