Sortie de crise à la RTI

Publié le 19 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Epilogue d’un long bras de fer, ponctué de polémiques politico-juridiques, entre le président Laurent Gbagbo et son ministre d’État chargé de la Communication, Guillaume Soro. La Radiodiffusion Télévision ivoirienne (RTI) a, depuis le 14 janvier, un nouveau directeur général. L’arrivée de Yacouba Kébé à la tête du principal média public du pays pourrait ainsi mettre fin à une crise dont le point d’orgue remonte au 2 juillet 2003. Ce jour-là, Soro, pour avoir été séquestré alors qu’il visitait les locaux de la RTI, suspendait de ses fonctions son directeur, Georges Aboké. Et nommait, pour assurer l’intérim, Fatoumata Traoré, qui ne tardera pas à céder sa place à Aboké, réintégré dans ses fonctions par une décision de la Cour suprême.

Mais Soro revient à la charge, obtenant du chef de l’État qu’il signe, le 12 septembre, un décret modifiant la composition du conseil d’administration de la RTI, dans l’intention claire de nommer d’autres personnes au sein de l’institution. L’annulation de ce décret par Laurent Gbagbo, trois jours plus tard, et la désignation des ministres de la Défense et de la Sécurité, sans consensus, conduisent les Forces nouvelles à suspendre leur participation au gouvernement de réconciliation nationale.
Au cours des discussions pour les faire revenir, les ministres issus de l’ex-rébellion exigent d’avoir la pleine liberté de nommer les cadres placés sous leur autorité. Comme gage de bonne volonté, Gbagbo signe, le 16 octobre, un nouveau décret sur la RTI. Non sans exprimer une réserve : son opposition au retour de Fatoumata Traoré, à qui il n’a pas pardonné de l’avoir « insulté » sur une chaîne de télévision française.
Plusieurs noms avaient auparavant circulé, dont celui de Boiké Fofana, membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et chef d’entreprise. Celui de Yacouba Kébé ne sera cité qu’à la fin d’octobre 2003. Le chef de l’État avait déjà donné son aval. Les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années. Gbagbo, qui appréciait les « éditoriaux impartiaux » de Kébé dans Fraternité Matin au temps du parti unique, a fait appel à lui, en 1995, pour l’aider à relancer La Voie (aujourd’hui Notre Voie), le journal du Front populaire ivoirien (FPI). Le président l’a d’ailleurs rappelé à Soro : « Kébé m’a amené du monde, dont Diabaté Aboubacar Sidick, actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire à Bamako. »
Rédacteur en chef à Fraternité Matin (1989-1993), directeur général du groupe Fraternité Matin (1993-1994), patron de la Radiotélévision de la mission de l’ONU en Angola (1995-1998), directeur de la rédaction à Jeune Afrique Économie (1998-1999) et président du conseil d’administration du groupe Fraternité Matin depuis 2000, Kébé est resté inclassable dans le champ politique ivoirien. Il affirme n’avoir jamais appartenu à l’ancien parti unique. Tout au plus certains l’ont-ils cru proche du Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara pour avoir été limogé de la direction de Fraternité Matin au lendemain de l’arrivée de Henri Konan Bédié au pouvoir. En tout cas, lui-même affirme n’avoir jamais milité au sein d’un parti politique. Dioula natif de Gagnoa, la région d’origine de Laurent Gbagbo, il parle bété et compte des demi-frères dans l’ethnie du président. Il satisfait aux « équilibres psychologiques » dans le contexte actuel de crise en Côte d’Ivoire.

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Mais les agents de la RTI ne semblent pas l’entendre de cette oreille. Le Syndicat libre des agents de la RTI (Sylarti) et l’Association des cadres, pour la plupart soucieux de préserver leurs avantages, se sont emparés du petit écran, dès le 15 janvier, pour « s’opposer au départ injuste de Georges Aboké ». Dans un véritable branle-bas de combat, ils ont dénoncé ce qu’ils ont appelé « une manoeuvre de Soro pour s’approprier les armes de la télévision et de la radio nationales dans sa guerre contre la Côte d’Ivoire ». Un baroud d’honneur. D’autant que le chef de l’État a rappelé que c’est lui-même qui souhaitait que le conseil d’administration (dont la composition est contestée par les protestataires) ait absolument lieu.

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