[Tribune] Robots, caméras, tracking… L’intelligence artificielle en première ligne face au Covid-19
La science des données et ses algorithmes, outil indispensable de lutte contre la pandémie de Covid-19 ? Spécialisée en médecine du travail et maladies professionnelles, la Marocaine Rajae Ghanimi dresse un panorama des innovations en matière d’intelligence artificielle développées à travers le monde pour lutter contre le coronavirus.
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Rajae Ghanimi
Médecin, Secrétaire générale adjointe du réseau des économistes de santé du Maghreb et écrivaine
Publié le 8 avril 2020 Lecture : 4 minutes.
Identité et sécurité numériques : l’Afrique sur la bonne voie ?
La sécurité des données et des connexions internet est devenue un enjeu majeur du développement des économies africaines, synonyme de performance mais aussi de souveraineté et de consolidation de la démocratie.
Depuis le déclenchement de l’épidémie de coronavirus fin décembre 2019 à Wuhan, la Chine a en grande partie géré sa guerre contre le Covid-19 en s’appuyant sur son solide secteur technologique, en particulier sur l’intelligence artificielle, la science des données et ses algorithmes, qui confèrent aux ordinateurs des capacités d’apprentissage et permettent, entre autres, d’automatiser la prise de décision.
Aujourd’hui, partout dans le monde, les leaders technologiques ont accéléré leurs activités de recherche et développement pour mettre au point de nouvelles applications permettant de lutter contre la pandémie dans toutes ses dimensions. Tour d’horizon de ces innovations :
Détection et suivi de l’évolution de la maladie
Capable de parcourir les bulletins d’information sur de nouvelles maladies dans 65 langues, l’algorithme développé par le canadien BlueDot pour éviter à ses clients de se rendre dans des zones à risque a mis en garde les autorités sanitaires internationales contre la menace du Covid-19 plusieurs jours avant que ne soient lancées les alertes publiques.
Dans leur stratégie de lutte contre la pandémie, la plupart des pays africains misent sur la collecte et l’analyse de données. Ainsi, au Nigeria, l’application InStrat Global Health Solutions fournit des informations sur le virus à plus de 20 000 agents de santé, qui leur permet d’identifier et d’isoler des patients potentiellement atteints.
En RD Congo, l’Initiative Mbombo, créée en 2017 pour combattre le paludisme, pourrait servir de modèle : cette organisation a conçu un algorithme qui transforme en prédictions les données transmises par les hôpitaux et praticiens sur le nombre de cas recensés, ce qui permet de faire un état des lieux précis et prévenir d’éventuelles épidémies.
Aide au diagnostic
AliHealth, filiale pharmaceutique du géant chinois Alibaba, a créé un algorithme capable de détecter le Covid-19 à partir d’images de scanner, avec un taux de précision de 96 %, en seulement 20 secondes.
La société américaine Infervision a quant à elle développé un système aidant les personnels de santé à détecter le coronavirus et surveiller son évolution.
Le casque intelligent permet de détecter les personnes fiévreuses jusqu’à 5 mètres
Basées sur l’imagerie thermique, les caméras thermiques portatives, notamment utilisables au poignet, peuvent effectuer des mesures à une distance allant jusqu’à 3 mètres. Utilisées dans de nombreux pays, y compris en Afrique, elles aident au diagnostic et assurent un « dépistage préliminaire » d’individus potentiellement infectés, mais ne sont pas un moyen formel de détection de la maladie.
Enfin, largement utilisés par les autorités chinoises, les casques intelligents, équipés d’une caméra à infrarouge et d’une technologie de reconnaissance faciale, permettent de détecter les personnes fiévreuses jusqu’à 5 mètres de distance, avec la capacité de scanner 100 personnes en 2 minutes.
Assistance des robots et des drones
Certaines tâches essentielles devenues dangereuses pour les humains ont été déléguées aux robots, qui sont largement mobilisés en Asie. Insensibles au virus, capables de se déplacer de manière autonome et de réaliser des actes pour aider ou surveiller les patients, ces assistants robotiques sont notamment déployés pour assurer la livraison de nourriture et de médicaments, effectuer des relevés de constantes biologiques (température, etc.), effectuer des travaux de nettoyage ou de stérilisation.
C’est le cas des robots UVD de la société danoise Blue Ocean Robotics, qui utilisent les rayons ultraviolets pour tuer bactéries et virus.
En Tunisie, la société Enova Robotics, établie dans la technopole SoftTech de Sousse, a développé le robot PGuard (pour Pearl Guard, « perle des gardiens »), qui circule depuis la fin de mars dans le Grand Tunis pour une phase pilote. Équipé d’un système alliant micro haut-parleurs et caméra, le tout piloté à distance, il peut diffuser des consignes de sécurité, contrôler la validité des autorisations de sortie et ainsi veiller au respect du confinement.
Les drones sont également utilisés pour patrouiller dans les espaces publics, pour désinfecter les rues, mais aussi pour transporter des échantillons ou livrer des traitements et équipements médicaux. C’est par exemple le cas des drones de l’entreprise américaine ZipLine : régulièrement utilisés au Rwanda depuis 2016 pour alimenter les 25 hôpitaux du pays, ils sont aussi utilisés au Ghana depuis 2019.
Protection high-tech
Nombre de laboratoires et d’entreprises, comme la start-up israélienne SonoviaTech, travaillent à la conception d’équipements de protection et de masques efficaces et réutilisables, fabriqués à partir de tissus anti-pathogènes et antiviraux.
Classification des personnes
Le gouvernement chinois s’est associé aux géants de la technologie Alibaba et Tencent pour développer un système de scoring (notation de probabilité) qui suit des millions de personnes au quotidien.
Une application pour smartphone a été déployée pour la première fois à Hangzhou, à laquelle tous les citoyens ont obligation de se connecter. Elle leur attribue une couleur (vert, jaune ou rouge) en fonction de leurs antécédents de voyage et médicaux. Seules les personnes ayant reçu un code de couleur verte sont autorisées dans les sphères publiques.
Les conséquences de cette vague technologique devront sans tarder être encadrées.
Pour la première fois, une crise sanitaire mobilise cliniciens, universitaires, laboratoires industriels, start-up technologiques et instances gouvernementales du monde entier, qui travaillent en synergie dans le but de trouver des solutions capables de stopper la propagation du virus et de soigner les patients.
Mais si cette vague technologique a de prime abord une finalité d’intérêt général et de santé publique, ses conséquences devront sans tarder être clarifiées et encadrées afin que la crise sanitaire ne se transforme pas en une crise éthique.
Elles doivent être anticipées et délimitées, particulièrement en ce qui concerne les applications de reconnaissance faciale et de classification des individus, sachant que le consentement de chaque personne reste le seul moyen de garantir ses droits fondamentaux.
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