Carrefour stratégique

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

Djibouti est devenu un maillon important du dispositif de lutte contre le terrorisme. Sa position géostratégique privilégiée, au coeur de la Corne de l’Afrique, en face de la péninsule Arabique, en fait un des endroits les plus convoités par les armées occidentales. Aux 2 800 soldats des Forces françaises de Djibouti, présents depuis des décennies sur le territoire, sont venus s’ajouter, depuis les attentats du 11 septembre 2001, des militaires de plusieurs armées européennes – Allemands, Espagnols, Italiens – et, plus récemment, des contingents des Forces spéciales américaines. Un peu plus de 1 500 hommes installés notamment au Camp Lemonnier, contigu à l’aéroport militaire toujours contrôlé par les Français du détachement Air 188.

Basés à Djibouti, les états-majors des États-Unis et d’Europe ont mis en place en 2002 une Combined Join Task Force sous commandement américain pour renforcer la surveillance de l’espace aérien, terrestre et maritime de la région et empêcher les infiltrations au Yémen et en Somalie de combattants d’el-Qaïda fuyant l’Afghanistan et le Pakistan. Dans le même temps, Djibouti reste la plus importante base française permanente en Afrique, même si les effectifs, avec la professionnalisation de l’armée de l’Hexagone, ont été ramenés de 3 500 à 2 800 hommes entre 1997 et aujourd’hui. Le pays présente trois avantages essentiels aux yeux des militaires tricolores. Il permet d’assurer une présence française dans une zone d’intérêt stratégique majeur. Il peut aussi servir de relais pour des opérations se déroulant dans un cadre éloigné de la France, comme le golfe Persique ou la RD Congo par exemple (opération Artémis à Bunia, en Ituri). Enfin, il offre un terrain d’exercice idéal pour la préparation d’interventions en milieu difficile : c’est la fameuse école du désert, chère aux légionnaires. Les accords de défense signés avec la France en 1977 ont garanti la stabilité du pays et ont dissuadé ses puissants voisins (l’Éthiopie, la Somalie et maintenant l’Érythrée) d’entreprendre une quelconque action hostile. Même si, dans le passé, la propension de certains soldats français à se comporter « en pays conquis » a pu (légitimement) excéder les habitants, la présence française apparaît incontestablement bénéfique. Y compris sur le plan social : les médecins militaires de l’hôpital Bouffard soignent 32 000 patients chaque année, dont 90 % de Djiboutiens. Et les membres des Forces armées djiboutiennes et leurs ayants droit y sont soignés gratuitement.
Les autorités ont su tirer profit du regain d’intérêt des grandes puissances pour Djibouti après le 11 septembre 2001. Elles ont engrangé des succès diplomatiques, comme la visite du président Ismaïl Omar Guelleh à Washington, en janvier 2003. Ainsi que de substantiels bénéfices financiers. Le Camp Lemonnier a été cédé aux marines pour 31 millions de dollars. Et le volet économique des accords franco-djiboutiens a été renégocié : le loyer payé par les militaires français est passé de 18 millions à 30 millions d’euros par an. Les « bidasses rapportent gros » : l’impact économique de la base représentait 128 millions d’euros en 2001, soit 65 % du budget de l’État ou encore 25 % du PIB. C’est, avec le port, l’autre pilier de l’économie djiboutienne.

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Mais la présence de soldats étrangers, même si elle est largement profitable, n’a pas que des effets positifs. Elle a développé une certaine culture de l’argent facile, et a rendu le coût de la vie exorbitant. Ce qui a des répercussions sur la compétitivité du site et des effets sur le tourisme. Si la présence française a permis de faire découvrir cette destination, les prestations (excursions, restauration) restent onéreuses et l’hébergement aussi, ce qui limite l’essor de l’activité. En fait, la base française a favorisé l’apparition d’un tourisme de niche : les proches viennent rendre visite aux militaires stationnés sur le territoire et en profitent pour découvrir les paysages uniques du lac Abbé, du lac Assal ou encore les splendides fonds sous-marins du golfe de Tadjourah. Pourtant Djibouti, parce qu’il reste une destination encore trop chère et mal desservie, est quasiment absent de la plupart des présentoirs des agences de voyages européennes.

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