Azouz Begag

Ministre français délégué à la Promotion de l’égalité des chances

Publié le 19 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Par quelle formule accueillir Azouz Begag lorsqu’il arrive, ce matin du 12 février, au 57 bis ? « Monsieur le Ministre », « Bonjour l’écrivain ! » ou « Salut le gone ! », comme l’appellent encore ses copains de son Villeurbanne natal ? Moment d’hésitation. L’homme a l’air distant. Pourtant, on a l’impression d’avoir affaire à une vieille connaissance. Plus tard, on croit déceler son inquiétude devant une salle de rédaction comble. Erreur : il éclate de rire et balance, comme un gamin heureux, qu’il « se sent bien » à J.A. où il scelle des retrouvailles avec cette « identité d’Afrique dont [il] essaie de nourrir la France ».
Né en 1957 de parents algériens, il rêvait à 5 ans d’être « président comme Nasser », pendant que son père trimait sur un marteau-piqueur. L’école désigne au gamin des bidonvilles lyonnais le chemin de la réussite, puis la littérature, une quarantaine de livres, entre romans et contes. D’où son art du mot et son franc-parler qui détonnent dans un monde politique plombé par la langue de bois. D’où son assurance aussi : « Attention ! prévient-il, ce que l’on me dit ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd, mais sous la plume d’un écrivain ! »

Azouz Begag est docteur en économie, enseignant à l’École centrale de Lyon depuis 1980 et chercheur au CNRS en socio-économie urbaine. Nommé membre du Conseil économique et social en 2004, il présente un rapport sur la police nationale et les populations issues de l’immigration où il recommande une série de mesures novatrices, comme la création d’une Brigade antidiscrimination (BAD), ou le recrutement de policiers d’origine immigrée. Ce travail lui vaut d’être nommé en 2004 ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances.
Il s’attelle à la création d’une Agence nationale pour la cohésion sociale et déclenche un « tour de France de la diversité ». Il rechigne à utiliser le mot « intégration » auquel il préfère le concept d’« égalité des chances », qu’il inscrit au cur des valeurs républicaines, se démarquant de Nicolas Sarkozy, promoteur de la « discrimination positive ». Ce sera sa première passe d’armes avec le ministre de l’Intérieur. Il y en aura une autre, plus vive, à propos des mots « racailles » et « Kärcher ». Begag argue qu’il est libre de dire ce qu’il pense. Il n’est pas membre de l’UMP, mais « issu de la société civile », « gaulliste socialiste », si l’on veut, Villepiniste sans conteste.
Begag ne dispose pas des moyens de son ambition : pas d’administration, mais des organismes épars et une action transversale : « Je fais le crabe entre les ministères pour propager l’idée de l’égalité des chances. » N’empêche, aujourd’hui, il n’est pas un homme politique qui ne parle de « l’égalité des chances », et les grandes écoles, comme les entreprises ou la fonction publique, s’efforcent tant bien que mal de s’ouvrir à la diversité. Un succès qui ne le sauve pas de moments de découragement : « J’ai parfois l’impression d’être le passeur entre deux France : une mythique, qui est à l’uvre depuis 1789, et une pragmatique. » Begag avoue qu’il a du mal à se mettre dans les habits de la fonction : « Personne ne m’avait appris comment marcher ministre, comment s’habiller ministre ! Je ne savais pas faire un nud de cravate. Il m’a fallu six mois pour apprendre les codes. » Épreuve plus difficile : « passer pour un ministre comme les autres ». Dans le train qui le ramène de province, le contrôleur exige son titre de voyage et ricane : « Ministre ? Sans blague ! » Quant aux douaniers américains, ils passeront à la fouille cette graine de terroriste qui prétend être ministre de France ! D’ailleurs, il n’est pas une expression qui le rende plus furieux que « Beur de service » : « Pourquoi on ne dirait pas homo de service ou juif de service ? C’est absolument insultant pour ma fonction, mon travail, mes vingt ans d’action sur le terrain et mes bouquins ! »

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Begag sait que sa carrière de ministre s’achève bientôt, et il s’y prépare sereinement. Car l’enfant né dans une baraque en planches n’a jamais oublié « qu’il se trouve chez les autres » en politique. Ni d’où il vient. Et Begag de confier sa joie de voir ses deux filles « remonter leur arabe généalogique ». Que fera-t-il demain ? Poursuivre son travail d’acteur social et se présenter aux municipales à Lyon, peut-être. Écrire, à coup sûr. D’ailleurs, le livre est déjà prêt. Il sera publié après les élections et risque de faire des remous. Celui qui se plaît à dire « je suis le seul ministre écrivain du gouvernement actuel » est un des rares qui peut aussi affirmer qu’il y a « une vie après la politique ». Sans faire ricaner.

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