Vers une croissance durable ?

Le sous-sol nigérien regorge de ressources naturelles qui ne demandent qu’à être mieux exploitées.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 6 minutes.

Difficile de trouver un pays plus pauvre que le Niger sur la planète. Classé 173e sur 174 par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en termes d’indicateur de développement humain, cet État sahélien compte 11,6 millions d’habitants. Deux chiffres sont éloquents : près de 9 Nigériens sur 10 vivent avec moins de 2 dollars par jour, et 1 enfant sur 4 meurt avant ses 5 ans. L’instabilité politique des trois dernières décennies a largement contribué à détériorer les conditions économiques.
Depuis l’élection du président Mamadou Tandja en novembre 1999, le pays repart néanmoins sur des bases plus saines. En 2001, le taux de croissance économique a atteint le niveau historique de 7,1 % au lieu de – 1,4 % en 2000. Un facteur explique ce niveau record : la pluviosité exceptionnelle de cette année-là qui a dopé la récolte céréalière et a entraîné une baisse considérable des importations de produits agricoles. Les analystes ont conclu à une croissance de 4 % en 2003 au lieu de 3,1 % en 2002. Ces taux, qui font rêver dans les pays industrialisés, sont, à peu de chose près, équivalents à ceux de l’essor démographique. Résultat : une croissance réelle quasi nulle et un revenu par tête qui ne décolle pas. Ces données macroéconomiques sont également inquiétantes, car elles soulignent l’extrême dépendance de l’économie nigérienne envers la pluviosité. Le secteur primaire (particulièrement l’agriculture et l’élevage) emploie en effet 85 % de la population active et contribue à hauteur de 40 % au Produit intérieur brut (PIB).
L’élevage constitue le second poste d’exportation (bétail, cuirs et peaux) après l’uranium, mais avant les productions agricoles. Les cheptels bovin, ovin et caprin sont respectivement évalués à 3,5, 7 et 8,5 millions de têtes. Le bétail contribue pour 13 % au PIB (qui s’élèverait à plus de 1 600 milliards de F cfa selon le FMI). Une grande partie est commercialisée au Nigeria.
Le mil et le sorgho, à la base de l’alimentation au Niger, sont de loin les cultures les plus importantes tant en surface qu’en valeur : respectivement 5 millions d’hectares pour le mil et 2,1 millions d’hectares pour le sorgho (données 2002). Ces céréales sont couramment cultivées en association avec le niébé. Malgré ces productions, le pays est déficitaire sur le plan alimentaire. En 2002, les importations de céréales ont représenté près de 33 milliards de F CFA (50,3 millions d’euros). Le Niger subit également, comme ses voisins burkinabè ou malien, des difficultés liées à son enclavement géographique.
L’éloignement de la façade maritime se traduit par des coûts de transport très élevés et donc par la cherté des marchandises importées. Celles-ci transitent en grande partie par le port d’Abidjan. La France et la Côte d’Ivoire sont les deux premiers fournisseurs du pays par ordre d’importance. Malheureusement, la crise ivoirienne a considérablement modifié la donne depuis un an et demi. La fermeture de la frontière avec le Burkina Faso, de fin 2002 à septembre 2003, a obligé les importateurs à acheminer les produits via le Ghana, occasionnant ainsi des surcoûts assez conséquents. Le Niger a dû également se retourner vers ses autres fournisseurs et privilégier les importations informelles en provenance de son gigantesque voisin, le Nigeria.
En tenant compte des échanges officiels et officieux, ce pays est de fait le premier partenaire commercial du Niger. Et cela ne date pas d’hier. Les Haoussas, implantés des deux côtés de la frontière, commercent entre eux depuis des siècles. Les marchandises circulent librement dans les deux sens, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, car ce commerce informel est une soupape de sécurité pour le Niger lors des mauvaises récoltes. Dans l’autre sens, le Nigeria, avec ses 120 millions d’habitants et la proximité de grands pôles de consommation (Katsina, Sokoto, Kano), est un marché énorme pour les exportations nigériennes de bétail et de niébé. Pour le pire, car cette intégration informelle mine le développement du secteur industriel nigérien. Embryonnaire, ce dernier subit la concurrence déloyale de produits nigérians ou asiatiques rentrant sur le territoire sans acquitter de droits de douane. Une perte sèche pour la fiscalité nationale.
Il est donc difficile de dégager un excédent commercial quand les exportations ne reposent que sur deux produits (l’uranium et le bétail). Selon les chiffres officiels, la balance commerciale est structurellement déficitaire ; elle atteindrait – 84,9 milliards de F CFA en 2003 au lieu de – 28,9 milliards de F cfa en 2000.
