Les vérités d’Ahmed Ould Daddah
Ex-opposant irréductible à Maaouiya Ould Taya, il est l’un des grands favoris de l’élection présidentielle du 11 mars en Mauritanie. Que pense-t-il d’Ely Ould Mohamed Vall et du CMJD ? Du « passif humanitaire » du pays, de l’islamisme et du dossier du Sah
Il a tout connu : le pouvoir et les responsabilités au temps où Mokhtar, son demi-frère, présidait aux destinées de la Mauritanie ; puis l’opposition, la prison et l’exil, sous Maaouiya Ould Taya. Aujourd’hui, au terme du processus de transition engagé au lendemain du « putsch de velours » qui, le 3 août 2005, renversa sa « bête noire », il figure parmi les favoris de l’élection présidentielle du 11 mars. Ahmed Ould Daddah, 64 ans, est un personnage à part dans le microcosme politique mauritanien. Un technocrate reconverti en politique, doublé d’un irréductible opposant, qui, quatorze ans durant, ne s’est jamais compromis avec le pouvoir. Bref, une exception.
Sortant d’une réunion avec plusieurs de ses lieutenants du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), le parti qu’il préside, il nous reçoit dans sa villa de Tevragh Zeina, un quartier résidentiel de Nouakchott. Drapé dans une deraa blanche, trois téléphones portables dans les mains, il semble soucieux. C’est que la tension est vive, à Nouakchott, en ce mois de février. À cause d’un discours d’Ely Ould Mohamed Vall qu’une grande partie des Mauritaniens ont interprété comme un appel au vote blanc. Deux jours plus tard, le chef de l’État convoquera la presse pour revenir sur ses déclarations et réitérer son engagement : neutralité du Conseil militaire pour la justice et la démocratie [soupçonné de soutenir le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi, NDLR] et élections transparentes. Au pays des rumeurs, il suffit de quelques mots du président pour susciter l’inquiétude ou provoquer les exégèses les plus abracadabrantes En l’occurrence, quelques mots suffiront aussi à calmer les esprits. Le 13 février, pour clore définitivement le chapitre, Vall a réuni l’ensemble des officiers de l’armée pour leur rappeler leurs devoirs, tandis qu’une circulaire était adressée aux ministres, membres du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), préfets et walis pour leur rappeler leur obligation de respecter une stricte neutralité, tant au cours de la campagne que du scrutin lui-même.
Marié à Birgitte, une artiste danoise, et père d’un fils de 40 ans, Ahmed Ould Daddah n’a ni le profil ni le physique de l’irascible opposant qu’il fut parfois. Taille moyenne, silhouette ascétique et lunettes à double foyer, il n’élève jamais la voix. Féru de littérature – c’est un fan de Camus, Yourcenar et Amin Maalouf – et d’histoire, cet homme pieux, courtois et réputé intègre – y compris chez ses adversaires – n’est pas à proprement parler un tribun. Ses détracteurs en profitent pour dénoncer son manque de charisme. Ses partisans y voient l’expression d’une (trop ?) grande modestie. Pour eux, son parcours et ses actes parlent d’eux-mêmes.
Ahmed Ould Daddah est né à Boutilimit, dans le Sud-Ouest mauritanien, le 7 août 1942. Il reçoit une formation traditionnelle coranique, cursus obligatoire dans le milieu maraboutique dont il est issu, puis entreprend des études modernes et, à 20 ans, passe son baccalauréat scientifique. En 1967, il décroche une licence en sciences économiques, à Paris, et, trois ans plus tard, un diplôme d’études supérieures (DES), à Dakar.
Sa carrière professionnelle débute, en 1967, comme conseiller économique et financier adjoint de Mokhtar Ould Daddah. Après une parenthèse de trois ans à la tête du secrétariat exécutif de l’Organisation des États riverains du fleuve Sénégal, il est nommé, en 1971, directeur général de la Société nationale d’import-export (Sonimex), qui avait, à l’époque, le monopole du commerce extérieur. Mais c’est en 1973 que sa carrière prend véritablement son envol. Il devient gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, poste qu’il conservera jusqu’en 1978, puis sera un éphémère ministre des Finances et du Commerce, jusqu’au coup d’État du 10 juillet, qui déposera son demi-frère. À la tête de la Banque centrale, il créera la monnaie nationale, l’ouguiya, en remplacement du franc CFA.
Le nouveau régime militaire le pousse à l’exil. Cette même année, la Banque mondiale le recrute en qualité d’expert économique. En 1986, il est détaché auprès du gouvernement centrafricain, mène sa mission avec professionnalisme, mais ne rêve que de retour parmi les siens. Ce qu’il fera en 1991, sept ans après l’accession au pouvoir d’un certain colonel Maaouiya Ould Taya.
