Guérisons du coronavirus : y a-t-il une exception sénégalaise ?

Avec près de 61% de patients guéris, et seulement deux morts en un mois et demi, le Sénégal fait figure d’exception sur le continent. À quoi tient ce « miracle », et peut-il perdurer ?

Au Sénégal, des voyageurs se protègent de l’épidémie de coronavirus, à Dakar, le 24 mars 2020. © Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA

Au Sénégal, des voyageurs se protègent de l’épidémie de coronavirus, à Dakar, le 24 mars 2020. © Sylvain Cherkaoui/AP/SIPA

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Publié le 15 avril 2020 Lecture : 4 minutes.

Deux morts et 60,5% de patients remis sur pied. Avec 314 cas déclarés depuis le 2 mars, dont 190 guéris et sortis de l’hôpital le 15 avril, le Sénégal affiche un taux de guérison record sur le continent. À titre de comparaison, le Maroc, où l’épidémie est arrivée en même temps, n’enregistrait le 14 avril que 11% de patients guéris, l’Algérie 30%, l’Afrique du Sud 18% et le Cameroun 15%.

S’y ajoute le nombre de décès liés au Covid-19, encore très faible, avec deux morts, soit 0,64% des patients, quand le taux de mortalité en Algérie est de plus de 15%.

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Ces deux statistiques, « qu’il faut interpréter avec beaucoup de prudence », selon le docteur Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (COUS), sous la houlette du ministère de la Santé, semblent toutefois alimenter l’idée d’une exception sénégalaise. Depuis le début du mois avril, le pays voit même son nombre de patients hospitalisés baisser, avec 121 cas sous traitement le 15 avril, contre 143 il y a dix jours.

Pas de mesures sanitaires drastiques

S’il rappelle qu’il est « encore trop tôt pour anticiper l’évolution future de l’épidémie », le docteur Abdoulaye Bousso veut voir dans cette déferlante de chiffres « encourageants » les premiers effets des mesures prises par le chef de l’État. À l’instar de la fermeture des frontières aériennes, décidée le 20 mars, qui pourrait avoir partiellement réglé la question des cas importés de l’étranger, qui, jusqu’ici, représentaient avec leurs contacts 96% des malades, selon le docteur Bousso.

Pourtant, le Sénégal est loin d’afficher les mesures sanitaires les plus drastiques du continent. Il n’est pour l’instant pas question d’un confinement en dehors des heures de couvre-feu, de 20 heures à six heures du matin, contrairement à l’Afrique du Sud qui l’a imposé dès le 26 mars.

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Pas d’obligation non plus de porter un masque, comme c’est le cas au Maroc, bien que la mesure soit en discussion. Ni même de mise à l’isolement de Dakar, qui a enregistré 196 cas depuis le début de l’épidémie, contrairement à Abidjan, dont il est interdit d’entrer et de sortir depuis le 29 mars. Quant à la distanciation sociale prônée partout dans le monde, elle ne semble exister que sur les panneaux de sensibilisation ayant essaimé dans les rues de Dakar.

Peu de cas sévères

Comment expliquer ces bons résultats, alors que les mesures sanitaires sont a priori plus souples que dans d’autres pays du continent ? « Le Sénégal a eu très peu de cas sévères et a pris en charge ses patients avec beaucoup de célérité : les résultats des prélèvements sont disponibles dans les 24 heures, tous les patients testés positifs ont systématiquement été hospitalisés, qu’ils présentent des symptômes ou non, et leurs contacts immédiats ont été confinés », résume le professeur Bousso.

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Pourrait aussi s’y ajouter le traitement à l’hydroxychloroquine, sur lequel a parié dès le 26 mars le professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital de Fann, où sont admis une partie des malades. « Les patients sous hydroxychloroquine guérissent plus vite », avait-il ainsi déclaré lors d’une conférence de presse le 2 avril, bien qu’il n’existe pas encore de consensus médical sur l’efficacité ou la dangerosité des traitements à base de chloroquine contre le coronavirus.

« Nous sommes loin de voir le bout du tunnel », tempère de son côté le professeur Ousmane Faye, en charge du département de virologie de l’Institut Pasteur, qui effectue les dépistages. Car si le taux de guérison est en hausse, le nombre de nouvelles contaminations, lui, reste stable. En avril, les autorités ont recensé en moyenne huit à neuf nouveaux cas par jour.

« Garder en tête que l’épidémie est bien présente »

« L’impression que la courbe baisse ne signifie pas que l’épidémie ne se propage plus », martèle celui qui fût en première ligne dans la lutte contre Ebola et la fièvre jaune sur le continent.

Si la progression reste lente et les cas contacts globalement suivis, l’enjeu est désormais d’endiguer totalement la progression de la pandémie. Une tâche compliquée par la multiplication des « cas communautaires » (ces cas dont la chaîne de transmission n’est pas connue).

« Tant qu’il y a des cas communautaires, cela signifie qu’il y a des patients vecteurs du coronavirus qui ont échappé aux radars, et cela représente un danger », renchérit Lucile Imboua, représentant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au Sénégal.

Face à ces cas communautaires et au taux constant de nouvelles contaminations, l’État sénégalais cherche une nouvelle stratégie, conscient que les nombreuses guérisons enregistrées jusqu’ici ne suffiront sans doute pas à éviter la crise. Confinement total, port du masque obligatoire ou dépistage massif sont autant de mesures en débat.

En attendant, « il faut garder en tête que l’épidémie est bien présente, qu’elle continue de se propager et que nous sommes toujours dans la zone chaude. Si le nombre de contaminations est exponentiel, la situation pourrait devenir difficile à gérer », prévient le professeur Ousmane Faye.

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