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Publié le 19 février 2007 Lecture : 4 minutes.

La communauté internationale s’est très rapidement inquiétée de la dégradation de la situation en Guinée. Elle a multiplié les déclarations déplorant le nombre de victimes civiles, notamment les jeunes, et appelé au rapide rétablissement de l’ordre. Mais elle n’est guère allée au-delà. Le récent Sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a décidé de confier une mission de bons offices aux présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria et Abdoulaye Wade du Sénégal. Mais aucun des deux n’a pu se rendre sur place, leur accueil sécurisé ne pouvant être garanti et, surtout, leur homologue Lansana Conté n’ayant manifesté aucune envie de les voir. Au contraire. Et le déplacement que l’ex-chef de l’État nigérian Ibrahim Babangida et le président de la Commission de la Cedeao Mohamed Ibn Chambas devaient faire le 26 janvier à Conakry, Obasanjo et Wade étant empêchés, a été annulé au dernier moment.
Ce qui avait alors fini par décider le président João Bernardo « Nino » Vieira, l’un des rares chefs d’État de la sous-région à entretenir de longue date des liens d’amitié avec Conté, à lui rendre visite. Du 27 au 29 janvier, les deux hommes se sont vus trois fois. Une série d’entretiens dont Nino a rendu compte à Blaise Compaoré, président en exercice de la Cedeao dont les relations avec Conté passent pour être détestables, ainsi qu’à Wade. Lequel est loin d’avoir l’oreille de son homologue guinéen qu’il n’a jamais pu convaincre, malgré une ou deux tentatives, d’instaurer un dialogue, même informel, avec ses opposants.
À peu près à la même période que Nino, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, dépêchait à Conakry son représentant personnel pour l’Afrique de l’Ouest, le Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah – qui avait, quelques jours plus tôt, pris langue avec Nino qu’il avait alors invité à s’impliquer dans le dossier guinéen en intervenant discrètement auprès de son ami. Mais rien n’a filtré sur les résultats de sa mission ; on ne sait même pas s’il a pu rencontrer le président Conté.
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dont le secrétaire général, Abdou Diouf, a été l’une des rares personnalités à rencontrer Conté au Palais qui, pour l’occasion, avait quitté son village de Wawa, en avril 2006, au lendemain du rocambolesque limogeage du Premier ministre guinéen d’alors Cellou Dalein Diallo, a quant à elle insisté sur le fait que l’état de siège décrété le 12 février ne peut en aucun cas constituer un moyen de sortie de crise durable. L’OIF a également rappelé que si les autorités ne peuvent assumer leur « responsabilité de protéger » les populations, c’est au Conseil de sécurité des Nations unies de réagir.
Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a écrit à Lansana Conté pourt l’exhorter à respecter la lettre et l’esprit des accords conclus fin janvier avec les syndicats. L’Organisation internationale du travail en a fait de même, qui s’est également inquiétée pour la vie des responsables syndicaux. Le Programme alimentaire mondial a protesté, lui, contre le pillage de 450 tonnes de produits alimentaires de trois de ses centres de stockage pour une valeur de plus de 650 000 euros.
L’Union européenne (UE), présidée actuellement par l’Allemagne, s’est bornée à des déclarations critiques mais sans conséquences, alors que Bruxelles dispose de moyens de pression considérables, dont le moindre n’est pas le gel de l’aide dispensée à la Guinée par le Fonds européen de développement (FED), mais les députés européens semblent vouloir aller plus loin. Ils demandent notamment la mise en place d’une commission d’enquête sur les manquements aux droits de l’homme et la libération des personnes arrêtées et jetées en prison.

Les milieux guinéens de l’étranger, pour la plupart des opposants au régime Conté, nourrissaient l’espoir de voir le sommet Afrique-France, réuni les 15 et 16 février à Cannes, prendre une position ferme, condamner les actions meurtrières des forces de l’ordre, critiquer l’état de siège, et en appeler à la mise à l’écart du président Conté, voire à sa destitution. Certains espéraient même que Jacques Chirac profiterait de ce dernier sommet de son deuxième mandat pour se démarquer de la pratique constante de Paris (laquelle, depuis plusieurs décennies, consiste à soutenir les régimes en place et à avaliser après quelques critiques verbales et un délai de décence les successions même les moins régulières). D’autant qu’il s’est rendu en Guinée en juillet 1999 et a pu constater le peu de zèle démocratique de Lansana Conté, qui venait d’emprisonner quelques mois auparavant l’un de ses opposants, Alpha Condé.
Ainsi va la Guinée de Conté. Certains rappellent qu’à aucun moment de son histoire (même au moment du débarquement de forces portugaises et d’opposants guinéens en novembre 1970, de la marche des femmes en août 1977, de la tentative de coup d’État du Premier ministre Diarra Traoré en juillet 1985) l’état de siège n’a été proclamé.

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