Coronavirus : l’OMS dans le viseur de Donald Trump
En pleine pandémie de Covid-19, le président américain Donald Trump a vivement critiqué l’Organisation mondiale de la santé et sa gestion de la crise. Mais à travers elle, c’est surtout la Chine qui est visée…
Le 11 avril, les États-Unis sont devenus officiellement le nouvel épicentre mondial de la pandémie de Covid-19, avec plus de 500 000 cas répertoriés et près de 20 000 morts. Face à cette tragédie nationale, Donald Trump désigne un coupable : l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Lors de sa conférence de presse quotidienne à la Maison-Blanche le 7 avril, le président américain avait déjà sévèrement critiqué l’OMS, affirmant qu’elle s’était « trompée » en ne sonnant pas l’alerte à temps. « Ses responsables pouvaient le faire des mois plus tôt. Ils auraient dû connaître la situation et probablement ils la connaissaient », avait-il martelé, affirmant qu’il « allait mettre un frein à ses dépenses consacrées à l’OMS ». Une semaine plus tard, le 14 avril, Donald Trump a mis sa menace à exécution en ordonnant « la suspension du financement de l’OMS ». « Le temps de mener une étude très approfondie », a-t-il précisé, devant la presse.
« Si vous regardez en arrière sur plusieurs années, il semble que toutes les décisions semblent avoir été prises en faveur de la Chine, et ce n’est pas normal », s’était auparavant justifié Donald Trump, en rappelant que l’OMS était « largement financée par les États-Unis ». De fait, en 2019, Washington a contribué à hauteur de 11 % au budget de l’Organisation, qui s’élève à 4,4 milliards de dollars, alors que la participation financière de Pékin n’a pas dépassé les 3 %.
Proximité avec Pékin
Plus que l’OMS, c’est bien la Chine, « dont le manque de transparence a fait perdre un temps précieux au monde », qui est visée à travers elle. Par Washington, mais aussi par certains de ses alliés. Ainsi, au Japon, le vice-Premier ministre, Taro Aso, a proposé que l’OMS soit rebaptisée OCS, « Organisation chinoise de la santé, puisque Taïwan ne peut toujours pas en faire partie ».
Plusieurs tribunes publiées dans la presse française se sont également fait l’écho des préoccupations de la Maison-Blanche. « La Chine exerce un pouvoir très fort au sein de l’OMS, depuis le passage à sa tête de Margaret Chan entre 2006 et 2017 », rappelait ainsi la sinologue Marie Holzman dans le quotidien Libération, le 9 avril.
L’OMS est soupçonnée d’avoir accepté sans broncher les chiffres officiels annoncés par Pékin et qui semblent, chaque jour un peu plus, bien en deçà de la réalité. Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS, se retrouve donc lui aussi sur le banc des accusés, même s’il n’a jamais été nommément cité par Donald Trump.
Depuis le début de la crise, le patron de l’OMS est soupçonné d’être inféodé au président Xi Jinping
Élu en mai 2017, avec le soutien affiché de Pékin, l’Éthiopien est soupçonné depuis le début de la crise d’être inféodé au président Xi Jinping. Certains reprochent également à l’OMS d’avoir sciemment sous-évalué la réalité de l’épidémie dans la province du Hubei, en estimant par exemple le 10 janvier « qu’il n’est pas nécessaire de prendre des mesures sanitaires particulières pour ceux qui sortent de la ville de Wuhan ».
Quatre jours plus tard, l’organisation confirmait encore que, « selon les documents fournis par la Chine, rien ne prouve qu’il y a un risque de transmission de personne à personne ». Le docteur Tedros est également mis en cause pour avoir assuré le 30 janvier, soit deux jours après s’être entretenu en personne avec Xi Jinping, que les études chinoises « étaient fiables et transparentes ».
Bouc émissaire ?
Mais l’OMS a aussi ses défenseurs. La presse anglo-saxonne en particulier estime que l’organisation « est un bouc émissaire de plus pour Donald Trump, comme l’ont été auparavant l’administration Obama ou les médias ».
« Fin janvier, le président américain annonçait encore dans un tweet que la situation était largement sous contrôle aux États-Unis », rappelle un éditorialiste du Guardian. Quelques jours après avoir déclaré l’état d’urgence nationale, le 13 mars, il promettait encore que les entreprises rouvriraient pour Pâques.
« Aucun élément ne permet aujourd’hui à Donald Trump, qui a lui-même attendu le 22 janvier et son retour de Davos pour parler officiellement en public du Covid-19, d’affirmer que la réponse de l’OMS a été trop tardive, assure Thomas Bollyky, expert américain des questions de santé publique. La Chine a très clairement commis de grosses erreurs, mais la priorité du jour n’est pas de chercher les responsables : c’est de lutter contre le virus. »
Même discours en Afrique où, le 8 avril, Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine, s’est dit « surpris de voir qu’une campagne a été lancée par le gouvernement américain contre les dirigeants de l’OMS ». Le même jour, le président rwandais Paul Kagame, après s’être demandé qui était « vraiment visé : Tedros, l’OMS ou la Chine », a insisté pour éviter le « trop de politique » : « L’Afrique n’a pas besoin de cela. »
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