Au fil des pages

Avec son vaste fonds de traditions orales, la littérature malienne est l’une des plus riches de tout le continent africain.

Publié le 19 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Avec son vaste fonds de traditions orales, la littérature malienne est l’une des plus riches de tout le continent africain. Ses épopées, ses contes, ses légendes, ses récits de chasseurs, ses poésies initiatiques, ses proverbes et devinettes qui coexistent avec les formes littéraires modernes et continuent de faire le bonheur du public populaire font de ce pays l’un des hauts lieux des lettres mondiales. Pour Amadou Hampâté Bâ, « la plus grande partie du patrimoine culturel du Mali s’appuie sur la puissance et la beauté de la parole ». Une parole venue du fond des âges, habile à faire rire, pleurer et vibrer le public d’hier et d’aujourd’hui.
La littérature malienne moderne est d’expression française. Elle est le produit de la colonisation de l’Afrique occidentale par la France à partir du XIXe siècle. Les premiers textes en français à émaner de cette région sont le fait des explorateurs et des militaires français. La littérature à proprement parler émerge dans les années 1950 avec la publication d’un ouvrage de poésie peule par Hampâté Bâ. Très vite, la fiction prend le dessus, à l’image de ce qui se passait à l’époque dans les autres pays africains francophones. La Passion de Djimé, sous la plume de Fily Dabo Sissoko en 1956, et Sous l’orage de Seydou Badian Kouyaté, paru en 1963, sont les premiers romans maliens en français. De cette génération, Fily Dabo Sissoko fut l’un des premiers lettrés du Soudan français, pétri à la fois de littératures occidentales et de traditions orales de sa région. Inspiré à la fois de l’épopée africaine et du roman psychologique à la française, son roman témoigne du métissage de styles et met en scène les heurs et malheurs de la société précoloniale à travers la passion amoureuse de son personnage principal. Seydou Badian Kouyaté raconte, pour sa part, les tensions de la société coloniale et la guerre des anciens et des modernes dans Sous l’orage, devenu un grand classique.
À la suite de ces pionniers, la fiction malienne connaît un épanouissement exceptionnel dont témoignent des uvres subtiles et de qualité telles que Le Prix de l’âme (1981) de Moussa Konaté, Toiles d’araignées (1982) d’Ibrahima Ly ou la trilogie romanesque de Massan Makan Diabaté : Le Lieutenant de Kouta (1979), Le Coiffeur de Kouta (1980) et Le Boucher de Kouta (1981). Mais c’est avec le récit subversif et épique que fait Yambo Ouologuem dans son magistral Le Devoir de violence que la narrativité malienne atteint un sommet de perfection, rarement atteint dans la littérature africaine contemporaine. Vaste saga historique, Le Devoir de violence a fait date, car c’est le premier roman noir qui ose regarder l’histoire africaine en face, ses crimes, ses excès, ses horreurs, rompant ainsi avec le romantisme quelque peu naïf de la négritude. Couronné par le prix Renaudot en 1968, ce roman a été au cur d’une vive polémique tout en contribuant en même temps au renouvellement de l’inspiration africaine.
Difficile de conclure ce bilan de la littérature malienne contemporaine sans parler de l’apport d’Amadou Hampâté Bâ. Chercheur en littératures traditionnelles, mais aussi poète, romancier, conteur, mystique, c’est une personnalité à facettes multiples. Disparu en 1991, il a laissé derrière lui une uvre foisonnante qui se situe « au carrefour de l’oral et de l’écrit », pour citer Nicolas Martin-Granel, spécialiste de littérature africaine. Fidèle à l’adage qu’il a popularisé : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », Hampâté Bâ a débuté sa carrière littéraire dans les années 1940 en recueillant la production orale traditionnelle dans le cadre de l’Institut français de l’Afrique noire fondé par Théodore Monod. Il s’est illustré ensuite en publiant de la poésie, des essais historiques, des contes initiatiques inspirés de la tradition peule et une (auto)biographie romancée intitulée L’Étrange Destin de Wangrin, dans laquelle le satirique et le nostalgique se mêlent pour restituer la vie sous la colonisation. Mais ce sont ses Mémoires en deux volumes (Amkoullel, l’enfant peul, paru en 1991 et Oui, mon commandant, paru en 1994), qui l’ont fait connaître au grand public international.
La singularité du parcours et de l’uvre de Hampâté Bâ fait de lui un écrivain à part. La reconnaissance internationale dont il jouissait de son vivant, le prestige de son uvre ont rejailli sur son pays d’origine, qui bénéficie aujourd’hui d’une visibilité littéraire exceptionnelle. Comme en témoigne la rencontre des littératures panafricaines qu’accueille tous les deux ans Bamako, en association avec les organisateurs des Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. n

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