L’exception malienne

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 2 minutes.

Les Maliens ne sont pas comme tout le monde. Alors que dans la plupart des États subsahariens ce sont les joutes partisanes qui alimentent le débat public, la classe politique bamakoise a opté pour une autre méthode : celle du consensus. Comme le souligne lui-même le chef du gouvernement, Ousmane Issoufi Maïga : « Le modèle malien est unique au monde. Je suis le Premier ministre apolitique d’un président élu sans étiquette dans un pays qui compte une centaine de partis. Technocrate par excellence, j’ai été nommé à la tête d’un gouvernement de large union nationale. »
Reste à savoir si ce bel unanimisme, au-delà de sa façade lisse et propre, ne constitue pas un danger pour la démocratie. Celui de gommer, à la longue, les différences idéologiques entre les acteurs politiques et, par voie de conséquence, de susciter des frustrations au sein d’un électorat qui ne se reconnaîtrait plus dans ses dirigeants. Le risque de privilégier un consensus mou et confortable, pour la sauvegarde duquel chacun se garderait de prendre des initiatives, bloquant ainsi les réformes nécessaires au développement du pays.

Reconnaissons toutefois que certains ont su éviter cet écueil. Au sein même du gouvernement, quelques ministres n’ont rien oublié de leurs convictions militantes, à l’instar du cinéaste Cheick Oumar Sissoko, qui continue de se battre inlassablement en faveur de l’accès de tous aux biens culturels. Sur le front social, les organisations syndicales interviennent régulièrement dans le débat pour défendre les travailleurs victimes des réformes structurelles dictées par Bretton Woods. Quant à Bamako, il est devenu l’un des épicentres du Forum social mondial en Afrique, une tribune où l’on dénonce la dérégulation du commerce international et ses conséquences sur les matières premières, à commencer par le coton. Sous couvert de consensus, le paysage politique malien est bel et bien un espace pluraliste, où les opinions s’expriment librement, parfois même avec force.

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Mais la formule actuelle peut-elle être pérennisée ? Ou tient-elle essentiellement à un homme, le président Amadou Toumani Touré ? La personnalité du chef de l’État sortant – militaire putschiste ayant remis le pouvoir aux civils après avoir renversé la dictature de Moussa Traoré en 1991 – peut le laisser penser. Quoi qu’il en soit, la tournure prise par la campagne électorale pour la présidentielle semble d’ailleurs illustrer les limites de l’exercice. Ainsi, le scrutin à venir risque de se concrétiser sinon par une bipolarisation accentuée de la vie politique, tout au moins par un duel entre deux hommes. Et quelle que soit l’issue de la confrontation entre le chef de l’État sortant et son challenger Ibrahim Boubacar Keïta, l’union sacrée qui a prévalu au cours du dernier mandat ne survivra peut-être pas au marathon électoral qui s’annonce. Verdict le 29 avril prochain.

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