Voyage au Sommet

Les coulisses de la dernière Conférence des chefs d’État des pays de l’UEMOA.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 4 minutes.

Vendredi 9 janvier, 18 heures. Hôtel Gaweye de Niamey. Motards en costume bleu d’apparat, sirènes, gyrophares… Laurent Gbagbo est le premier président à débarquer dans le grand hôtel de la capitale nigérienne. Le lendemain se tient à deux pas, au Palais des congrès, la réunion de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La date de ce huitième sommet, le 10 janvier, est aussi celle du dixième anniversaire de la création de l’Union. C’est dire la portée symbolique de l’événement.
D’un petit signe de la main, le numéro un ivoirien salue délégués, invités, organisateurs et journalistes massés dans le hall d’entrée de l’hôtel. Ses collègues arriveront les uns après les autres, entre ce vendredi soir et l’ouverture de la Conférence, le lendemain matin à 9 heures.
Dès mon arrivée à Niamey, j’ai compris que ce voyage ne ressemblerait pas aux précédents, où je descendais dans de petits hôtels très modestes, quand je ne logeais pas dans des résidences universitaires ou des presbytères. Ce qui me plongeait d’emblée au coeur de la cité. Dans cet hôtel de luxe, au demeurant très accueillant, je me sens comme dans une zone franche, loin des marchés et de la « vraie vie ». De ma chambre aux larges baies vitrées – la climatisation est fortement indiquée quand le soleil commence à taper -, j’ai une vue plongeante sur le pont Kennedy qui enjambe le fleuve Niger. Le flot ininterrompu de camions, taxis, vélos auxquels se mêlent les portefaix et les charrettes de foin tirées par des ânes offre un spectacle hallucinant. Les images les plus insolites sont celles des dromadaires disparaissant sous de gigantesques fagots.
Retour à l’UEMOA, où les choses sérieuses ont commencé dès le jeudi 8 janvier avec le Conseil des ministres. Celui-ci se tient à l’agence principale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Au huitième étage de l’immeuble, les journalistes de la presse locale, régionale et internationale se pressent devant la pièce où sont installés les grands argentiers. À 9 heures, les portes de la grande salle de réunion s’ouvrent enfin. À la table d’honneur ont pris place le président de la Commission de l’Union, le Sénégalais Moussa Touré, le gouverneur de la BCEAO, l’Ivoirien Charles Konan Banny, le président de la Banque ouest-africaine de développement, le Béninois Boni Yayi, ainsi que Grégoire Laourou, le ministre béninois des Finances et de l’Économie, qui assurera la présidence du Conseil pendant les deux années à venir. Après une courte allocution, ce dernier nous invite à quitter la salle.
Dans le hall d’entrée de la BCEAO, une plaque rappelle que l’immeuble a été inauguré en 1989 par le président nigérien, le général Ali Seibou. Le président du Conseil des ministres de l’UMOA (Union monétaire ouest-africaine, créée en 1962, et dont l’UEMOA est le prolongement) était le Béninois Idelphonse Lemon, tandis que le gouverneur et président du conseil d’administration de la Banque centrale était un certain Alassane D. Ouattara, qui deviendra peu de temps après Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny.
Entourée de hautes murailles, tandis que l’accès des véhicules est contrôlé par des grilles à commande électrique, l’agence de la BCEAO fait penser à une forteresse. Plantés au pied du mur d’enceinte, des filaos abritent des colonies de chauves-souris. Je n’en avais jamais vu d’aussi grosses et d’aussi bruyantes. Même si ces animaux ne symbolisent pas la joie et la grâce, leurs virevoltes et leurs cris donnent un peu de vie à l’endroit.
Samedi 10 janvier. Le grand jour est arrivé. On a appris que des huit chefs d’État de l’UEMOA, seul le président togolais est absent (il est représenté par son Premier ministre Koffi Sama). Et pourtant, devant le Palais des congrès, non loin de l’hôtel Gaweye, où va se tenir la rencontre, il n’y en a que pour lui. Chants et danses à l’appui, la communauté des Togolais au Niger, comme le précise une banderole, est venue lui manifester son soutien. « Longue vie Papa Eyadéma », « Vainqueur d’élection 1er juin 2003 », disent les tee-shirts de la centaine de militants en effervescence.
Pendant ce temps, dans la grande salle du Palais, la grand-messe se prépare. Sur l’estrade, autour du président en exercice de l’Union, le Nigérien Mamadou Tandja, ont pris place les présidents du Conseil des ministres et de la Commission, le gouverneur de la BCEAO et le président de la BOAD. Après un film vantant les réalisations de l’Union débute une longue suite de discours ou de messages tous relativement ennuyeux. Au milieu de ce concert de satisfecit, une voix quelque peu discordante, celle de Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Il vient rappeler que les taux de croissance globaux ne disent pas tout. Entre 1980 et 2000, les importations alimentaires de la sous-région ont augmenté plus vite que les exportations. Vers midi, fin du show et début du huis clos des chefs d’État.
Le programme prévoyait la reprise des travaux en plénière à 13 h 30. Les journalistes sont massés depuis plus de deux heures dans l’étroit couloir qui conduit à la salle où les présidents palabrent. Aux dernières nouvelles, il n’y aurait plus qu’un point à régler : le renouvellement de la présidence de la Commission. Une affaire de quelques minutes, les observateurs s’attendant, pour la plupart, à la reconduction de Moussa Touré. Soit. Mais il nous faudra encore patienter deux heures.
17 h 30. La porte s’ouvre. Les journalistes s’engouffrent dans la salle dans une cohue indescriptible. Avec leur appareil sur l’épaule, les cameramen risquent à tout moment la chute. Tout le monde a repéré l’homme de la situation : le ministre nigérien de l’Économie, chargé de lire le communiqué. Son micro ne fonctionne pas. On entend quand même l’information essentielle : le nouveau président de la Commission est Soumaïla Cissé, ancien ministre malien des Finances. Le Sommet trouve ainsi son épilogue.

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