Il se lance alors en politique, ce qui lui vaudra bientôt les foudres du régime. En 1992, il est secrétaire général de l’Union des forces démocratiques/ère nouvelle (UFD/EN), parti qui sera dissous huit ans plus tard, en octobre 2000. Candidat à l’élection présidentielle de 1992, il obtient 33 % des voix, score assez incroyable dans le contexte de l’époque, tant la crédibilité de scrutin était affectée par les soupçons de fraude massive pesant sur l’administration aux ordres d’Ould Taya.
Par la suite, Ould Daddah sera victime d’incessantes tracasseries policières. En janvier 1995, il est ainsi placé en résidence surveillée à Tichitt. Mesure identique, en décembre 1998, à Boumdeïd. En avril puis en décembre 2000, il est emprisonné à Nouakchott. Candidat du RFD à la présidentielle du 7 novembre 2003, il fait l’objet d’une dernière tentative d’emprisonnement à la fin de l’année suivante. Ould Taya l’accuse en effet d’être impliqué, aux côtés de l’ancien président Mohamed Khouna Ould Haïdallah, dans le financement des tentatives de coup d’État militaires déclenchées par les « Cavaliers du changement » (deux membres de ce groupe sont aujourd’hui candidats à la présidentielle). Il faudra une forte mobilisation internationale et l’intervention du Parlement européen pour empêcher sa condamnation.
Comme toute la Mauritanie, Ahmed Ould Daddah se trouve aujourd’hui à un tournant. Grand favori de la présidentielle avec Sidi Ould Cheikh Abdallahi et, dans une moindre mesure, Zeine Ould Zeidane, il a enfin l’occasion, au terme d’un long parcours d’opposant qu’il qualifie lui-même de « galère », d’accéder au pouvoir, à sa troisième tentative. S’il cite volontiers l’impatience comme son « principal défaut », il ne lui reste plus que quelques semaines à attendre pour connaître le verdict des urnes.
Jeune Afrique : Nous voici presque au terme de la transition commencée au lendemain du coup d’État du 3 août 2005. Quel bilan en dressez-vous ?
Ahmed Ould Daddah : Je préfère attendre la fin du processus pour me prononcer. La transition a très bien commencé. Pendant au moins un an, tout s’est parfaitement déroulé, dans un cadre consensuel et en toute transparence. Mais depuis cinq ou six mois, nous assistons à de regrettables dérapages : interventions au plus haut niveau pour favoriser certains candidats, déclarations ambiguës du chef de l’État, etc.
Nous sommes aujourd’hui dans la dernière ligne droite. Ely Ould Mohamed Vall a réaffirmé que le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) restera neutre et que les élections se dérouleront dans la plus grande transparence. Je souhaite qu’il tienne son engagement. Si, comme je l’espère, ces engagements sont respectés, et, a priori, tout semble désormais l’indiquer, je serai le premier à dire que la transition a été un grand succès.
De quoi la Mauritanie a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ?
D’abord, de restaurer la confiance entre gouvernants et gouvernés. Aucun pays ne peut accepter indéfiniment d’être dirigé contre sa volonté. Ensuite, de retrouver son unité.
Imaginons : vous êtes élu président le mois prochain. Quelles sont vos premières décisions ?
Avant tout, j’explique aux Mauritaniens que je ne suis que l’un d’entre eux. Un simple citoyen qu’ils ont élu. Ensuite, j’annonce la création de structures qui leur permettront, à tout moment, d’entrer en contact avec le chef de l’État. Enfin, je les informe que je m’efforcerai, à l’avenir, de faire ce que je dis et de dire ce que je fais.
Au-delà de quelques généralités, on a du mal à cerner les programmes des principaux candidats, et notamment le vôtre
Mon programme est clair et s’articule autour de deux axes majeurs. Le premier : l’unité nationale, qui doit être considérablement renforcée. Nous devons lever tous les obstacles, qu’ils soient structurels ou conjoncturels, qui s’y opposent. Ainsi de l’esclavage, qui a été aboli en 1960 mais dont il reste des séquelles. Je pense aussi à la nécessaire réconciliation des populations, afin de dépasser les conséquences des événements tragiques d’avril 1989 [marqués par de sanglants affrontements entre Maures et Négro-Africains, puis la fuite d’un grand nombre de ces derniers vers le Mali et le Sénégal, NDLR].
