Algérie : Mouloud Mammeri, l’étincelle qui a allumé le printemps berbère de 1980
Il y a quarante ans, la Kabylie s’enflammait en raison de l’annulation par le pouvoir d’une conférence de l’anthropologue Mouloud Mammeri à l’université de Tizi-Ouzou. Retour sur les jours de révolte qui ont abouti, des années plus tard, à la consécration officielle de la culture et de l’identité berbères.
Trois hommes et une Peugeot 204 – d’âge respectable – s’élancent ce matin du 10 mars 1980 sur la route qui mène à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Anthropologue et auteur de plusieurs romans de référence comme L’Opium et le Bâton ou La Colline oubliée, Mouloud Mammeri est attendu dans le campus universitaire de la ville pour donner une conférence sur les poèmes anciens kabyles auxquels il vient de consacrer un livre édité chez Maspero. Le hic, c’est que les autorités algériennes ne veulent surtout pas de cette conférence…
Le régime juge intolérable que le chantre de la défense de la langue, de l’identité et de la culture berbères puisse s’exprimer dans l’enceinte d’une université, qui plus est réputée frondeuse et rebelle. Et si les étudiants lançaient une manifestation dans les rues de la ville à l’issue de cette allocution ? La veille déjà, le recteur, inquiet, avait passé un coup de fil à Mammeri pour annuler son invitation. Montagnard racé et tenace, l’écrivain ignore la mise en garde. Le lendemain, le voilà donc en route vers Tizi-Ouzou, avec son chauffeur et Salem Chaker, son ami chercheur en linguistique berbère.
Reconnaissance de la culture berbère
À une dizaine de kilomètres avant l’entrée de la ville, la Peugeot 204 est arrêtée par un barrage de la police. Le chef de la sûreté de la wilaya (préfecture) a reçu un ordre ferme de son supérieur, El Hadi Khediri, directeur général de la Sûreté nationale : empêcher Mouloud Mammeri, par tous les moyens, de tenir sa conférence. L’écrivain est conduit au siège de la préfecture où lui est poliment mais fermement expliqué qu’il n’est pas le bienvenu.
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