Sea, sun and lifting

De plus en plus d’Occidentaux prennent leurs vacances au Maghreb pour se refaire une beauté. Une manne dont la région entend profiter.

Publié le 19 février 2007 Lecture : 4 minutes.

Pour les millions de touristes en provenance d’Europe et d’Amérique qui passent chaque année leurs vacances au Maghreb, l’Afrique du Nord n’est plus seulement synonyme de plages de sable et de trek au Sahara. Pour des milliers d’entre eux, la région est aussi devenue, aux côtés de l’Asie et de l’Europe de l’Est, une destination de choix pour subir une opération de chirurgie esthétique. Il faut dire que les avantages y sont nombreux : tarifs de soins attractifs – de 50 % à 70 % moins chers, en moyenne, que dans les pays développés – et, surtout, possibilité de profiter de la vie pendant la convalescence.
Pionnière dans la région, la Tunisie est devenue, en quelques années, une référence en matière de tourisme médical. Plus de 1 000 Occidentaux y ont subi une intervention de chirurgie esthétique en 2005, contre 500 seulement en 2004. « Je suis ravie de ma liposuccion. En plus, je suis revenue chez moi en pleine forme et toute bronzée », commente Luce, 46 ans, aide-comptable dans une entreprise française, qui promet déjà de revenir l’année prochaine avec des amies pour un lifting de groupe. Avec l’explosion de la demande, plusieurs agences de voyages spécialisées ont vu le jour.
Le tarif, très compétitif, des prestations tunisiennes constitue le principal atout du pays. Quand, en France, il faut compter autour de 6 000 euros (près de 10 300 dinars) pour se faire poser des prothèses mammaires, la facture tombe à 2 600 euros, en moyenne, en Tunisie. Avec, en prime, un séjour dans un hôtel 5 étoiles… « À ce prix-là, le choix est vite fait », tranche Luce, qui a opté pour une formule tout compris : billet d’avion, assurance médicale, séjour dans un palace et intervention chirurgicale à la clinique de La Soukra, à Tunis. « J’ai eu droit à un service irréprochable et à un accueil très chaleureux », tient-elle à préciser, un rien nostalgique. Comme elle, 75 % des patients étrangers sont des femmes. Les Françaises sont les plus nombreuses, suivies des Belges, des Suissesses, des Italiennes et des Anglaises.
Mais avec plus de 8 500 médecins aux diplômes reconnus en Europe et quelque 80 cliniques privées qui, pour la plupart, répondent aux standards internationaux, la Tunisie revoit à la hausse ses ambitions. Progressivement, le pays se tourne vers les opérations chirurgicales traditionnelles plus lourdes. « Mon opération de hernie s’est très bien déroulée, et ma convalescence encore mieux », raconte Andrew, un jeune restaurateur du quartier populaire londonien de Walthamstow.
Au Maroc en revanche, le tourisme médical reste encore embryonnaire. Pourtant, le tarif des soins n’y est pas plus élevé. Une augmentation mammaire en séjour varie entre 2 240 et 2 700 euros (entre 25 000 et 30 000 DH). Pourtant, peu d’agences spécialisées ont vu le jour. Tout passe par le bouche à oreille. « Nous développons une offre adaptée aux désirs du client étranger », affirme un chirurgien plasticien de Casablanca, qui a ouvert son propre site Internet. « Contrairement aux Tunisiens, qui en ont fait une véritable industrie, nous offrons un service personnalisé de meilleure qualité. Chaque patient est un cas particulier qui a une relation individuelle avec son médecin », renchérit le Dr Mohamed Guessous, diplômé du Collège français de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique (CFCPRE). « Notre travail ne consiste pas à créer des stéréotypes. Au contraire. Notre objectif est d’augmenter le capital beauté de nos patients et de les aider à se sentir bien dans leur peau », insiste-t-il.
Si le royaume chérifien cultive sa différence et vante la qualité de ses services, il compte pourtant bien refaire une partie de son retard sur la Tunisie. Dans cette perspective, sa stratégie est claire : une spécialisation dans les interventions légères qui ne nécessitent ni soins particuliers, ni anesthésie générale. Inavoué, l’objectif est d’éviter les complications médicales et, par ricochet, toute mauvaise publicité que ne manquerait pas de faire au pays une intervention ratée. « D’ici à quelques années, le Maroc aura rattrapé, et même dépassé, la Tunisie », pronostiquent certains praticiens à Casablanca, qui mettent en avant « la bonne réputation des chirurgiens marocains et le charme du royaume ».
Reste que la compétition ne se résume pas à un simple duel maghrébin. Loin de là. Et qu’en Europe, une telle délocalisation de la santé commence à agacer sérieusement. Depuis deux ans, les médecins français ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. « La santé ne se brade pas, la médecine n’est pas un commerce », avait déclaré, au mois de juillet 2005, le Syndicat français de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, par la voix de son secrétaire général adjoint, Luc Roffe.
Dans les autres pays du Vieux Continent également, le ton monte. Excédés de voir leurs citoyens aller se faire soigner à l’étranger, de plus en plus de gouvernements exigent la mise en place d’un cadre juridique rigoureux. Officiellement, c’est le suivi des actes médicaux qui inquiète les médecins. « Qui l’assurera en cas de complication, une fois le patient rentré dans son pays ? » interroge l’un d’eux, qui exerce à la clinique chirurgicale Victor-Hugo, à Paris. Au niveau européen, le commissaire à la Santé, Markos Kyprianou, présentera, à la fin de 2007, un projet de réglementation « des prestations sur les soins transfrontaliers » qui devrait mettre de l’ordre dans l’Union. Avant, peut-être, d’être généralisée. La directive doit notamment définir les conditions dans lesquelles les ressortissants des Vingt-Sept pourront recevoir un traitement médical dans un autre pays que le leur au sein de l’UE et quel système de sécurité sociale le prendra en charge.
Dans quelle mesure aussi les chirurgiens européens ne craignent-ils pas une concurrence déloyale de leurs collègues nord-africains ? La question mérite d’être posée. Quoi qu’il en soit, la guerre du bistouri ne fait que commencer !

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