Autre élément d’importance : la reprise en main de l’administration, qui ne doit plus être au service exclusif des gouvernants et des riches, mais être républicaine et juste. C’est valable pour notre justice, comme pour le reste. D’ailleurs, la lutte contre la corruption sera une priorité.
La Mauritanie n’est pas uniquement confrontée à des problèmes d’unité nationale ou d’administration
Bien sûr que non, mais l’unité d’une nation est la base de tout. C’est le socle qui nous permettra de mettre en uvre les autres chantiers : une politique sociale adaptée aux besoins criants de la population, et une gestion saine et rigoureuse de nos ressources, quelles qu’elles soient
Comment financez-vous votre campagne ?
Bonne question. À l’heure où nous parlons, aucun schéma clair de remboursement par l’État des frais de campagne des candidats n’a été retenu. Il est anormal qu’il faille être riche pour se présenter. Nous avions donc proposé au gouvernement que tout candidat qui obtiendra plus de 5 % des suffrages exprimés soit remboursé de la moitié de ses frais. Après discussion, ce seuil avait été ramené à 3 %. Depuis, rien ne nous a été confirmé. C’est dramatique.
Comment faites-vous alors ?
Nous finançons nos activités par les dons de nos militants et de nos sympathisants. C’est très laborieux et franchement « limite ».
La classe politique ne semble pas avoir une très bonne image auprès de la population
Je ne suis pas très bien placé pour vous répondre. Si la classe politique a des défauts, je n’y échappe évidemment pas. Quant à mes adversaires, j’ai du respect pour eux. Jamais je ne me laisserai aller à des attaques personnelles. Si un autre que moi est élu de façon transparente et juste, je serai le premier à le féliciter.
Avez-vous un modèle de dirigeant, en Afrique ou ailleurs ?
Pas vraiment. Le calife Omar Ben Abdelaziz, de la dynastie omeyyade [né en 682, il régna à Damas entre 718 et 720, NDLR], peut être donné en exemple pour son sens aigu de la justice et du devoir, mais aussi pour l’attention qu’il prêtait en permanence aux plus démunis. À vrai dire, les philosophies m’attirent davantage que les systèmes ou les hommes. En outre, chaque modèle a ses qualités, mais aussi ses défauts
Le régionalisme est, en Mauritanie, un phénomène important : certaines régions se trouvent favorisées, quand d’autres restent complètement marginalisées. Avez-vous l’intention de procéder à un rééquilibrage ?
C’est évident. Il faudra, dans un premier temps, atténuer, puis faire disparaître l’enclavement et la marginalisation de certaines régions. D’abord, par la réalisation d’infrastructures, routières notamment. Ensuite, par la mise en uvre de politiques de rattrapage en matière de santé et d’éducation. Enfin, en tirant un meilleur parti des ressources de chacune d’entre elles. Car elles en ont, notamment dans le domaine agricole. Il est d’autant plus vital de faire revivre ces régions que Nouakchott ne peut accueillir toute la Mauritanie et n’a d’ailleurs pas vocation à le faire. Une des idées importantes de mon programme, c’est précisément la décentralisation.
Êtes-vous favorable à l’autorisation de partis islamistes ?
La question, qui sous-entend une éventuelle menace, ne se pose pas réellement. Nous sommes une république islamique. Les Mauritaniens sont musulmans sunnites à 100 %. L’islam est chez nous le premier facteur d’unité, et nous n’avons jamais connu l’extrémisme.
Ce qui ne signifie pas que ce ne sera jamais le cas
Bien sûr. À vrai dire, je suis contre le fait de soumettre la création d’un parti à autorisation. J’en ai trop souffert par le passé. Ce qui n’est pas interdit est autorisé. Et si dérive ou menace il y a, alors l’État, évidemment, doit intervenir et prendre les mesures adéquates. Enfin, vous savez aussi bien que moi que le terreau de l’extrémisme, c’est l’injustice, l’insupportable pauvreté, la répression aveugle, le non-respect des us et coutumes d’un peuple Luttons contre tout cela et nous n’y serons pas confrontés.
Croyez-vous à la menace al-Qaïda au Maghreb, et singulièrement en Mauritanie ?
Il semble que le triangle Mali-Algérie-Mauritanie soit une zone à risques. Je ne pense pas que l’on puisse nier l’existence d’une menace, que certains événements récents, chez nos voisins en tout cas, confirment. On peut en revanche s’interroger sur sa gravité. Et se demander dans quelle mesure il s’agit de terrorisme, de banditisme ou de contrebande.
Si vous êtes élu, que comptez-vous faire des membres du CMJD ?
