Dali Jazi

L’ancien ministre tunisien s’est éteint le 9 mars à Tunis. Il avait 65 ans.

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Dali Jazi est mort des suites d’une longue maladie. Singulier destin que celui de cet homme politique tunisien atypique. Il a passé dix-huit années dans l’opposition à l’ex-président Habib Bourguiba, et autant au pouvoir, au côté du Président Zine el-Abidine Ben Ali. Cette double appartenance a fait qu’à ses funérailles, au cimetière de La Marsa, sur la colline de Sidi Abdelaziz qui surplombe le golfe de Tunis, Jazi a – fait extrêmement rare – réussi à réunir d’une part la fine fleur du pouvoir au complet et d’autre part les ténors de la société civile opposante. Une délégation de l’Association des femmes démocrates a même brisé un tabou en suivant jusqu’au cimetière le cortège funéraire traditionnellement réservé aux hommes. Le spectacle de cette union dans l’hommage unanime qui lui a été rendu n’aurait pas déplu au défunt, qui fut, tout au long de sa vie, d’une bonhomie légendaire et une source intarissable de blagues et d’anecdotes.

Né le 7 décembre 1942 à Nabeul, dans une famille patriote de la classe moyenne et d’esprit moderne, Dali Jazi a fait ses études supérieures à l’université de Paris-II où il a obtenu un doctorat en droit public et en sciences politiques. Le sujet de sa thèse est à lui seul un programme pour sa carrière : « Les rapports entre l’État et le citoyen dans la Tunisie indépendante : le problème des libertés publiques ». Il exerce d’abord comme avocat, puis comme professeur de droit public et de sciences politiques à l’université de Tunis. C’est là que commence sa première vie politique lorsqu’il rompt, en 1971, avec le parti au pouvoir, le Néo-Destour, dont il était membre depuis 1963. Il est alors, auprès de son aîné Ahmed Mestiri et quelques autres, l’un des principaux animateurs de la « tendance libérale » qui, le 20 mars 1976, réclame la fin du système de parti unique et le pluralisme des partis. Il est aussi l’un des fondateurs, en 1977, de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH), la première en Afrique et dans le monde arabe, et son premier secrétaire général. En 1978, Jazi est l’un des initiateurs du Mouvement des démocrates socialistes (MDS) et membre du bureau politique du seul parti qui pouvait être, à l’époque, une alternative légale au pouvoir.

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Sa deuxième vie politique débute avec son départ du MDS et son ralliement au président Zine el-Abidine Ben Ali, qui a succédé à Bourguiba le 7 novembre 1987. Devenu son ami, Jazi était l’un des rares politiciens à avoir des tête-à-tête informels et réguliers avec lui. Il a notamment été ministre de la Santé (1989-1992), président de la Cour des comptes, ministre à nouveau – de l’Enseignement supérieur (1994-1999), des Droits de l’homme, de la Défense (2001-2004) et enfin président du Conseil économique et social jusqu’à sa disparition. Dans l’une ou l’autre vie, cet homme aura été à la fois un patriote qui a servi et ne s’est pas servi, et un ami pour tous. C’est en 1995 que le mal, un cancer du côlon, est apparu. Commence alors une troisième vie de « résistant ». Il subit traitement sur traitement, souffre, mais ne rompt pas. Pendant douze ans, il s’est battu sans relâche. La sollicitude de Ben Ali, que ce soit par une prise en charge médicale totale, ou par son maintien en activité dans les plus hautes fonctions de l’État, l’y a énormément aidé. « C’est à Ben Ali que je dois ce prolongement de ma vie », nous confiait-il lors de l’un de nos entretiens pendant ses fréquents alitements.

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