À Marrakech, le cinéma fait école

Le premier établissement marocain dédié au septième art a ouvert ses portes : l’École supérieure des arts visuels, vivier de futurs talents.

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

L’injustice est réparée. L’École supérieure des arts visuels (Esav), installée provisoirement au coeur de la Médina, dispose d’un budget confortable de 5 millions d’euros et d’un environnement professionnel propice à créer en Afrique un pôle de compétences audiovisuelles des plus compétitifs. S’ajoutent la notoriété croissante du Festival international du film de Marrakech, ainsi que celle des studios de Ouarzazate qui attirent les réalisateurs étrangers. « Il était temps, explique Vincent Melilli, le directeur et fondateur de l’Esav. Ici les tournages se succèdent alors qu’il est impossible de recruter des techniciens continentaux de haut niveau. C’est d’autant plus anormal que la volonté du royaume d’encourager la production cinématographique est réelle et que la jeunesse aspire à y exercer ses talents. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour réussir ce pari un peu fou. »

Cet ancien directeur de l’Institut français de Marrakech est parvenu à capitaliser son expérience de directeur de salles à Paris et d’attaché audiovisuel à Londres. Fin connaisseur du Maroc, Vincent Melilli fait une rencontre décisive avec Suzanne Biedermann et Max Alioth, patrons de la Fondation suisse Dar-Bellarj. Ces authentiques donateurs ont, sans aucune demande de retour sur investissement, soutenu le projet de Melilli et, ensemble, imaginé une école dans laquelle l’université Cadi-Ayyad et la Fondation seraient actionnaires. Un bâtiment, installé sur un terrain de 6 000 m2, est en construction et abritera dès la rentrée prochaine les futures promotions. Les étudiants, sélectionnés après le bac (et sur pré-concours pour le reste du continent africain), disposeront pendant leurs trois années d’études de conditions de travail à rendre jaloux leurs homologues de la Femis à Paris ou de l’Insas à Bruxelles. On y trouvera deux plateaux de tournage, un auditorium de mixage, un studio photo, un autre d’enregistrement, une salle de cinéma de 250 places et une médiathèque.

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Le directeur du Centre cinématographique marocain, Nour Eddine Saïl, se frotte les mains. « Nous sommes en passe de devenir la première puissance cinématographique du continent avec près de quinze longs-métrages et trente téléfilms par an. Notre fonds d’aide au cinéma est passé de 30 à 50 millions de dirhams [de 2,7 à 4,5 millions d’euros]. Mais nous manquions de cadres et de techniciens. Cette école est donc une aubaine. » L’État marocain et les promoteurs du projet sont sur la même longueur d’ondes. Reste à produire des talents. Dans un pays où, depuis 1934, date à laquelle Hitchcock débarqua à Marrakech pour y tourner L’homme qui en savait trop, quasiment aucun Marocain n’a su profiter de l’économie générée par les emplois qualifiés des superproductions. Idem après le passage de David Lean (Lawrence d’Arabie), d’Orson Welles (Othello) ou de celui, plus récent, d’Oliver Stone (Alexandre).

Si les velléités de réalisation cinématographique sont légion chez les jeunes Maghrébins, rares sont ceux qui ont l’ambition de passer par les métiers de chef opérateur, d’ingénieur du son ou de script. Pourtant, les grands du métier sont passés par là avant de s’imposer (c’est le cas du Marocain Daoud Oulad Sayed, photographe de formation et désormais réalisateur reconnu). Jusqu’à aujourd’hui, les productions étrangères importent les compétences intermédiaires et c’est le Maroc qui en fait les frais. La création de l’Esav soulève donc tous les espoirs car elle coïncide avec un changement de mentalités dans une industrie audiovisuelle en plein essor. Malgré le piratage industriel des oeuvres qui continue de sévir et l’attrait toujours vif des Marocains pour le cinéma indien, les télévisions nationales produisent et les multiplex sortent de terre pour contrer les fermetures régulières des salles. Ainsi, en mettant en orbite des cadres qualifiés, le Maroc reprend la main et joue la carte de l’investissement humain. Avec des parrains d’école aussi prestigieux que Claude Miller, Abderrahmane Sissako ou Wim Wenders, la future élite n’a aucune excuse pour ne pas leur emboîter le pas.

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