Kenya : sous l’impulsion des femmes

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

La pièce est remplie d’enfants. Ils discutent, courent, jouent ou se chamaillent, mais la majorité d’entre eux a plutôt l’air enjoué. Contraste saisissant avec l’extérieur, dans Kayole, ce bidonville de Nairobi où la misère, trop forte, a effacé le sourire du plus optimiste des habitants. Ce qui est devenu un lieu d’espoir, le centre de l’association Women Fighting Aids in Kenya (Wofak), avait été créé pour répondre à une détresse : celles des femmes touchées par le sida. En 1993, elles étaient rares celles qui osaient tenter quelque chose. Dix ans plus tard, elles ont considérablement élargi leur champ d’action. Et cette maison aux murs en briques, une des seules de ce quartier composé essentiellement de cahutes de fortune, est devenue un point de repère. On y écoute, on y soigne, on y nourrit. Personne n’est jugé, personne n’est exclu. Les gamins, assis sur les canapés entourant la pièce, attendent l’heure du repas. Ils n’ont pas les moyens de se nourrir, et c’est Wofak qui, tous les midis, leur fournit leur déjeuner, même s’il reste sommaire.
Comme toutes les personnes qui accomplissent des exploits, les femmes de l’association sont persuadées qu’elles ne font que le strict minimum. Alors que dès la création de Wofak, elles ont fait la preuve d’une force de caractère hors du commun. En se « liguant » contre les hommes tout d’abord, dans un pays où les mouvements de lutte contre le sida étaient tous dirigés par la gent masculine. À l’époque, elles étaient dix, toutes séropositives ou proches de personnes infectées. Dix femmes qui ne pouvaient pas se résigner à subir la discrimination dont le « sexe faible » était victime, alors qu’il est également le plus « exposé ». Scientifiquement, puisque la transmission du virus est facilitée chez la femme hétérosexuelle. Humainement aussi, puisque quand un membre de la famille tombe malade, c’est elle qui devra le soigner et sera ainsi détournée de ses activités traditionnelles.
Ces femmes, aujourd’hui plus de cinq cents, sont réunies pour faire reconnaître leurs droits et briser les tabous. Elles se sont investies dans l’éducation, la prévention, les soins à domicile, le soutien psychologique, le conseil médical et l’organisation d’activités génératrices de revenus. Peu à peu, Wofak a étendu ses activités aux orphelins du sida, en leur offrant la garantie d’un repas quotidien et en consacrant une partie de son budget aux frais de scolarité et d’habillement de ces enfants. L’association a également développé une structure de soins. Dans la maison de Kayole, outre la cuisine, où chauffe la marmite emplie de riz pour les enfants, et la salle commune, on trouve deux salles de soins. Une est réservée à la médecine traditionnelle. Selon l’état de leurs patients, les deux praticiens se partagent les traitements. Car, comme l’indique la directrice du centre, « la médecine traditionnelle n’a pas d’effets secondaires connus et est beaucoup moins chère que la médecine occidentale. Nous l’utilisons donc en premier recours ». Tout d’abord étudiées à l’Institut kényan de recherche sur les forêts (Kefri) pour détecter une éventuelle toxicité, les plantes sont ensuite prescrites aux malades. Si l’état du patient empire, il passe sous la coupe du médecin dit « occidental ». Et grâce à cette méthode, le Wofak parvient, bon an mal an, à tenir son rôle. Les femmes engagées dans la lutte vous diront qu’elles n’y sont pour rien. Que c’est grâce à Sidaction, l’association française qui les finance en partie, qu’elles parviennent à progresser et que sans ces alliés du Nord, elles n’y arriveraient pas. Lesquels répondent que s’ils ont choisi d’aider cette association, à hauteur d’environ 30 000 euros par an, c’est parce qu’ils ont été époustouflés par la pugnacité et la volonté de ces femmes. Voilà maintenant dix ans que cette association française participe aux financements d’associations du Sud : en 2002, 1,5 million d’euros ont été consacrés, sous différentes formes, à 90 projets.

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