[Tribune] Six actions à mener pour éviter la plus grave crise de développement du siècle

Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE, et Achim Steiner, administrateur du Pnud, exhortent les gouvernements et les dirigeants d’entreprise à agir dès aujourd’hui pour atténuer l’ampleur de la crise liée au coronavirus.

Un homme à vélo dans les rues vides de La Marsa, en Tunisie, le 26 mars 2020. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Un homme à vélo dans les rues vides de La Marsa, en Tunisie, le 26 mars 2020. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 7 avril 2020 Lecture : 4 minutes.

Il faudra du temps avant d’appréhender l’échelle et l’ampleur des dommages causés par le coronavirus à nos économies et à nos sociétés – et ensuite d’élaborer et mettre en œuvre les meilleures politiques pour y remédier. Il nous faudra réfléchir sur le long terme, et élargir notre réflexion à la planète tout entière, car le redressement après la crise devra être une entreprise mondiale.

Mais il faudrait agir sans attendre, à l’heure où nous pouvons encore changer la donne, et peut-être éviter le pire aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables face à cette crise. Voici six points sur lesquels nous exhortons les gouvernements et les dirigeants d’entreprise à agir dès aujourd’hui.

  • Accroître les dépenses consacrées à l’aide extérieure et les maintenir à niveau
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Un tel effort d’aide devra être soutenu sur la durée – nous ne pouvons nous permettre de voir se répéter les épidémies d’Ebola qui ont éclaté ces dernières années dans certains pays, où l’afflux d’aide humanitaire se tarit rapidement et où il ne reste guère de ressources après la crise initiale pour soutenir les communautés – et l’économie tout entière – lorsque la reprise s’amorce. Nous ne devons pas perdre de vue le rôle que joue l’aide extérieure pour renforcer la résilience mondiale – y compris face aux menaces de pandémie.

  • Diriger les fournitures médicales rares vers les communautés où elles auront le plus d’impact

La couverture médiatique des événements de ces derniers jours a montré la concurrence que se livrent certaines économies avancées, voire qui s’exerce au sein d’un même État, sur le marché des respirateurs, des masques et du matériel de protection. Si l’on ne s’occupe pas du problème, un scénario similaire peut se produire avec l’apparition d’un vaccin ou d’un autre remède.

Si une telle situation se produit dans des pays dotés de systèmes de santé de qualité et d’un fort pouvoir de négociation, imaginons de quelle manière une telle concurrence pourrait affecter ceux qui n’ont ni l’un ni l’autre. Plutôt que de favoriser la surenchère dans une guerre des prix, tous les gouvernements devraient travailler ensemble – et avec les entreprises – pour faire en sorte que ces fournitures soient accessibles au juste prix, à tous, et que des ressources rares soient déployées là où elles contribueront le plus à enrayer la pandémie.

  • Garder les frontières ouvertes aux échanges de biens et de services
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Nous devons veiller à ce que les restrictions temporaires imposées à la circulation des personnes, nécessaires pour contenir la propagation de la maladie, n’entravent pas les échanges entre les pays. Dans de nombreuses régions, les échanges transfrontaliers des produits agricoles sont une véritable ligne de vie pour des économies entières. Le Sahel et l’Afrique de l’Ouest font face à une urgence alimentaire imminente, et on s’attend déjà à ce que 14,4 millions de personnes soient en situation de crise ou pire, d’ici six mois. Si nous n’agissons pas maintenant, la crise du Covid-19 viendra exacerber cette situation d’urgence.

  • Réduire fortement le coût des envois de fonds vers les pays en développement

Le moment ne pourrait être mieux choisi pour que le secteur financier se montre à la hauteur de la situation et diminue le coût des transferts – actuellement de l’ordre de 7 % – en direction des populations les plus vulnérables du monde. Dans de nombreux pays, ces apports de ressources dépassent de loin l’aide et l’investissement direct étranger. En temps de crise, ils sont pour beaucoup l’unique ligne de vie, en particulier pour les personnes vivant dans des pays où la protection sociale et les autres filets de sécurité publics sont limités.

  • S’attaquer à la hausse de la dette
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La faiblesse des taux d’intérêt et des conditions économiques favorables ont entraîné une hausse de l’emprunt dans de nombreux pays en développement, dans le prolongement des initiatives internationales d’allègement de la dette lancées avec succès au début du 21e siècle. Nombre de ces pays affichent déjà des signes de surendettement, qu’une nouvelle crise pourrait encore renforcer. Des efforts coordonnés doivent être déployés – avec l’aide de tous les bailleurs – à l’appui de l’ensemble des pays qui en ont besoin.

  • Ne pas oublier les autres crises

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour veiller à ce que nos initiatives visant à aider les pays ravagés par le Covid-19 ne détournent pas les ressources allouées aux crises existantes – prise en charge des besoins des réfugiés et autres groupes vulnérables ; mesures pour faire face à l’urgence climatique mondiale ; abolition des violences à l’encontre des femmes et des filles ; et suppression de toutes les formes de discrimination. Il convient d’attacher de l’importance à la façon dont les plans de relance sont mis en œuvre. Dans de nombreux pays, les inégalités avaient déjà atteint des niveaux record avant la crise.

La reprise mondiale doit être équitable, verte, et avant tout, inclusive.

Si le danger auquel nous sommes confrontés aujourd’hui est de nature nouvelle, les moyens de le combattre ne doivent pas forcément l’être. Nos deux organisations sont nées sur les ruines de deux guerres mondiales, et de la reconnaissance que la coopération internationale est le seul moyen de relever des défis d’ampleur réellement mondiale.

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