En Colombie, un village cultive la mémoire de ses ancêtres africains

À 10 000 kilomètres des côtes africaines, en Colombie, San Basilio de Palenque se présente comme « l’Afrique de l’Amérique latine ». Ses habitants sont les héritiers d’Africains réduits à l’esclavage qui ont fait de ce village le premier territoire libre d’Amérique.

La statue de Benkos Biohó, sur la place du village de San Basilio de Palenque, en Colombie. © Elodie Descamps pour JA

La statue de Benkos Biohó, sur la place du village de San Basilio de Palenque, en Colombie. © Elodie Descamps pour JA

Publié le 12 mai 2020 Lecture : 7 minutes.

Climat tropical, sol sablonneux, maisons au toit de chaume et une population 100 % noire… En pénétrant dans le village de San Basilio de Palenque, c’est en Afrique que l’on est téléporté. Nous sommes en Colombie, pourtant, à 70 km au sud de Carthagène des Indes. Après deux heures de bus sur la seule route d’asphalte qui relie le village à la ville légendaire, c’est en moto-taxi qu’il faut terminer le trajet.

« Bienvenidos a Palenque, lance Jesus Palomino. Ici il n’y a pas grand-chose à voir, mais beaucoup à raconter ». Cet anthropologue ne vit plus au village mais continue de participer à la vie communautaire et revient dès qu’il le peut. « Palenque », comme le surnomment ses habitants, compte 3500 personnes et sa diaspora représenterait près de 40 000 âmes.

Avant d’être Colombiens, les Palenqueros se revendiquent Africains. L’Afrique, leur continent perdu, à la fois étranger et familier, reste vivant dans leur quotidien et leur imaginaire. De leurs ancêtres, ces Afro-Colombiens ont préservé la spiritualité, la médecine traditionnelle, la musique aussi, et bien sûr l’histoire.

Place stratégique du trafic négrier

La carte des routes de l'esclavage. © Source : Unesco

La carte des routes de l'esclavage. © Source : Unesco

Située dans le nord de l’Amérique du Sud et bordée par la mer des Caraïbes, la ville de Carthagène des Indes, fondée en 1533, s’est rapidement convertie en une place stratégique du trafic négrier colonial, d’abord portugais puis espagnol.

« Étant donné sa position géographique, elle s’est spécialisée dans la réception et la distribution d’esclaves sur le continent, explique l’historien Javier Ortiz Cassiani. La ville entière était rythmée par l’arrivée de nouvelles cargaisons chargées d’Africains. Commerçants, notaires, médecins, contremaîtres… Les professions des Carthaginois se sont structurées autour de la traite négrière, et l’ont dans le même temps développée. »

Les hautes murailles de Carthagène des Indes ont été construites par les Africains.

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Une fois débarqués des cales des bateaux, les Africains étaient examinés afin de déterminer leur prix, puis vendus sur la place de l’Esclave. Un nombre important d’entre eux étaient envoyés vers d’autres régions pour travailler dans les mines et l’agriculture.

Les autres étaient destinés au service domestique ou aux travaux d’œuvres publiques. Symbole de cette ville classée au patrimoine mondial de l’humanité, les hautes murailles de 12 km qui l’entourent ont par exemple été construites par les Africains. Les guides touristiques racontent même que les pierres ont été collées avec le sang des esclaves, utilisé comme ciment. Glaçant.

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