Si le processus de transition s’achève normalement
A priori, votre élection serait bien le signe que les choses se sont déroulées normalement !
[Rires.] Bonne remarque. N’étant soutenu par personne, je ne l’aurais pas volée, cette élection ! Dans tous les sens du terme, d’ailleurs. Après quinze ans de galères
Donc ?
Dans cette hypothèse, il faudrait traiter les membres du CMJD de la plus digne des façons, en raison des services rendus à la nation. La plupart sont assez jeunes, ils peuvent jouer un rôle extrêmement utile au cours des cinq prochaines années. Ce sont des officiers supérieurs, et ils ont fait de la politique pendant la période de transition. Leur expérience est unique.
Quel pourrait être leur rôle ?
Je n’ai pas d’idée arrêtée sur la question. Nous pourrions, par exemple, créer un Conseil national de sécurité auprès du chef de l’État, auquel pourraient être intégrés les membres les plus éminents du CMJD. Mais ceux qui souhaiteraient conserver ou retrouver un commandement militaire pourraient évidemment le faire. Des fonctions dans le gouvernement, la diplomatie, la haute administration territoriale ou à la tête de sociétés d’État sont également envisageables. J’ajoute que, quelle que soit leur situation, ils devront être mis dans les meilleures conditions possibles. Y compris matériellement.
Avez-vous des contacts avec le CMJD ?
J’ai rencontré à plusieurs reprises le chef de l’État, Ely Ould Mohamed Vall, ainsi que d’autres membres du CMJD. Chaque fois, le courant est bien passé et cela a été utile, à mes yeux, en tout cas. En outre, nous sommes un petit pays où tout le monde se connaît, directement ou non
Craignez-vous un éventuel retour des militaires ?
Non. Pas si le gouvernement civil est à la hauteur et assume ses fonctions correctement. Y compris vis-à-vis de l’armée.
Quelle est votre position à propos de ce que certains appellent le « passif humanitaire » de l’ancien régime ?
Le diable est dans les détails. Si je suis élu, je souhaite traiter ces questions sur le fond, avec les victimes ou leurs ayants droit. Il faut trouver des solutions qui garantissent une réconciliation durable.
Concrètement, cela signifie quoi ?
Je le dis clairement : il ne serait pas raisonnable d’engager des poursuites judiciaires. Nous devrons d’abord reconnaître les fautes commises. C’est le rôle, je crois, du chef de l’État, au nom de la nation. Ensuite, nous devrons indemniser les victimes. Je veux régler ce problème sans poursuites et sans rancune.
Un peu sur le modèle de l’Instance Équité et Réconciliation, au Maroc ?
Oui, c’est un peu cela. Nous devrons être à l’écoute des gens et, en même temps, les convaincre du bien-fondé de cette démarche.
Quelques milliers de réfugiés négro-mauritaniens expulsés en 1989-1990 se trouvent toujours au Sénégal. Ils exigent un retour organisé et collectif au pays. Que faire ?
Paradoxalement, je trouve qu’il s’agit du problème le plus facile à régler. Ceux dont la nationalité mauritanienne est avérée rentreront, seront réintégrés dans leurs droits et indemnisés. De façon collective ou individuelle, qu’importe. L’important est de dire le droit et de rendre la justice.
En juillet 2006, dans nos colonnes, le président Vall estimait que « rien ne s’oppose à un retour d’Ould Taya en Mauritanie ». Partagez-vous ce point de vue ?
Ould Taya est un ancien chef de l’État. S’il le souhaite, il peut rentrer en Mauritanie et bénéficier de tout ce qui est prévu pour un ancien chef de l’État.
Y compris d’une immunité ?
Je ne crois pas qu’un ancien président en bénéficie Pas en France, apparemment. [Rires.] Non, plus sérieusement, je ne souhaite pas qu’il soit poursuivi.
Pourra-t-il faire de la politique ?
Pourquoi pas ? N’ayant pas été condamné, c’est un citoyen comme les autres.
Le dossier du Sahara empoisonne les relations entre vos voisins algérien et marocain. Quelle doit être, selon vous, la position de la Mauritanie ?
Nous sommes avant tout préoccupés par les problèmes des Sahraouis, qui sont nos frères. Il s’agit des mêmes populations, des mêmes tribus. Sur un plan affectif, nous sommes très proches d’eux. En outre, il s’agit pour nous d’une région économiquement importante : c’est par le cap Blanc [la région de Nouadhibou, à la frontière avec le Sahara occidental, NDLR] que transite la quasi-totalité de nos exportations, qu’il s’agisse des minerais ou des produits de la pêche. Il faut que ce problème du Sahara trouve une solution équitable, qui stabilise en outre toute la région.
