[Chronique] Alcool et Covid-19 : la prohibition à double tranchant
Faut-il, comme en Afrique du Sud, interdire la vente d’alcool pendant la période de pandémie ? Les avis sont partagés et les effets bigarrés…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 19 avril 2020 Lecture : 2 minutes.
«Touche pas à ma bibine» : tout régime africain a tâté de la grogne sevrée, lorsqu’une dévaluation implique l’augmentation du prix du pastis ou quand une grève de brasserie provoque un début de pénurie. Il y a les pays où l’on jauge la santé économique au cours du carburant et ceux où le moral des citoyens est indexé sur les tarifs des caves. En période de pandémie virale, effleurer ce secteur ne serait donc pas recommandé, à ceci près qu’il s’est établi un lien inattendu entre le Covid-19 et l’alcool…
Primo, début mars, une rumeur affirmait que les boissons alcoolisées étaient efficaces dans le traitement des maladies liées au coronavirus. En Iran, pays le plus touché après la Chine à cette époque, 27 personnes mouraient intoxiquées après avoir bu de l’alcool frelaté et 218 autres étaient hospitalisées à la suite de cette beuverie prétendument thérapeutique.
Violences familiales
Certes, face à telles fake news, il convient de communiquer plus que de prohiber. Sauf qu’en période de confinement, l’alcool expose à un autre danger qui n’est pas non plus typiquement africain. La réduction des balades hors du domicile conduit souvent à une surconsommation d’alcool sur canapé. Il en résulte parfois des violences conjugales.
En Afrique du Sud où l’alcoolisme est déjà la troisième cause de décès, les autorités ont banni la vente de boissons alcoolisées en période de confinement, pour prévenir non seulement l’augmentation des violences familiales, mais aussi les tentations de bacchanales retrouvailles sociales contraires aux recommandations de distanciation sociale. Au bout de quelques jours de prohibition, le ministre de la Police, Bheki Cele, se félicitait d’une baisse importante des crimes depuis le début des mesures de confinement, baisse qu’il attribuait publiquement à l’interdiction de la vente d’alcool.
Pourtant, certains voient moins le verre à moitié plein que la chope à moitié vide. Chez les consommateurs réguliers d’alcool, la baisse individuelle de consommation génère un énervement qui, lui-même, entraîne vers des trafics ou des pillages. Concernant le contournement des règles de prohibition, le cas de l’Iran précédemment cité est éloquent : la consommation et la vente d’alcool y sont interdites, mais les médias font régulièrement état d’intoxications mortelles avec des produits de contrebande.
En Afrique du Sud, selon de récentes déclarations officielles, ce sont même des représentants des forces de l’ordre qui ont été arrêtés « en train d’acheter de l’alcool qui devait ensuite être revendu ailleurs ». Des policiers auraient été pris « en flagrant délit d’utilisation de véhicules publics pour escorter trois camions chargés de bouteilles ».
D’autres citoyens qui n’ont pas accès au marché noir entreprennent de s’approvisionner à la source. Depuis le début du confinement, le 27 mars dernier, 16 attaques visant des commerces de spiritueux auraient été enregistrées dans la seule province du Cap…
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