Sursaut moral

Dans un long éditorial, le New York Times s’insurge contre les atteintes répétées aux droits de l’homme au nom de la « guerre contre le terrorisme ».

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

La « guerre contre le terrorisme » et les libertés qu’elle prend avec les droits de l’homme coûtent cher à l’Amérique. Son prestige en prend un coup, comme l’atteste l’accueil réservé au président George W. Bush au cours de sa tournée latino-américaine. Le moral de la nation est également atteint. Comme la France au temps de la guerre d’Algérie, l’Amérique en vient à se demander si elle ne perd pas son âme en Irak. Une telle interrogation a inspiré un long éditorial du New York Times (5 mars) qui fera date.
Le bilan de l’administration Bush, estime notre confrère, en matière de libertés et de droits de l’homme est lourd : les mauvais traitements infligés aux prisonniers sont institutionnalisés. L’habeas corpus n’est guère respecté. Il suffit qu’un prisonnier soit étiqueté « ennemi combattant illégal » pour qu’il soit privé du droit de contester son emprisonnement devant un tribunal. La torture est pratiquement légalisée puisque « la loi innocente les agents de renseignement et leurs chefs des actes de torture qu’ils commettent ». Les Américains eux-mêmes ne sont pas épargnés : leurs communications extérieures sont écoutées en dehors de tout contrôle légal.
Après le diagnostic, la thérapie : « Il est temps de démontrer que les États-Unis peuvent combattre le terrorisme sans sacrifier leurs valeurs et l’État de droit. » Et il revient au Congrès, à majorité démocrate, de réparer les « dégâts provoqués par la politique du président Bush et du vice-président Cheney ». Trois priorités s’imposent : rétablir l’habeas corpus, en finir avec l’espionnage domestique et bannir la torture. L’éditorial du New York Times s’arrête ensuite sur la douloureuse question des prisons aménagées à l’ombre de la « guerre contre le terrorisme ». Deux catégories : celles gérées par l’armée en Irak, en Afghanistan et à Guantánamo et celles, secrètes, dépendant de la CIA. Partout, les mauvais traitements au mépris de la Convention de Genève sont la règle. Dans les unes et les autres, des « prisonniers fantômes » dont on ne connaît pas le sort et que Human Rights Watch s’efforce d’identifier. Un autre phénomène tout aussi révoltant s’est développé sous l’administration Bush : le transfert clandestin des prisonniers. Il s’agit de citoyens étrangers kidnappés par la CIA ici ou là et acheminés dans le plus grand secret vers des pays où, comme chacun sait, ils seront torturés. À l’occasion, l’administration invoque les « assurances diplomatiques » qu’elle a reçues quant au traitement de ces prisonniers, mais personne n’est dupe.
S’agissant de Guantánamo, il faut rappeler qu’il est surtout peuplé de centaines d’innocents « ramassés » dans les ratissages de l’armée américaine en Afghanistan. La grande majorité d’entre eux ne passeront jamais devant un tribunal et risquent d’être indéfiniment maintenus en détention sans accusation précise. Devant la montée des critiques, la Maison Blanche a créé des « tribunaux de confirmation du statut de combattant » qui ne sont que des parodies de justice : les preuves arrachées sous la torture sont admises ; les détenus n’ont pas la possibilité de les contester ; ils n’en ont généralement pas connaissance Le New York Times réclame purement et simplement la fermeture de Guantánamo, « symbole lamentable des abus commis par l’administration avec la complicité du Congrès ».
Le réveil de la conscience américaine, ajouté à la grogne qui se lève au Congrès, amènera-t-il Bush à infléchir sa politique en matière de droits de l’homme ? Ce n’est pas sûr. L’Amérique étant une société de spectacle, il sera probablement plus sensible à ce qui se passe en Irak, surtout si dans le flot de mauvaises nouvelles qui en viennent chaque jour certaines prennent une allure spectaculaire.

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