Bienvenue à Ali Sabieh…

La capitale de la région assajog connaît une petite révolution : l’inauguration d’une usine de traitement de l’eau facilite la vie des populations et le développement d’un pôle industriel.

Publié le 19 avril 2004 Lecture : 5 minutes.

Ali Sabieh, capitale du pays assajog, dispute à Tadjourah, chef-lieu du pays afar, le surnom de « Ville blanche ». Ses maisons sont en effet toutes peintes à la chaux, extraite du corail, dont la blancheur réfléchit les rayons d’un impitoyable soleil. La ville est née voilà plus d’un siècle, quand le tracé du chemin de fer reliant Djibouti à Dire Dawa, en Éthiopie, en a fait la dernière station avant le poste frontière. C’est pourquoi son marché est particulièrement animé. Le long des rails, des centaines de femmes et d’enfants proposent aux voyageurs toutes sortes de produits.
Les touristes qui choisissent de se rendre à la capitale par la route ne le regrettent pas non plus, tant les paysages sont variés sur les 100 kilomètres qui séparent Ali Sabieh de la capitale de Djibouti. Le long de la voie, les montagnes ocre succèdent aux plateaux. Le Grand Bara, une immense étendue d’argile sablonneuse de 25 kilomètres de long et 10 de large, est un véritable paradis pour les amateurs de char à voile. La route est bitumée et bien entretenue, néanmoins elle demeure dangereuse en raison de la densité de son trafic. « C’est la route vers l’Éthiopie, précise Mohamed, un chauffeur de bus qui fait le trajet deux fois par jour. Cela signifie que la Route nationale 1 voit défiler quotidiennement quelque 600 poids lourds dans les deux sens. » S’ajoutent à cela les voitures, les véhicules de l’armée française, qui dispose de casernements sur les hauteurs d’Ambocto, et les bus qui font la navette entre Ali Sabieh et Djibouti-ville.
Dans la région d’Ali Sabieh, l’aridité des sols et l’absence de pluviosité découragent toute activité agricole. Par ailleurs, la chasse est interdite, c’est pourquoi la faune y est très riche. Antilopes, écureuils des sables, et hyènes côtoient les animaux d’élevage, caprins et dromadaires, autour des rares points d’eau. Des animaux que l’on retrouve jusque dans la ville où les rues non bitumées appartiennent autant aux véhicules qu’aux chèvres et aux vaches en quête d’ombre ou d’un peu d’herbe à pâturer.
Les 20 000 habitants d’Ali Sabieh sont d’anciens nomades aujourd’hui sédentarisés. Dans ce centre administratif, quelques chefs de famille travaillent dans la fonction publique, le reste des actifs tente de tirer un revenu du commerce ou de l’élevage. Si une grande pauvreté y sévit, on ne meurt pas de faim à Ali Sabieh. L’économie informelle permet de limiter la misère. Tout est bon pour gagner sa croûte, comme la revente de qat (herbe euphorisante), le transport de fourrage pour le compte des éleveurs ou de jerricans d’eau.
Si la ville dispose de structures sanitaires, d’établissements scolaires, dont un lycée, elle connaissait jusque récemment à un grave problème pour se procurer de l’eau potable. En effet, la population citadine était alimentée par des fontaines publiques que remplissaient, chaque jour, des camions-citernes venus de Mouloud, une localité de la région assajog, dont la source déversait une eau saumâtre et dont la teneur en sulfate (un gramme par litre) provoque l’inesthétique coloration des dents.
Ce fut certainement une des raisons pour lesquelles la région assajog refusa de donner ses suffrages au candidat Ismaïl Omar Guelleh lors de la dernière élection présidentielle en 1999. Il n’y eut ni concertation ni conspiration. Spontanément, la population a affiché son ras-le-bol en donnant ses voix au candidat de l’opposition. Est-ce pour cela que le président Guelleh a consacré 528 millions de FD (2,48 millions d’euros) d’investissements publics pour la réalisation d’une usine de traitement d’eau ?
En tout cas, on remercie aujourd’hui celui qui leur a permis d’améliorer leurs conditions de vie. Un vénérable chef de tribu, barbe et cheveux teints au henné, ne tarit pas d’éloges à l’adresse de celui à qui il a refusé sa voix. « Le président a résolu un problème vieux de cent cinquante ans sur lequel les colonisateurs se sont cassé les dents. » Il Jano, que l’on peut traduire par « paradis », est le nom donné à l’eau d’Ali Sabieh. L’usine, réalisée par un consortium allemand, est située à la sortie nord de la ville, plus précisément à Caroo Madobe. Elle traite l’eau saumâtre de la nappe phréatique, en éliminant le sulfate et le chlorure de sodium. Plus de 90 % de l’eau traitée est distribuée à la population pour un prix modique (100 FD le m3) par le biais d’un réseau de distribution appartenant à l’Office nationale des eaux de Djibouti (Oned). Le reste de la production est traité une seconde fois, puis embouteillé. L’eau devenue minérale est vendue dans le reste du pays. Les capacités de production d’Il Jano ne sont exploitées qu’au tiers avec 24 000 bouteilles par jour pour deux forages de 110 m3 par heure. L’Oned envisage d’accroître la production, en organisant le travail en 24 heures sur 24 (trois fois huit heures) pour exporter l’eau minérale vers le Somaliland et l’Érythrée.
Jugé par les bailleurs de fonds comme non rentable, le projet Il Jano n’a reçu aucun concours extérieur. « Un million de dollars ont été mobilisés sur le budget de l’État », précise Abdoulkader Kamil, directeur général de l’Oned, sur instruction du président Ismaïl Omar Guelleh.
Outre l’approvisionnement en eau des populations, ce projet a permis de développer le secteur industriel local. Le 19 février dernier, quand le président Guelleh a inauguré l’usine de traitement d’eau, il a également posé la première pierre d’une cimenterie et d’une usine de céramique. Une aubaine pour la population, car les emplois ainsi créés devraient donner un coup de fouet au commerce. Et permettre d’exploiter les atouts touristiques de la ville. Le camp de La Palmeraie et les restaurants d’Ali Sabieh devraient ainsi voir augmenter leur clientèle. Quant à la cimenterie, elle ne devrait rencontrer aucun problème d’écoulement de la production. Le boom du bâtiment (sur les deux mille logements promis par le président Guelleh, mille ont déjà été construits à Balbala) et de la construction à Djibouti a fortement accru les importations de ce produit.
Le nouveau pôle industriel devrait également mettre en valeur les immenses gisements de magnésium et de gypse de la région, jusque-là sous-exploités.
Si Ali Sabieh se félicite de sa toute nouvelle zone d’activité, la ville fait des jaloux. On entend, ici et là, des représentants des autres régions réclamant que leur district bénéficie d’investissements similaires. « Nous avons commencé par répondre à une situation d’urgence, les 20 000 habitants d’Ali Sabieh auront désormais moins soif, mais cela ne veut pas dire que nous allons en rester là, affirme le Premier ministre Dileita Mohamed Dileita. Nous avons prouvé qu’en comptant sur nos propres moyens, nous pouvions lancer des projets de développement durable. Le tour des autres régions viendra. » En attendant, les femmes d’Ali Sabieh ne consacreront plus quatre heures par jour pour approvisionner leur famille du si précieux liquide.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires