Une filière à reconstruire

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 4 minutes.

« Nous constatons actuellement un net regain d’intérêt pour la République démocratique du Congo », se réjouit un expert international basé à Kinshasa. Le secteur des mines ne fait pas exception. Avec l’espoir du retour de la stabilité, l’eldorado congolais séduit. Cuivre, cobalt, étain, zinc, diamants, or, nickel, coltan, le pays est un véritable miracle géologique. Lors d’une conférence réunissant tous les professionnels de la filière, en février, en Afrique du Sud, les « géants de l’extraction » ont clairement affiché leurs intentions. Le britannique Anglo-American a annoncé l’ouverture prochaine de bureaux à Kinshasa et à Lubumbashi, la capitale du Katanga, la plus grande province minière du pays. Le canadien Rio Tinto « reprend contact » après cinquante années d’absence. Quant à l’australien BHP Billiton, il mise dès à présent sur une concession d’exploration pour, à terme, financer la construction d’une usine d’aluminium. Cette arrivée annoncée pourrait bien entraîner un changement d’époque dans ce pays jusqu’alors classé en tête du hit-parade pour le pillage et l’exploitation illégale des ressources naturelles.
« Le territoire congolais est suffisamment grand pour tout le monde. Si elle se confirme, l’arrivée des plus gros groupes miniers est une très bonne chose. Ils vont structurer l’activité, lever des fonds, investir, créer des emplois et construire des routes. À terme, c’est tout bénéfice pour le pays », assure Paul Fortin, le directeur de la Gécamines (Générale des carrières et des mines), en proie à de graves difficultés financières. Ancien fleuron de l’économie nationale, la société d’État produisait annuellement plus de 400 000 tonnes de cuivre durant les années 1970-1980 et assurait 60 % du budget national. Après une lente agonie, un plan de restructuration placé sous l’égide de la Banque mondiale a été lancé en 2001. Les premiers résultats commencent à se faire sentir, puisqu’en 2006 la production a été de 22 000 tonnes de cuivre et 1 000 tonnes de cobalt, soit légèrement supérieure aux prévisions initiales. Si on ajoute les concessions minières accordées à des privés, la RD Congo peut tabler sur 500 000 tonnes d’ici à cinq ans, derrière le Chili (3 millions) et les États-Unis (2 millions). De quoi renouer avec un glorieux passé. À condition toutefois de faire le ménage parmi la trentaine de joint-ventures constitués, ces dernières années, par la Gécamines avec plusieurs groupes miniers étrangers.
Ces participations ont été « bradées » et l’entreprise « saucissonnée », dénoncent plusieurs organisations internationales. « Ce processus de privatisation opaque a dépouillé la société de tous ses actifs », explique de son côté l’association néerlandaise Niza, dans un rapport publié en mars 2006. « La cession au privé n’est pas condamnable en soi, mais ces contrats léonins ont été systématiquement sous-évalués, voire non payés, avec la complicité de dirigeants politiques », ajoute un proche du dossier. Annoncés avant les élections, les audits de ces partenariats ont pris du retard, mais le nouveau Premier ministre Antoine Gizenga en a fait l’une de ses priorités dans le cadre de sa chasse anticorruption. « Je passerai au rayon X les actionnaires privés. On prendra notamment en compte le respect des obligations contractuelles et la réalisation des investissements promis », détaille Fortin. À défaut, le nouveau code minier congolais, adopté en 2003, autorise la révision du titre délivré et du permis d’exploitation.
Située en première ligne sur ce dossier, la Banque mondiale semble aussi vouloir remettre un peu d’ordre. En janvier dernier, selon un document de travail de l’institution, trois joint-ventures approuvés en 2005 « manquent de transparence ». Sur cette liste figurent Phelps Dodge (États-Unis), Global Entreprises Company (Grande-Bretagne) et Forrest (Belgique). « Tout a été fait dans les règles », répond un conseiller de l’homme d’affaires belge. Sur les décombres de la Gécamines, Forrest a mis la main sur trois sites : la mine de Lubumbashi, celle de Luiswishi – anciennement désaffectée -, et le gisement de Kamoto, à Kolwezi, laissé à l’abandon depuis un effondrement qui avait fait une centaine de morts en 1990. Lors de sa visite à Kinshasa, le 9 mars, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, a abordé ces questions. Trois jours plus tard à Paris, il en a appelé à la responsabilité des pays riches pour empêcher les sociétés multinationales de tirer avantage de la situation dans les pays les plus pauvres. « Beaucoup de ces contrats miniers ont été signés dans des circonstances particulièrement chaotiques et parfois avec des gens qui n’avaient aucune autorité pour négocier », a-t-il tranché.
Parallèlement, Kinshasa semble décidé à s’attaquer aux exportations illicites de minerais. Récemment, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a fait saisir à la frontière 62 camions semi-remorques. Leur cargaison était destinée aux usines zambiennes de raffinage qui traitent l’hétérogénite, la matière brute dont sont extraits le cuivre et le cobalt. Un tiers seulement du chargement était déclaré. Dans l’est du pays, l’accent doit être mis sur la lutte contre le trafic du coltan et de l’or dont profitent largement les pays voisins, comme l’Ouganda et le Rwanda. L’exemple du diamant est, de ce point de vue, relativement encourageant. Deux ans après l’adhésion au processus de Kimberley, la vente en 2005 de 30 millions de carats a rapporté à l’État congolais 1,2 milliard de dollars, soit 71 % des exportations nationales. Les filières clandestines en direction d’Anvers, via notamment le Congo-Brazzaville, sont en perte de vitesse.
Sous le règne du maréchal Mobutu, le pactole congolais était un domaine réservé dans lequel le régime puisait abondamment. Après la chute de Mobutu, en mai 1997, armées étrangères, rebelles et troupes gouvernementales se sont entre-déchirés pour mettre la main sur les trésors du sous-sol. Certaines compagnies minières n’hésitant pas à traiter directement avec les chefs de guerre. Après la période de la « grande braderie et du dépeçage », voici donc venu le temps de la reconstruction. La commission d’enquête parlementaire dirigée par le député Christophe Lutundula a estimé, en février 2006, à 10 milliards de dollars les pertes liées au pillage. Le secteur minier représentait près de 70 % du produit intérieur brut (PIB) dans les années 1970. Le chiffre dépasse aujourd’hui péniblement les 10 %.

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