Croissez et multipliez

Les experts de l’ONU sont formels : en dépit de la nette décélération de la croissance démographique mondiale, le cap des 9 milliards d’habitants devrait être franchi vers 2050.

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 4 minutes.

Combien serons-nous sur la Terre en 2050 ? 8 milliards ? 10 milliards ? 12 milliards ? En démographie, rien n’est jamais sûr, mais, compte tenu des dernières tendances et à en croire le rapport rendu public par l’ONU le 13 mars, le chiffre de 9,2 milliards d’habitants est vraisemblable. Il y a trente ans, quand les pays du Sud battaient des records de natalité, on imaginait le pire – jusqu’à 12 milliards d’habitants. Depuis, la croissance de la population mondiale est en décélération continue : 2 % en 1970, 1,2 % en 2000 et, sans doute, moins de 0,5 % en 2050.
Les estimations de l’ONU n’ont rien de fantaisistes. Elles se fondent sur une poursuite de la baisse générale de la natalité. L’indice synthétique de fécondité (ISF), qui mesure le nombre d’enfants par femme en âge de procréer, est passé en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1) dans une petite trentaine de pays développés, mais aussi en Chine. Or celle-ci, avec 1,3 milliard d’habitants, regroupe aujourd’hui quelque 20 % de l’humanité (6,7 milliards d’individus en 2007).
À ce rythme, la population d’une cinquantaine de pays aura diminué en 2050, notamment celle du Japon et de la Corée du Sud, où la baisse de la fécondité (moins de 1,3 enfant par femme en 2005) est déjà ancienne. La population chinoise, elle, continuera d’augmenter pour atteindre 1,5 milliard en 2035. À partir de cette date, elle commencera à stagner avant de décroître pour s’établir à 1,4 milliard en 2050. L’Europe, pour sa part, subira une vraie hémorragie, passant de 731 millions d’habitants en 2007 à moins de 670 millions. L’Allemagne, la Russie, l’Italie, l’Espagne, pays où l’ISF est actuellement égal ou inférieur à 1,3, seront particulièrement touchées. Seule une immigration importante leur permettra d’éviter un désastre humain. La France, qui a vu sa fécondité remonter régulièrement depuis une décennie pour atteindre le seuil de renouvellement en 2006 (voir J.A. n° 2404), s’en tire nettement mieux et devrait même, avec quelque 70 millions d’habitants, rattraper l’Allemagne d’ici à quatre ou cinq décennies. Idem pour les États-Unis, pays qui, l’immigration venant s’ajouter à une fécondité encore élevée (2,1 enfants par femme en 2006), s’enrichira de plus de 100 millions d’individus dans le même temps.
D’où viendront les 2,5 milliards d’habitants supplémentaires que comptera la Terre dans quarante-trois ans ? Des régions les moins développées, bien sûr, dont la population augmentera de 50 % en quatre décennies, passant de 5,5 milliards à 7,9 milliards. En Asie, tout d’abord, où, avec plus de 1,5 milliard d’habitants, soit une augmentation de 40 %, l’Inde aura dépassé la Chine. Mais c’est l’Afrique qui fournira le gros du contingent : sa population passera de 965 millions d’habitants en 2007 à près de 2 milliards en 2050.
Encore n’est-ce là qu’une moyenne. Car si le Maghreb présente un profil démographique proche de celui des pays développés avec des indices de fécondité inférieurs à 2,5, ceux-ci sont encore souvent supérieurs à 5 au sud du Sahara. Certains pays, parmi les plus pauvres, verront leur population tripler, au moins, au cours des quatre décennies à venir (Burundi, Guinée-Bissau, Liberia, Niger). Dans la liste des pays comptant plus de 100 millions d’habitants, l’Afrique aura au moins quatre représentants : le Nigeria, qui devrait dépasser les 250 millions, l’Éthiopie (plus de 170 millions), la RD Congo (environ 151 millions) et l’Égypte (127 millions).
Le boom démographique africain s’accompagne d’une évolution beaucoup plus réjouissante : la diminution des décès liés au sida. Pendant la période 2005-2020, leur nombre devrait être inférieur de plus de 30 millions aux estimations onusiennes en 2004. Une avancée obtenue pour une bonne part grâce à l’utilisation croissante de traitements antirétroviraux. Certes, les pays les plus touchés par la maladie verront leur population diminuer : c’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, qui pourrait ne plus compter que 30 millions d’habitants en 2050, contre près de 48 millions aujourd’hui. Mais, au total, le VIH affectera relativement peu le tableau démographique du continent.
On le sait aujourd’hui : la Terre est en mesure de supporter un tel surcroît humain. Du moins pour ce qui concerne l’alimentation. Car les dégâts écologiques ne pourront que s’aggraver au fur et à mesure que les pays pauvres rattraperont leur retard en termes de production et de consommation.
Autre grave problème : le vieillissement de la population mondiale. Ce phénomène qui pose de nouveaux défis socio-économiques d’envergure, notamment le financement des retraites, tient à la conjugaison de deux facteurs : la diminution sur le long terme des taux de fécondité et la baisse régulière de la mortalité. En 2045, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans dépassera celui des enfants de moins de 15 ans. L’Europe a franchi ce cap dès 1995. En 2050, elle comptera deux fois plus de personnes âgées que d’enfants. Prises globalement, l’Asie et l’Amérique latine en sont à une étape démographique relativement favorable où les actifs sont plus nombreux que les enfants et les personnes âgées. Mais cet avantage sera de courte durée : dans un quart de siècle, la population en âge de travailler sera minoritaire.
Dans ce mouvement de vieillissement généralisé, qui se traduira par un triplement du nombre des sexagénaires, l’Afrique reste à part. Elle est la seule grande région dont la population sera encore jeune, voire très jeune, au cours des décennies à venir (même si la fécondité y sera, comme partout, en diminution sensible). En 2050, elle comptera 1,2 milliard de moins de 18 ans sur un total de 2 milliards d’habitants. L’âge médian y sera de 28 ans, contre 40 ans en Amérique latine et en Asie. Et 47 ans en Europe. Le continent disposera alors d’un « capital humain » unique. À condition qu’il soit formé, celui-ci pourrait constituer un atout économique de taille.

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