Al-Qaïda Connection

L’ex-GSPC a revendiqué les attentats qui ont frappé la Kabylie le 13 février. L’organisation, qui confirme son ralliement à la nébuleuse d’Oussama Ben Laden, a également appelé à poursuivre le djihad dans tout le pays.

Publié le 19 février 2007 Lecture : 4 minutes.

Un impressionnant dispositif de sécurité a refait son apparition au lendemain des attentats qui ont tué six personnes et en ont blessé une trentaine d’autres, le 13 février, en Kabylie. Depuis, aviation et troupes d’élite passent le maquis au peigne fin. Les hélicoptères de reconnaissance sillonnent le ciel. La moindre grotte suspecte est systématiquement bombardée. Sur les routes, les contrôles se sont intensifiés et les barrages filtrants se sont multipliés. Signe de la forte tension qui s’est emparée de la région : policiers et gardes communaux ont renfilé leur gilet pare-balles. On ne sait jamais
Il était 4 heures du matin à Si Mustapha, une petite bourgade située à 12 km au sud de Boumerdès, sur l’axe Alger/Tizi-Ouzou, lorsque les bombes ont explosé. Quelques instants auparavant, un véhicule s’était garé à proximité de la brigade de gendarmerie de la ville. Deux individus en étaient furtivement descendus et avaient pris la fuite, éveillant les soupçons du gendarme en faction devant le bâtiment, qui leur a tiré dessus sans les toucher. S’ensuivit une déflagration qui endommageait tous les immeubles du quartier. Bilan : quatre civils tués. Deux policiers, eux, trouvaient simultanément la mort dans l’explosion de six autres bombes. Huit, au total, ont été posées dans les wilayas de Boumerdès et de Tizi-Ouzou, visant surtout des commissariats et des gendarmeries, mais l’une a été désamorcée par les artificiers de l’armée.
Les charges étaient puissantes, mais artisanales. L’explosif utilisé provenait d’un mélange de produits chimiques faciles à trouver sur les marchés. Actionné à distance grâce à un téléphone cellulaire, le système de détonation était à peine plus sophistiqué. Retrouvé à Boumerdès, du matériel appartenant aux poseurs de bombes devrait permettre d’en savoir plus dans les prochains jours. Pris de panique, probablement parce qu’il ne connaissait pas bien la ville, le commando qui y a agi s’est enfui en laissant sur place une bonne partie de son équipement. Un caméscope – sans cassettes – a notamment été découvert, laissant penser que l’attentat, comme d’autres précédemment, a été filmé et que des images pourraient être bientôt mises en ligne sur Internet.
Revendiquées via un coup de téléphone au bureau de Rabat de la chaîne qatarie Al-Jazira par l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d’Abou Moussab Abdelwadoud, qui se fait désormais appeler « organisation al-Qaïda dans les États islamiques du Maghreb », ces attaques constituent le premier fait d’armes du groupe depuis qu’il a officiellement changé de nom. Elles confirment également que les islamistes algériens, qui refusent toujours l’amnistie proposée par le président Abdelaziz Bouteflika, restent, plus que jamais, opérationnels et que leur ralliement à l’organisation d’Oussama Ben Laden n’était pas un vain mot, n’en déplaise à Daho Ould Kablia, le ministre algérien délégué aux collectivités locales. Récemment, ce dernier déclarait : « Allié d’al-Qaïda ou pas, le GSPC est un mouvement qui tend à être éradiqué en totalité et ne constitue pas une menace importante. »
Ni le mode opératoire ni le timing dans lequel se sont déroulées les opérations n’ont surpris l’Antiterrorisme, la structure informelle qui coordonne l’action de l’ensemble des services de sécurité à Alger. Pour elle, les attentats du 13 février rappellent étrangement ceux dont avaient déjà été victimes deux commissariats de Kabylie, en octobre dernier. Des camions bourrés d’explosifs avaient alors été garés à proximité de leur cible et un système de mise à feu à distance avait été utilisé. « Il s’agit d’un type d’attaque imparable », analyse un officier de police, qui ajoute que « la baisse de la vigilance consécutive à l’amélioration du climat sécuritaire n’est pas de nature à arranger les choses ».
Selon les premiers éléments de l’enquête, les voitures piégées avaient été volées il y a plusieurs mois à Boumerdès et à Thénia. Les poseurs de bombes seraient, eux, des recrues toutes fraîches des salafistes que les services de police ne connaissaient pas. Les empreintes relevées sur le caméscope permettront-elles de les identifier ? « Il est trop tôt pour l’affirmer », poursuit l’officier, qui s’attend à rencontrer beaucoup de difficultés pour mettre la main sur les coupables. « Une nouvelle génération de terroristes, constituée de vétérans de la guerre en Irak, fait son apparition, explique-t-il. De nombreux Algériens qui ont séjourné dans les camps d’entraînement d’Abou Moussab al-Zarqaoui reviennent en Algérie, accompagnés de combattants étrangers ayant suivi la même formation militaire. » L’arrestation récente de Tunisiens, de Marocains et de Mauritaniens en Kabylie le confirme. Tout comme le dispositif de combat utilisé dans les sept explosions, ouvertement emprunté à l’ancien chef d’al-Qaïda en Mésopotamie, abattu par l’armée américaine à Baaqouba, en juin 2006.
Pour les enquêteurs, le fait que les attentats se soient déroulés en Kabylie ne doit rien au hasard. En 2001, à la suite de la mort d’un lycéen dans un bâtiment de la gendarmerie de Béni-Douala, qui avait déclenché des émeutes pendant près de deux mois, plusieurs brigades de ce corps considéré comme l’un des plus efficaces en matière de lutte contre le terrorisme avaient été fermées. Leur démantèlement faisait partie des principales revendications des manifestants. Alger les avait alors remplacées par des structures de police judiciaire, dont l’action s’est révélée nettement moins efficace en milieu rural, faute de préparation.
Le GSPC a su, lui, tirer parti de la situation. Mettant à profit le relief accidenté de la région, qu’il connaît bien pour l’arpenter depuis longtemps, il a multiplié les implantations d’hôpitaux de campagne et la construction d’ateliers destinés à confectionner des bombes artisanales. L’organisation a ainsi retrouvé sa force de frappe. Et redonné à la Kabylie sa réputation de territoire le plus dangereux d’Algérie, où faux barrages, kidnappings et attentats pourraient se multiplier : le 13 février toujours, dans un message diffusé sur Internet, Aymen al-Zawahiri, le numéro deux d’al-Qaïda, appelait ses troupes à intensifier le djihad dans le pays.

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