Les chantiers du président

Un complexe portuaire, des milliers de logements sociaux, une usine de dessalement. Autant de promesses électorales tenues ou en passe de l’être.

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 5 minutes.

Au milieu des années 1990, l’économie djiboutienne était à genoux. Les velléités indépendantistes des Afars (populations du nord du pays) ont provoqué une guerre civile (1991-2001) qui, outre les victimes et les dégâts engendrés, a amené le gouvernement à multiplier par quatre les effectifs de son armée. Résultat : une envolée de la masse salariale et un accroissement du déficit budgétaire. À côté de ce facteur interne, la région a traversé une période de fortes turbulences, déstabilisée par le conflit entre les deux voisins, l’Éthiopie et l’Érythrée. Quant au sud de Djibouti, il a subi le contrecoup de la déliquescence de la Somalie. En avril 1996, les autorités de Djibouti sont contraintes à prendre langue avec les institutions de Bretton Woods. Un premier programme est conclu avec le FMI. Il est suivi, en 1999, d’une Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) pour une durée de trois ans. À l’issue de cette période, en décembre 2002, la situation macroéconomique de Djibouti s’est nettement améliorée. Des mesures législatives ont permis un meilleur recouvrement fiscal qui a stabilisé les recettes budgétaires. La mise en place d’un plan national de trésorerie a permis de rationaliser les dépenses budgétaires et d’augmenter les sommes allouées aux secteurs de l’éducation et de la santé.
Cependant, la réalisation des objectifs de stabilisation macroéconomique s’est révélée insuffisante pour le rétablissement d’une croissance économique forte et durable. En juillet 2002, une enquête du ministère djiboutien de l’Économie et des Finances révèle que près de 45 % de la population vit dans une pauvreté extrême. C’est dire l’ampleur du chantier.
Depuis 2003, la situation générale tend à s’améliorer. Les recettes budgétaires, grâce à l’apport additionnel perçu sur la présence des forces étrangères, ont connu une hausse de 22,7 % avec un montant de 38 milliards de francs djiboutiens (FD), soit 215 millions de dollars (l’instauration du Currency Board en 1949 a fixé une parité fixe entre le la monnaie nationale et le billet vert à 177,7 FD pour 1 dollar). La masse monétaire a progressé de 17,8 %. L’apport de recettes additionnelles a permis l’apurement des arriérés de salaires dans la fonction publique. Les agents de l’État et la Caisse de retraite en ont été les principaux bénéficiaires. Par ailleurs, le non-recours aux financements extérieurs se traduit par une meilleure maîtrise de l’endettement.
Le secteur des services constitue la pierre angulaire du dispositif économique du pays. Les performances de la chaîne de transport sont encourageantes. Ainsi, le trafic portuaire a connu une augmentation de l’ordre de 40 % (dont 21 % à l’export) par rapport à l’exercice 2002. Le trafic aérien a également enregistré des progrès. Le mouvement d’avions sur l’aéroport d’Ambouli a quasiment doublé, avec une croissance de 96 %. Ce type de performance n’est pas sans incidence sur l’économie. Ainsi, Abdi Farah, homme d’affaires multidisciplinaire, affirme que la branche aérienne de son agence de voyages a réalisé un chiffre d’affaires de 4 millions de dollars en 2003, grâce notamment à l’assistance au sol des appareils de compagnies étrangères n’ayant pas de représentation à Djibouti.
Fortement pénalisée par le coût de l’énergie, l’économie djiboutienne a pu bénéficier durant l’exercice écoulé d’un accroissement de la production électrique de près de 6 % par rapport à 2002. Quant aux investissements publics, ils ont réalisé, durant la même époque, un bond de 42,5 %, atteignant 6,7 milliards de FD, soit 37,6 millions de dollars. Ces montants ont été principalement alloués aux équipements et infrastructures routières (32 %), à l’éducation nationale (13 %), ainsi qu’à l’urbanisme et au logement social (35 %). Ce qui a permis de tenir l’une des promesses électorales du président Ismaïl Omar Guelleh avec la réalisation de deux mille logements sociaux. Les mille premiers appartements ont été terminés en décembre 2003 dans le quartier populaire de Balbala. Les mille autres devraient être achevés au cours du deuxième trimestre 2004.
Le deuxième grand chantier du président Guelleh consiste à faire de Djibouti le prolongement naturel de la place commerciale de Dubaï à destination de l’Afrique orientale. Pour ce faire, et compte tenu de la saturation du port de la capitale, la construction d’un complexe portuaire à Doraleh, situé à une dizaine de kilomètres de Djibouti-ville, a commencé en juin 2003 (voir encadré). Le financement du projet est confié à des investisseurs étrangers pour un montant total de 350 millions de dollars. La réalisation du port de Doraleh, l’un des plus modernes d’Afrique de l’Est, devrait stimuler les investissements directs étrangers, développer les flux financiers et accélérer le transfert de technologies avec la venue de sociétés étrangères.
Dernière promesse présidentielle à être concrétisée : la réalisation d’une usine de dessalement d’eau à Ali Sabieh, dans la région d’Assajog, qui permet à cette ville pour la première fois depuis sa création, il y a 150 ans, de disposer d’un système d’alimentation en eau potable. Cette réalisation permet également la création d’un pôle industriel avec le lancement d’une cimenterie et d’une unité de production de marbre et de céramique, génératrices d’emplois directs et indirects.
Cependant, tout n’est pas rose. Si les recettes budgétaires sont évaluées à 38 milliards de FD (215 millions de dollars), les dépenses ont atteint 40 milliards de FD. Le déficit public, dû essentiellement à l’accroissement de l’investissement (pôle industriel d’Ali Sabieh, dragage du port de Djibouti et réfection du réseau routier et de l’éclairage public), est passé de 1,3 % en 2002 à 1,8 % du PIB en 2003. Ce qui n’a pas empêché d’atteindre une croissance de 3,4 %. Mais avec une croissance démographique estimée à 2,8 % et une inflation à 2 %, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du PIB par habitant ne saurait être efficace sans une hausse du PIB supérieure à 4,5 %. C’est l’objectif que s’assigne le gouvernement pour la période 2004-2006. Pour parvenir à ce résultat, quatre secteurs ont été classés prioritaires : l’agriculture, l’élevage, la pêche et le tourisme. Pour stimuler l’investissement dans ces secteurs clés, le gouvernement a mis en place un Fonds de développement économique de Djibouti (FDED) dont l’objectif est de faciliter l’accès au crédit pour les petites et moyennes entreprises. Il faut préciser que le taux de crédit des banques commerciales est prohibitif, aux alentours de 17 %. Le FDED dispose d’un capital de départ de 5 millions de dollars, fruit d’un don koweïtien.

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