Brasilia, nouvelle capitale du Brésil

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est le président Juscelino Kubitschek, qui, quelques mois après son élection, en avril 1956, décide de baptiser du nom de Brasilia la future capitale du Brésil. Quatre ans plus tard, presque jour pour jour, la ville est inaugurée en grande pompe. Devant un parterre d’hommes politiques – les membres du gouvernement et les parlementaires sont tous présents -, de fonctionnaires, de diplomates, de journalistes et de quelque 150 000 curieux ou futurs résidents, le chef de l’État prononce un discours mémorable : « Cet acte constitue un pas en avant, le plus viril, le plus énergique que la nation ait fait depuis son indépendance politique. »
Surtout, c’est la concrétisation d’un vieux projet, esquissé dès le début du XIXe siècle. Capitale du pays depuis 1763, Rio de Janeiro est devenu trop petit pour accueillir une population en pleine croissance. Sa situation géographique, en bord de mer, le rend, en outre, vulnérable en cas d’attaque extérieure. Le transfert de la capitale à l’intérieur du territoire répond aussi au désir d’arrimer cette région isolée et inhospitalière à la frange littorale, mieux développée. Grâce à Brasilia, le pays allait se réapproprier ses 8,5 millions de km2.
Lorsque le président Kubitschek accède au pouvoir, le site, qui se trouve dans l’État du Goiás, a déjà été choisi. La capitale sera bâtie sur un plateau situé à 1 100 mètres d’altitude et entièrement recouvert par le cerrado, la forêt tropicale. Quarante mille hommes sont dépêchés sur les lieux, à 1 000 kilomètres de Rio de Janeiro. Ils vont creuser et bâtir jour et nuit, quatre années durant.
Pourquoi cet empressement ? Sans doute parce que la nouvelle capitale se veut le symbole de la modernisation du pays. À l’aube des années 1960, on sent déjà les prémices d’un changement. La bossa nova fait vibrer les couples, le cinema novo crève les écrans et la première victoire du Brésil à la Coupe du monde de football, en 1958, transporte la nation entière. Après le suicide, en 1955, du dictateur Getúlio Vargas, les citoyens semblent disposés à croire aux promesses de son successeur : « cinquante ans de progrès en cinq ans de gouvernement ».
Pour façonner son idéal de modernité, Kubitschek fait appel à un grand urbaniste, Lucio Costa, et au célèbre architecte Oscar Niemeyer. La forme du plan pilote donne lieu à nombre de débats. Pour son créateur, Brasilia aura une forme de croix, renvoyant à l’image du défricheur et du fondateur. Pour d’autres, il s’agit d’un oiseau aux ailes déployées qui prend son envol. Les commentateurs les plus sensibles aux enjeux techniques et économiques de la nouvelle capitale associent sa configuration à un avion, dont le fuselage serait l’axe des monuments et des administrations, et les ailes les parties résidentielles. Ces dernières sont conçues sur un modèle identique. Ce sont les superquadras, sortes d’« unités de voisinage » censées être le nouveau lieu de socialisation, tandis que la rue est laissée à la circulation. Chaque « unité » abrite quatre immeubles d’habitation et dispose des services de base : école, clinique, poste, banque, etc. Cet ordre apparent, qui frise la rigidité, est heureusement compensé par l’architecture sensuelle et résolument futuriste de Niemeyer. Ainsi, la cité rectiligne est « cassée » par les courbes de béton du Congrès national ou de la spectaculaire cathédrale.
Désenclavée par le réseau routier tissé progressivement, Brasilia gagne au fil des ans son statut de capitale. Elle est même classée par l’Unesco patrimoine mondial de l’humanité en 1987. Mais elle souffre aujourd’hui, quarante-quatre ans après son inauguration, des mêmes fléaux que les autres mégapoles de la planète : surpopulation – elle devait abriter un demi-million d’habitants et en compte finalement deux millions -, pollution, congestion… Comme si le rêve ne pouvait se soustraire à la réalité.

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