Saakachvili, cap à l’ouest

Élu le 4 janvier à la tête de l’ex-République soviétique, le tombeur d’Édouard Chevardnadzé veut arrimer son pays à l’Europe.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Le plus célèbre des Géorgiens, Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit souvent Joseph Staline, doit se retourner dans sa tombe. Le 4 janvier, son pays natal, par une majorité quasi stalinienne (mais authentique) de 96 % des voix pour 83 % de votants a élu à la tête de l’État Mikhaïl Saakachvili, 36 ans, qui s’est dit résolu à « intégrer la Géorgie à l’Europe ».
La tâche ne sera pas facile pour cette République ex- soviétique de quelque cinq millions d’habitants, déchirée dans trois de ses régions par des mouvements séparatistes et affligée, en outre, de bases militaires russes dont le Kremlin diffère l’évacuation, malgré les engagements pris en 1999.
Deux facteurs, néanmoins, incitent à un relatif optimisme. Le premier, dans ce pays familier des guerres civiles, tient au caractère étonnamment pacifique de la « révolution des Roses » qui vient de contraindre au départ Édouard Chevardnadzé, 75 ans, personnage emblématique s’il en est. Celui-ci, qui eut son heure de gloire et avait échappé, depuis dix ans, à deux attentats probablement suscités par les services russes, s’était enfermé, avec l’âge, dans un autoritarisme qui tolérait, autour de lui, manipulations en tout genre et corruption à grande échelle. La coupe déborda le 2 novembre dernier, quand seule une fraude massive permit à son parti de remporter les élections législatives. Conduite par Saakachvili, président du Mouvement national, l’opposition organisa une série de démonstrations qui culminèrent le 22 novembre avec une impressionnante marche sur Tbilissi pour marquer l’ouverture de la session parlementaire. Sans que la police intervînt, les manifestants, portant des roses, enfoncèrent les portes du Parlement, contraignant Chevardnadzé à interrompre le discours qu’il était en train de prononcer. Le lendemain, le président démissionnait, ouvrant la voie à une élection présidentielle, fixée au 4 janvier. Du moins le fit-il avec dignité, refusant de quitter la Géorgie et faisant même savoir, au lendemain de ce dernier scrutin, qu’il avait voté pour son « tombeur » Saakachvili. « Il parle bien, dit-il ; espérons qu’il agira de même. »
Le second facteur d’optimisme réside précisément dans la personnalité hors normes – surtout dans cette région – du nouveau président. Né à Tbilissi le 21 décembre 1967, Mikhaïl Saakachvili fut successivement diplômé de l’Institut des relations internationales à Kiev (1992) puis de l’Institut des droits de l’homme à Strasbourg (1993), enfin de l’université Columbia à New York (1994) et de l’université George-Washington (1995). Ayant étudié aussi à l’Académie de droit comparé à Florence et à l’Académie de droit international de La Haye, il est largement polyglotte, comme son épouse d’origine néerlandaise, Sandra Roelofs, née en 1968. Membre du Parlement géorgien de 1995 à 2000, il détint le portefeuille de la Justice jusqu’en 2001, avant de le quitter pour protester contre la corruption et fonder, en 2002, dans l’opposition le Mouvement national.
« Tous les Géorgiens, affirme-t-il, se considèrent eux-mêmes comme Européens », ajoutant qu’il prévoit de se rendre au prochain Forum économique mondial de Davos, puis à la session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Reste que son principal objectif, en dehors de la lutte contre la corruption, est le rétablissement de l’unité nationale, brisée depuis le début des années 1990, après de sanglants combats, par la quasi-sécession de l’Abkhazie (140 000 habitants), à l’extrémité nord-ouest de la République, et de l’Ossétie du Sud (100 000 habitants), au centre de sa frontière nord. Jouissant également d’une très large autonomie, l’Adjarie (100 000 habitants), à l’extrémité sud-ouest, est gouvernée d’une main de fer par Aslan Abachidze, 65 ans, depuis 1991.
Rien d’étonnant, quand on lui demande les hommes d’État dont il aime s’inspirer, qu’il réponde : « Ceux qui ont bâti leur État à partir de rien : Atatürk et Ben Gourion. » De quoi réfléchir…

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