David contre Goliath

Les subventions occidentales pénalisent cruellement les producteurs africains. Si l’Europe est disposée à infléchir sa politique, les États-Unis s’y refusent.

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

Le Sahel battra, si l’on en croit les dernières estimations, un nouveau record de production de coton-graine pour la campagne 2003-2004, avec une récolte d’environ 1,3 million de tonnes au lieu de 1,05 million de tonnes la saison dernière. À titre de comparaison, la production atteignait 137 000 tonnes en 1964, dont presque 100 000 tonnes provenaient du Tchad. Étant l’un des rares secteurs lucratifs en zone sahélienne, la culture cotonnière a suscité un véritable engouement, attirant régulièrement de nouveaux planteurs.
En 2004, le Mali est ainsi devenu le premier producteur du continent avec une récolte de plus de 600 000 tonnes de coton-graine. Le Burkina Faso le talonne en atteignant, lui aussi, un nouveau palier à 500 000 tonnes. La production au Tchad stagne à 160 000 tonnes et le Sénégal progresse à 48 000 tonnes.
Malmenées par l’effondrement du marché en 2001 et 2002, les compagnies cotonnières ont amélioré leur santé financière avec la hausse des cours depuis deux saisons – plus de 0,7 dollar le kilo en février 2004. « Les égreneurs de la zone CFA ont vendu par anticipation près de 90 % de leur récolte », explique un négociant parisien. Une aubaine pour la Compagnie malienne pour le développement des fibres textiles (CMDT), en pleine restructuration et qui apure un important passif légué par la direction des années 1990. Le redressement des compagnies cotonnières pourrait permettre d’accélérer le processus de privatisation tant voulu par le FMI et la Banque mondiale. La CMDT au Mali, la Société des fibres textiles (Sofitex) au Burkina Faso et la CotonTchad sont toutes trois promises à la vente dans un avenir proche.
Si elles vont mieux, les compagnies cotonnières de la zone CFA pourraient toutefois profiter beaucoup plus de l’embellie des cours mondiaux, si les transactions n’étaient pas libellées en dollars. La monnaie américaine vaut actuellement 545 F CFA, au lieu de 730 il y a deux ans. De quoi s’inquiéter si les cours venaient à baisser.
L’important niveau d’aide financière des pays occidentaux à leurs agriculteurs gêne également les entreprises cotonnières. Les subventions de l’Union européenne et des États-Unis peuvent représenter, suivant les campagnes, plus de 70 % du revenu de leurs producteurs. C’est la raison pour laquelle le Mali, le Burkina Faso, le Tchad et le Bénin ont saisi en avril 2003 l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour dénoncer cette politique, qui fausse les règles de l’offre et de la demande. Cette question a constitué un des points d’achoppement des discussions sur le volet agricole lors des négociations de l’OMC à Cancún en septembre 2003.
L’Europe a depuis préparé un plan en faveur du coton africain, qui prévoit d’arrêter les aides directes à la production. « L’initiative européenne est la bienvenue. Elle pourrait permettre aux opérateurs africains de gagner des parts de marché dans l’Union », explique Ibrahim Malloum, directeur commercial de CotonTchad. L’Europe – y compris la Turquie et les pays de l’Est – consommera 2,28 millions de tonnes de fibre en 2003-2004. La mesure européenne devrait entraîner à terme une baisse des productions espagnole (90 000 t) et grecque (330 000 t), et constituer une opportunité pour les exportateurs de la zone CFA. Fin février, les producteurs espagnols, en Andalousie, ont manifesté avec virulence leur opposition au projet de réforme de la Commission européenne. Celle-ci devra-t-elle faire machine arrière ? Quoi qu’il en soit, l’impact de cette disposition ne devrait avoir qu’un effet limité dans la mesure où les États-Unis, premier exportateur mondial de fibre, n’ont, pour le moment, aucune intention de revoir leur politique de subvention.

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