Stockholm, côté arabe

Publié le 19 février 2007 Lecture : 3 minutes.

La voix du commandant de bord en français approximatif : « Nous aurons trente minutes d’avance sur notre trajet Paris-Stockholm. » J’ai pensé : c’est la même chose dans nos villages du Sud, sauf que, chez nous, on arrive toujours après l’heure.
La Suède où je débarque est un pays nickel. Aéroport fonctionnel, douanes discrètes, autoroute dégagée jusqu’au cur de la capitale. Belle ville ma foi, avec des volumes qui rappellent Florence, de grandes avenues à la madrilène, une mer qui serpente à travers un tissu urbain composé d’immeubles de couleurs ocre, rouge et bleu qui font penser aux villes du désert marocain. La cité est truffée de musées et de superbes édifices, dont le Palais du roi, déserté par la souveraine actuelle pour cause de pollution. Seule la relève de la Garde royale demeure, qui fait la joie des touristes.

Traversé par la mer qui fait de la capitale une multitude d’îles, Stockholm est aussi entouré de forêts et il suffit de quelques minutes pour se retrouver dans les bois. Ce n’est que depuis quelques années que les cafés se sont dotés de terrasses, à la façon méditerranéenne. C’est qu’on vit à l’intérieur dans ce pays où l’hiver est long, froid et sombre. Un intérieur relatif, puisqu’il est d’usage de ne pas mettre de rideaux dans les appartements et de placer des lampes aux fenêtres, afin de mieux éclairer la rue lorsque la nuit tombe en plein jour. Cet usage semble aussi permettre à chacun de savoir ce qui se passe chez le voisin. Telle est la culture protestante, m’a-t-on dit, soucieuse de montrer que l’on n’a rien à cacher chez soi et qu’on est vierge de tout soupçon. L’exact contraire de nos pays arabo-musulmans où la vertu s’affiche à l’extérieur tandis que le diable batifole derrière les voiles !
Stockholm, « c’est une ville hypercalme », me confirme Noureddine Chatti, d’origine tunisienne, quarante ans de Suède, un guide de choix. Comme beaucoup de Maghrébins arrivés ici dans les années 1960, il a épousé une « locale », avec laquelle il a eu trois filles, des Beurettes de Suède aux yeux bleus. Noureddine Chatti fait partie des 400 000 musulmans qui habitent en Suède. Dont certains souffrent de précarité et pour qui le gouvernement a nommé en octobre 2006 une ministre de l’Intégration d’origine congolaise, Nyamko Sabuni, partisane de l’interdiction du voile dans les écoles et de l’imposition de contrôles médicaux aux jeunes filles pour vérifier qu’elles n’ont pas été excisées.
Noureddine Chatti se bat depuis des années pour faire construire un « institut du monde arabe », façon française. Mais l’État n’en est pas convaincu, et n’a concédé à ses mahométans que quelques mosquées dont celle de la capitale située au centre-ville et pourvue d’un minaret. N’empêche, « les Suédois sont curieux des autres cultures et ne demandent qu’à nous connaître », affirme Chatti, qui dénonce plutôt le manque d’initiative de ses coreligionnaires : « Si les princes arabes se mettaient à investir dans la culture et moins dans les mosquées, cela changerait le regard occidental sur l’islam ! »
Régulièrement, le Tunisien de Stockholm invite écrivains et poètes arabes. Mahmoud Darwich y était il y a quelques mois et, avant lui, Adonis. Au mois de mai 2006, le musicien tunisien Anouar Brahim fut ovationné au Théâtre du Sud devant une salle comble. Hier, la littérature maghrébine était à l’honneur au musée de la Méditerranée, avec Abdellatif Laâbi et Ouassini Laarej, entre autres invités, alors que dans l’un des théâtres du centre les plus courus l’Algérien Ben Aïssa se produisait en suédois. Encore un peu et l’on croirait que Stockholm est en passe de devenir la capitale de la culture arabe.

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