Opération rédemption

Après le feu vert de la France, seule l’Allemagne s’oppose encore à la levée des sanctions européennes contre la Jamahiriya. Ça devrait s’arranger, « inch’Allah ».

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

Entre l’ancien président du Conseil italien Romani Prodi, aujourd’hui président de la Commission européenne, et Mouammar Kadhafi, le chef de la Jamahiriya libyenne, cette ancienne colonie italienne, le courant passe bien. Très bien, même. Le 30 décembre dernier, le second appelle le premier pour lui souhaiter, en italien, la bonne année et s’enquérir de son état de santé. Prodi vient en effet d’échapper à un attentat : un colis piégé à lui adressé par des adversaires de l’unification européenne… En retour, Prodi le félicite pour sa décision de démanteler les projets d’armes de destruction massive, sa volonté de rejoindre le camp de la paix et la levée des sanctions onusiennes frappant son pays. « Il est temps pour la Libye, lui dit-il, d’entrer par la grande porte dans le processus de coopération euro-méditerranéen et de prendre place parmi les amis de l’Union européenne. » « Oui, lui répond Kadhafi, c’est notre intérêt stratégique. Je te fais confiance et suivrai tes recommandations à la lettre, comme par le passé. » Les deux hommes évoquent ensuite la coopération économique, et Kadhafi manifeste son intérêt pour divers projets en cours. Son interlocuteur exprime le souhait de l’accueillir prochainement au siège de l’UE, à Bruxelles. Afin d’officialiser la réconciliation.
Tout va donc pour le mieux ? Pas tout à fait. Soutenue par Silvio Berlusconi, le chef du gouvernement, la proposition italienne de lever immédiatement l’ensemble des sanctions européennes contre la Libye se heurte en effet à l’opposition de plusieurs pays, au premier rang desquels l’Allemagne et la France. Peu après, cette dernière reconsidère sa position : le 9 janvier, elle a obtenu gain de cause dans l’affaire de l’indemnisation des familles des victimes de l’attentat contre un avion d’UTA (voir J.A.I. n° 2244)… Mais l’Allemagne persiste dans son refus. Pour conserver un moyen de pression. Dans l’impasse depuis deux ans, les négociations avec les autorités libyennes et la Fondation Kadhafi concernant l’indemnisation des victimes de l’attentat contre la discothèque La Belle, à Berlin-Ouest, le 5 avril 1986 (trois morts – deux soldats américains et une jeune femme turque – et 284 blessés) vont en effet reprendre. À l’issue d’une longue enquête judiciaire, quatre agents libyens ont été condamnés, le 14 novembre 2001, à de lourdes peines d’emprisonnement. Des mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés contre eux. En vain, pour l’instant. Comme dans les affaires Lockerbie et UTA, les autorités allemandes réclament 1 million d’euros (1,3 million de dollars) pour la famille de la victime turque, la même somme pour le propriétaire de la discothèque et 500 000 euros pour chaque blessé. Les familles des deux victimes américaines ont parallèlement intenté un procès contre la Libye, à Washington. L’une et l’autre réclament au moins 10 millions de dollars d’indemnités.
Des diplomates et des avocats allemands devraient se rendre prochainement à Tripoli. Kadhafi a obtenu une première concession : la Commission européenne a accepté de dissocier les différentes sanctions : embargo économique et aérien, embargo diplomatique et embargo militaire. Levé de facto depuis 1999, le premier devrait l’être officiellement dans les prochaines semaines, l’UE ne faisant là que s’aligner sur la décision de l’ONU du 12 septembre 2003. Le deuxième est déjà partiellement levé et le sera totalement dès que l’Allemagne y consentira. Le troisième reste en vigueur.
Prodi a réaffirmé le 9 janvier que « 2004 marquera un tournant décisif dans les relations entre l’UE et la Libye ». Acceptons-en l’augure.

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