Troisième producteur mondial d’uranium, le Niger en extrait de son sol environ 3 000 tonnes par an qu’il exporte en France, en Espagne et au Japon. Mais cette manne financière n’est plus aussi « juteuse » que dans les années 1970. En douze ans, les cours de l’uranium ont été divisés par deux. La société française Cogema, actionnaire privé majoritaire des deux sociétés d’exploitation nigérienne, soutient la filière en achetant la matière première. Les exportations d’uranium rapportent annuellement quelque 10 millions d’euros à l’État, soit environ 5 % de ses recettes fiscales. En dépit de la baisse des cours, les explorations ont repris pour l’extension des mines existantes et la découverte de nouveaux gisements.
Le sous-sol nigérien regorge d’autres ressources minérales (phosphate, sel, fer, or, titanomagnétite, chromite, vanadium, lithium, etc.), mais elles ne sont pas encore exploitées industriellement. Les coûts prohibitifs de l’extraction et du transport ont jusqu’à présent, semble-t-il, freiné les investissements. Dans la région du Liptako, au nord-ouest de Niamey, la production industrielle d’or devrait toutefois débuter en 2004. Dans le secteur des hydrocarbures, deux vastes bassins pétroliers ont été découverts il y a plus de quarante ans. Leur exploitation n’est pas encore à l’ordre du jour, mais le succès du Tchad aidant, elle est envisageable. Pour l’heure, les prospections continuent. Une société chinoise a signé en novembre dernier une convention avec le gouvernement pour faire des prospections dans le Ténéré et à Bilma, au nord-est du pays.
Après le rétablissement de l’État de droit, les bailleurs de fonds internationaux ont décidé de renforcer leur appui financier au gouvernement, qui s’est, en contrepartie, plié à toutes les exigences des institutions de Bretton Woods. Fin 2001, l’État a signé avec le Fonds monétaire international (FMI) une Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Cet accord, qui concrétise de nouveaux prêts auprès de l’institution internationale, se traduit par l’injection de 74 millions de dollars dans l’économie sur une période de trois ans. Le pays est également éligible à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés), qui permettra d’effacer plus de la moitié de l’encours de la dette (926 milliards de F cfa) et de libérer annuellement plus de 20 milliards de F cfa (sur une période d’environ vingt ans) destinés au développement des secteurs économiques et sociaux. Pour accompagner l’initiative, le gouvernement a rédigé avec l’appui de la société civile un document de « stratégie nationale de réduction de la pauvreté » (SRP). Il a été, par la suite, validé par les conseils d’administration du FMI et de la Banque mondiale en 2002. Reste maintenant au Niger à atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE, date à laquelle les bailleurs de fonds décident de procéder au déblocage des fonds. À Niamey, tout le monde attend ce moment, prévu pour 2004. Il apportera un bol d’air à l’économie nigérienne.
Comme pour son voisin burkinabè, la moitié du budget du Niger est financée par les partenaires au développement. Sans cette aide, l’État serait dans l’incapacité de le boucler. En 2000-2001, les caisses de l’État étaient vides et les fonctionnaires accusaient des retards de salaires pouvant aller jusqu’à un an ! Parant au plus pressé, le gouvernement a trouvé une solution originale à ce problème. Il a attribué des parcelles de terrain aux fonctionnaires volontaires en échange de l’annulation de leurs arriérés. Cette opération a remporté un vif succès. À la fin de 2002, près de la moitié des quarante mille fonctionnaires nigériens avaient accepté cette proposition. Mais cela ne résout en rien l’une des principales difficultés de l’État : dégager des recettes fiscales. Celles-ci représentent à peine 10 % du PIB. La marge de manoeuvre de l’État nigérien reste très faible. L’assiette fiscale demeurant trop petite pour permettre d’importantes rentrées de recettes, et les dépenses de fonctionnement de l’État étant très élevées. Une fois les salaires et le service de la dette payés, il ne reste quasiment plus rien pour les investissements.
En 2004, l’État devrait toutefois engranger de nouvelles ressources en privatisant plus d’entreprises publiques. Ainsi sont programmées les privatisations de la Société nigérienne d’électricité (Nigelec), de la Société nigérienne des produits pétroliers (Sonidep), de l’Office des eaux du sous-sol (Ofedes), de la Société propriétaire et exploitante de l’hôtel Gaweye (SPEHG) et de la Société nationale des transports nigériens (SNTN).

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