Le meilleur et le pire

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

À quelques jours d’intervalle, il y a juste une décennie, deux événements majeurs bouleversaient, chacun à sa manière, l’histoire de notre continent. Au Rwanda, la « communauté internationale » assistait, impuissante (impassible ?), à des pogroms d’une rare cruauté. En Afrique du Sud, plusieurs millions de Noirs expérimentaient enfin le fameux principe One man, One vote, et ouvraient l’accès de l’Executive Mansion au plus illustre d’entre eux, Nelson Mandela. Résultat : le Rwanda sert aujourd’hui de socle aux afro-pessimistes, l’Afrique du Sud de référence aux optimistes.
Je travaillais, à l’époque, pour le compte de l’ONU, en Afrique du Sud. J’y ai passé plusieurs mois inoubliables, entre Johannesburg, Kimberley, Rustenberg et Mmabatho, pour initier au b.a.ba du vote citoyen des frères, pour certains septuagénaires, ce qui ajoutait à l’émotion. C’est d’ailleurs de cette nouvelle nation « Arc-en-ciel » émergeant d’un système abject que j’ai appris, comme tout le monde, l’assassinat du président Juvénal Habyarimana, et suivi les journées sanglantes d’avril, mai, juin et juillet 1994 ainsi que le massacre quasi méthodique de plusieurs centaines de milliers de Rwandais, batutsi dans leur immense majorité.
Ces deux événements, illustration de ce que l’Humanité peut engendrer de monstrueux et de merveilleux, témoignent de la complexité de la réalité africaine. Chez nous, peut-être plus qu’ailleurs, le meilleur alterne avec le pire, l’arbitraire et ses dévoiements côtoient des espaces de liberté et une Afrique du Sud, même multiraciale, peut toujours accoucher d’un Rwanda. À la veille de sa première élection démocratique, l’Afrique du Sud avait tous les ingrédients pour basculer dans le chaos que certains prophètes ne manquaient d’ailleurs pas de lui prédire. La majorité noire et la minorité blanche se regardaient en chiens de faïence, les disparités sociales étaient (et sont toujours) révoltantes, l’extrême-droite afrikaner arrogante, les affrontements fréquents entre l’Inkhata Freedom Party, du chef zoulou Buthelezi, et l’ANC pour le contrôle de la province du Kwazulu-Natal.
Ce pays avait donc tout pour emboîter le pas au Rwanda, mais il a su éviter le piège. Grâce, pourquoi faire la fine bouche, à Nelson Mandela, homme et leader d’exception que le reste du monde nous envie. Comme quoi l’Histoire est, avant tout, faite par des hommes. C’est dire que les premiers responsables du génocide de 1994 sont les Rwandais eux-mêmes, le sursaut sud-africain étant venu, non pas de l’extérieur, mais de ses propres enfants. Il nous appartient donc, à l’avenir, de faire en sorte qu’il n’y ait plus jamais de Rwanda, et davantage d’Afrique du Sud…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires