[Tribune] Joe Biden, plus que jamais favori à la présidentielle américaine
À la différence de Hillary Clinton en 2016, Joe Biden, désormais ultra-favori à l’investiture démocrate, sait qu’il ne peut se passer du soutien des partisans de Bernie Sanders. Face à lui, Donald Trump est plus affaibli que jamais. Reste à savoir si l’élection se déroulera à la date prévue…
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Pap Ndiaye
Historien, professeur à Sciences Po Paris, nouveau directeur général du Palais de la Porte Dorée
Publié le 15 avril 2020 Lecture : 4 minutes.
Le dernier acte des primaires démocrates à l’élection présidentielle de 2020 vient de se jouer : avec le retrait de Bernie Sanders, Joe Biden est désormais seul en lice. Il affrontera donc, sauf accident, le président sortant Donald Trump en novembre prochain. Officiellement, Sanders n’a fait que suspendre sa campagne, mais c’est bien un renoncement définitif. « Je ne peux pas, en conscience, continuer une campagne que je ne peux pas gagner », a-t-il précisé, la voix tremblante d’émotion.
La crise sanitaire et économique a donc eu pour effet, d’une part, d’abréger la campagne du sénateur du Vermont, en très mauvaise posture de toute manière, et d’autre part, d’atténuer les différences entre les deux démocrates. En stand-by dans sa maison du Delaware, Biden a, ces temps-ci, tout le temps de réfléchir et de consulter ses conseillers, et sans doute Barack Obama.
Propos aimables
De manière très stratégique, il a gauchi son programme en allant dans le sens de certaines propositions de Sanders : abaissement à 60 ans de l’éligibilité à Medicare, effacement de la dette étudiante pour celles et ceux issus de familles modestes. Biden a enfoncé le clou en indiquant que ces propositions émanaient de son ancien rival, et a multiplié les propos aimables à son égard.
Cette bonne volonté a compté dans la décision de Sanders de jeter l’éponge. D’autres emprunts suivront sans doute, dans les semaines à venir. Et puis, les deux hommes se connaissent depuis longtemps et se respectent.
Contrairement à Hillary Clinton, qui avait cru pouvoir se passer de Sanders et avait négligé son redoutable appareil militant, Biden semble bien déterminé à inclure ce dernier dans sa campagne, d’une façon ou d’une autre. Il a retenu la leçon de 2016 : Sanders ne sera jamais président, mais aucun candidat démocrate ne peut lui tourner le dos.
Par rapport à la précédente campagne, il y a aujourd’hui un facteur unificateur très puissant : le bilan de la présidence actuelle. Il y a quatre ans, environ 8 % des électeurs de Sanders ont voté pour Donald Trump, sans compter ceux qui sont restés chez eux. Or, désormais, ce dernier n’est plus une menace : il a désormais un bilan, et tout le monde sait à quoi s’en tenir.
Cela est d’autant plus vrai que la bonne santé de l’économie, dont le locataire de la Maison Blanche se gargarisait il y a peu encore, est partie en fumée depuis quelques semaines. Les États-Unis vacillent comme un boxeur sonné. Et les images sépia de la Grande Dépression reviennent en mémoire : les files de chômeurs, les banques alimentaires, les usines et les commerces fermés.
Donald Trump affaibli par la crise sanitaire
Comme en 1932, l’élection présidentielle de 2020 se tiendra — en principe — dans un moment de crise profonde. À l’époque, le président sortant, Herbert Hoover, fut balayé par Franklin Roosevelt. En ira-t-il de même cette année ? Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que la position de Trump est gravement affaiblie par la crise sanitaire.
Que restera-t-il donc de sa présidence, si ce n’est des gesticulations grotesques, des litanies d’insultes et de mensonges, des obsessions racistes et sexistes, une incompétence éclatante et un narcissisme dévorant ? C’est d’abord là-dessus que comptent les stratèges démocrates pour convaincre les supporters de Sanders de glisser un bulletin Biden dans l’urne.
Rien n’est joué, mais Biden fait la course en tête
Trump est le meilleur atout des démocrates. En outre, Sanders ne peut plus envisager, étant donné son âge, une nouvelle candidature à l’élection présidentielle (cela est également vrai pour Biden). Le sénateur du Vermont n’a donc pas besoin de maintenir ses troupes l’arme au pied, comme il l’a fait en 2016, lorsqu’il pensait déjà à 2020. Cela facilite un rapprochement avec Biden.
Certes, c’est Trump qui occupe actuellement le devant de la scène, en donnant son avis très personnel sur le virus tous les jours à la télévision. Mais cela ne lui profite pas : il est en chute libre dans les sondages, en particulier dans le groupe des personnes âgées, crucial pour lui (et très exposé à la maladie).
Tenue de l’élection incertaine
Le bavardage de Trump ne rassure pas ; il fait peur. Rien n’est joué, mais Biden fait la course en tête. Qui l’eût cru il y a encore quelques semaines ? Les événements cataclysmiques qui se déroulent actuellement incitent à rester modeste : par exemple, la tenue de l’élection en novembre n’est pas absolument certaine ! En cas de crise aiguë cet automne, elle pourrait être repoussée de quelques semaines au moyen d’une loi votée par le Congrès et signée par le président. Mais l’entrée en fonctions ne peut être modifiée : ce sera, quoi qu’il arrive, le 20 janvier 2021.
Des incertitudes pèsent également sur les procédures de vote, et donc sur la participation électorale. Les républicains ont intérêt à ce qu’elle soit la plus réduite possible (les minorités et les jeunes votant moins), tandis que les démocrates souhaitent le contraire, pour des raisons inverses. Une bataille sourde se déroule également à propos du vote par correspondance et d’autres dispositions pratiques des droits civiques. De cela aussi dépendra le résultat final…
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