Le poids de l’économie informelle
Avec l’aide de la Banque mondiale, l’économiste autrichien Friedrich Schneider a réalisé la première étude globale sur l’économie informelle dans les années 1999-2000. Il a essayé de « connaître le monde inconnu » de l’économie souterraine dans 110 pays, dont 24 en Afrique. Présentés en 2006, ses travaux méritent d’être vulgarisés, sinon pris en compte dans les pays en développement. L’économie informelle – en anglais shadow activity ou grey economy – recouvre, selon les définitions, le secteur légal mais non déclaré au fisc (travail, salaires et revenus) et/ou le secteur clandestin (production et trafic de drogue et d’autres marchandises, jeux d’argent, prostitution, fraude). Elle peut être indirectement évaluée par des indicateurs clés, comme la consommation d’électricité et la demande de monnaie. Les diverses méthodes ont leurs limites, mais elles permettent d’avoir une approche de la réalité que certaines décisions politiques viennent parfois confirmer. Trois grands pays ont officiellement annoncé une réévaluation de leur produit intérieur brut (PIB) au cours des vingt dernières années : l’Italie en 1987 (le PIB a été accru de 15 %, pour ajouter une part d’activités informelles estimées à 141 milliards de dollars), la Chine en 2005 (+ 17 %, 288 milliards de dollars) et la Grèce en 2006 (+ 25 %, 55 milliards de dollars).
Ces récupérations, même partielles, permettent de mieux situer le niveau de l’économie nationale dans un monde où les rapports de force prédominent. Selon l’étude, aucun pays n’y échappe. Mais dans les plus développés, le poids de la triche est inférieur à 20 % du PIB global : de 9 % en Suisse et aux États-Unis, de 15 % à 16 % en France et en Allemagne, de 27 % en Italie (après la réévaluation) et de 29 % en Grèce (avant réévaluation). En Afrique, la moyenne est de 42 %, avec un maximum de 58 %-59 % au Zimbabwe, en Tanzanie et au Nigeria, et un minimum de 28 % en Afrique du Sud. Même dans des économies assez structurées, l’informel représente plus ou moins le tiers du PIB (Tunisie, Algérie, Maroc, Égypte, Kenya, Botswana). À l’échelle mondiale, les as de l’informel et de la combine sont à chercher dans les pays de l’Est (67 % en Géorgie) et en Amérique latine (67 % en Bolivie, 64 % au Panamá et 60 % au Pérou).
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