Quelle solution, selon vous ?
C’est un dossier délicat, passionnel, qui suscite de nombreux blocages. Le problème étant exclusivement politique, il faut trouver une solution politique. Nous mettrons en uvre tous les moyens pour rapprocher nos frères, par le dialogue.
Pensez-vous à un dialogue direct entre les deux pays ou dans le cadre des Nations unies ?
Les Nations unies, qui sont chargées du problème global de la paix et de la stabilité dans le monde, peuvent et doivent jouer un rôle très important. Mais les vraies solutions doivent être trouvées dans la sous-région.
En 1999, lors de la reconnaissance officielle de l’État d’Israël par Maaouiya Ould Taya, vous étiez contre. Avez-vous changé d’avis ?
J’ai toujours été contre. Nous n’avons pas de communauté juive en Mauritanie, nous n’avons jamais entretenu de relations commerciales avec Israël et avons une longue tradition de solidarité avec nos frères palestiniens. Mais j’ai aussi toujours dit qu’il n’était pas souhaitable d’aborder cette question au cours de la présente campagne électorale. Nous avons d’autres priorités : la Mauritanie est à genoux. Le moment venu, nous étudierons la question. Et ce sont les intérêts de la Mauritanie qui prévaudront.
Êtes-vous favorable à la réintégration de la Mauritanie dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ?
De la même manière, nous étudierons cette question en temps voulu. La situation évolue. Si nous devenons un important pays pétrolier, par exemple, nous devrons préserver nos intérêts et nos frontières. Mais il est trop tôt pour en parler. Réglons d’abord l’essentiel, à savoir nos problèmes intérieurs. Ce qui ne doit pas nous empêcher de jouer un rôle dans l’espace maghrébo-ouest-africain.
La Mauritanie est souvent présentée comme un pays biculturel, avec un pied au Nord et l’autre au Sud
La Mauritanie est arabe, africaine et islamique. Cela signifie que notre dimension africaine doit absolument être préservée et développée. L’identité arabe, elle, est plus évidente. Si nous réussissons la symbiose de ces trois éléments, la Mauritanie se portera bien.
Comment envisagez-vous les relations avec la France ?
La France et, plus généralement, l’Europe sont nos partenaires naturels. Il faut toujours s’appuyer sur plus puissant que soi. C’est un ensemble géographique auquel nous devons nous ancrer.
Mais il y a la concurrence des États-Unis et de la Chine, entre autres
Oui, c’est un point positif. Mais l’Europe est à nos portes et nous parlons le français. Il est donc logique d’approfondir nos liens. Avec pragmatisme.
Vous intéressez-vous à l’élection présidentielle française ?
Assez peu, j’ai de quoi m’occuper ici !
Votre formation, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), entretient des liens étroits avec le Parti socialiste français. Soutenez-vous Ségolène Royal ?
Naturellement. Si je pouvais voter, je voterais pour elle. D’autant que le PS nous a toujours soutenus, même dans les moments les plus difficiles. Ce qui ne nous empêche pas d’entretenir des relations avec l’UMP, les Verts ou le Parti communiste, par exemple.
Imaginez-vous une femme, un jour, à la tête de la Mauritanie ?
Vous savez, chez nous, les femmes jouent un rôle plus important qu’on ne le croit souvent. Mais cela me semble quand même difficile pour le moment. Même si mon parti se bat pour une meilleure représentation des femmes en politique. Les dernières élections législatives l’ont démontré.
La Mauritanie, et la région de Nouadhibou en premier lieu, est devenue un point de départ important de l’émigration clandestine vers l’Europe. Comment faire face à ce phénomène ?
L’Europe a trois peurs : le terrorisme, l’immigration clandestine et une troisième qu’elle ne s’avoue pas toujours, le défi commercial lancé par la Chine et l’Inde. Le Maghreb peut être pour elle un bon partenaire, pour peu qu’elle comprenne qu’il n’est pas son ennemi. Le remède à ces trois peurs est un véritable partenariat économique et politique.
C’est une solution à long terme
L’espoir fait vivre. Les clandestins qui risquent leur vie pour traverser la mer le font parce qu’entre la certitude de mourir de faim chez eux et l’infime espoir d’une vie meilleure, ils choisissent la seconde solution. Si l’Europe nous aide à leur rendre l’espoir, chez eux, ils n’auront plus besoin de mettre leur vie en péril. Cela signifie qu’il faut mettre un terme à la politique de l’autruche et aider au développement économique, mais aussi politique, de nos pays. Donc, plus de démocratie.
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