Confinement : des retombées économiques dramatiques en Afrique
Dans un rapport intitulé « Le coronavirus et l’Afrique », le groupe de conseil Finactu estime que le confinement généralisé de populations qui manquent de filets sociaux (assurances maladie, assurances chômage, retraites…) entraînera une crise économique majeure.
Sous la pression des médias et de l’opinion publique, les gouvernements africains ont choisi d’éviter la crise sanitaire, mais ils vont le payer cher, car ils n’ont pas les moyens de parer l’effondrement économique que provoquera la mise à l’arrêt de l’économie par le confinement généralisé. Cette analyse originale est le fait du groupe de conseil Finactu, basé au Maroc, en Suisse, en France, à Dubaï et à Maurice.
Dans un rapport intitulé Le coronavirus et l’Afrique – crise sanitaire et crise économique aggravées par la faiblesse des filets de sécurité sociale africains et publié le 31 mars, il se risque avec « humilité » à analyser aussi bien la pandémie – avec le concours de l’Institut Pasteur – que ses retombées en matière d’économie, son domaine de prédilection.
Pourquoi les gouvernements ont-ils choisi, pour l’instant, de privilégier la lutte contre le Covid-19 ? Quoique bénigne puisque 81 % des personnes infectées ne développent pas une forme grave, l’infection, très contagieuse, risque de submerger les capacités d’assistance d’un pays pour les 19 % restant
La crise sanitaire évitée ?
Pays le mieux équipé avec 3 000 lits de réanimation, le Maroc avec ses 36 millions d’habitants ne doit pas dépasser le seuil de 15 789 personnes hospitalisées s’il veut pouvoir soigner les affections pulmonaires les plus graves et éviter une explosion de la mortalité. Au Burkina Faso (19 millions d’habitants), on ne compte que 15 lits de réanimation et il ne faudrait pas dépasser 79 cas hospitalisés… Il est donc impératif de ralentir la propagation du virus pour être sûr que les cas les plus aigus seront soignés. D’où la nécessité de confiner la population pour réduire la contagion. « Pour le moment, l’Afrique choisit d’éviter la crise sanitaire », constatent les auteurs du rapport.
Fait-elle le bon choix ? Le rapport relativise la mortalité de l’épidémie. Avec 9 400 cas recensés et 442 décès au 6 avril, on est encore très loin de la létalité du paludisme qui a tué, en 2018, 405 000 personnes dont 94 % uniquement en Afrique subsaharienne. D’autre part, l’Afrique a plus vite réagi que les autres continents, car elle est habituée à lutter contre les épidémies mortelles comme Ebola ou le sida.
« Le paradoxe de cette crise est qu’elle commence comme une pandémie, puis devrait éviter de se transformer en véritable crise sanitaire presque partout grâce aux réactions politiques très fermes des gouvernements, mais va certainement se transformer en une crise économique sans précédent », prédit le rapport.
Vers un renforcement des filets sociaux après la crise ?
Comme le reste du monde, l’Afrique fait face aux conséquences du confinement. Arrêt de la demande (baisse du pouvoir d’achat) et de l’offre (fermeture des usines, des mines et des commerces) provoqueront en cascade des faillites, des pertes d’emplois et de revenus. Pour parer le choc, les pays développés préparent des plans de soutien qui s’élèvent à des milliers de milliards de dollars ou d’euros. L’Afrique n’a pas ces moyens financiers colossaux.
Pire, elle n’a aucune réserve. Elle est toujours extrêmement dépendante des recettes d’exportation de matières premières non transformées actuellement en panne en raison de l’arrêt de la demande chinoise. Elle ne dispose pas de filets sociaux qui protégeraient ses plus pauvres. En Afrique, pas de retraite, pas d’assurance-chômage, pas d’assurance-maladie dignes de ce nom, notamment parce que son économie repose sur une myriade d’acteurs informels qui ne paient ni impôts, ni cotisations sociales et parce que des millions d’Africains se lèvent chaque matin pour trouver leur nourriture du jour. Est-ce que ces populations supporteront longtemps leur confinement ?
Certes, les gouvernements mettent en place des fonds de solidarité, comme au Maroc, en Tunisie, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, mais comment identifier leurs bénéficiaires et comment distribuer équitablement de l’argent liquide à ceux-ci ? Le rapport de Finactu ne répond pas à cette question, mais conclut en demandant que « cette crise sanitaire et économique sans précédent doit être l’occasion de renforcer les filets de sécurité sociale en Afrique ».
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