Percées identitaires

Trente mille voix séparent les deux candidats arrivés en tête au premier tour de l’élection présidentielle.

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

« Je savais que j’étais dans le cur de ma communauté. » Dans une petite baraque qui lui sert de bureau, dans un coin de la cour ombragée de sa maison du Cinquième, un quartier populaire de Nouakchott, Ibrahima Moktar Sarr (58 ans) commente en ces termes son bon score du premier tour (7,94 %). Journaliste, poète réputé et coauteur, en 1986, d’un Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé qui, en 1986, lui vaudra une peine d’emprisonnement, il est le premier candidat négro-mauritanien à sortir du lot lors d’une présidentielle. Rares sont ceux qui avaient prévu sa percée. Selon toute apparence, il est parvenu à rallier à sa cause un certain nombre d’électeurs de Mohamed Ould Maouloud, un vieux défenseur de la cause négro-mauritanienne, qui ne s’attendait pas à son faible score (4,08 %).
« Les autorités de la transition ayant un peu négligé le dossier du passif humanitaire, les Négro-Mauritaniens ont saisi l’occasion de la candidature du griot Sarr pour envoyer un message », analyse un universitaire, par allusion au poète qu’il est. Bien que critiqué pour sa virulence, celui-ci s’impose naturellement comme leur défenseur en promettant d’organiser le retour et l’indemnisation des réfugiés au Sénégal et au Mali, ainsi qu’un partage beaucoup plus équitable du pouvoir. Il revendique même l’octroi du poste de Premier ministre à un représentant de l’ethnie pular, dont il est issu. Mais il est peu probable qu’il obtienne gain de cause, son poids électoral étant concentré dans la seule région de la Vallée.
Idem pour les Haratines. Avec 9,8 % des suffrages, le charismatique Messaoud Ould Boulkheir, leur avocat de toujours, arrive en quatrième position. Il rejette l’expression trop politiquement correcte à ses yeux de « séquelles de l’esclavage », estimant qu’elle édulcore la réalité. S’il entend favoriser l’adoption de mesures juridiques afin d’éradiquer cette inadmissible pratique, il « n’ambitionne pas de devenir membre d’un quelconque gouvernement ». De fait, la présidence de l’Assemblée nationale siérait assurément mieux à ce politique très jaloux de son indépendance.
Si les causes d’Ould Boulkheir et de Sarr sont clairement identifiées, les remèdes qu’ils se font fort d’imposer au futur chef de l’État sont encore flous. Mais leurs scores respectifs constituent de précieuses indications quant à l’importance démographique réelle des communautés haratine et négro-mauritanienne.

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