[Tribune] Comment le Maroc a su limiter la propagation du coronavirus
En imposant des mesures restrictives dès le début du mois de mars et en communiquant très vite auprès de la population, le Maroc a su limiter la propagation du virus, estime le professeur Mohammed Amine Serghini, de l’Université Ibn Zohr d’Agadir.
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Mohammed Amine Serghini
Enseignant-chercheur à la faculté des sciences de l’Université Ibn Zohr d’Agadir (Maroc)
Publié le 27 avril 2020 Lecture : 4 minutes.
Le Maroc, où la propagation du Covid-19 reste faible, s’est doté de mesures précoces et décisives contre l’épidémie. Le royaume a bénéficié de recul par rapport à d’autres pays et a appliqué une gestion associant prévoyance, fermeté et rigueur, avec une bonne collaboration de l’ensemble de sa population.
Les premières mesures pour endiguer la propagation du virus ont été fondées sur des actions préventives, déclenchées dès l’enregistrement d’un premier cas sur son sol, le 2 mars. La fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes a été annoncée, puis celle des établissements scolaires et universitaires, des cafés, restaurants et commerces non essentiels, et enfin celle des lieux de culte ainsi que l’interdiction des manifestations. Le confinement sanitaire obligatoire a été instauré le 20 mars, peu de temps après l’appel au confinement volontaire.
Le Maroc s’est investi dans une réelle sensibilisation de masse, accompagnée de sanctions dissuasives et largement diffusées sur les chaînes de télévision et de radio, dans la presse, sur les portails web officiels, sur les réseaux sociaux et à travers des actions de terrain, y compris l’utilisation de drones.
Les messages et capsules explicatives audio et vidéo se caractérisent par leur aspect concret et pratique, leur simplicité et leur accessibilité, grâce à leur diffusion en arabe (en prenant soin de se rapprocher de l’arabe dialectal), en amazigh et en français. L’utilisation massive par la population des réseaux sociaux, notamment WhatsApp et Facebook, joue un rôle central dans la diffusion de l’information à grande vitesse.
Fonds solidaire
Côté financier, le fonds solidaire de lutte contre le coronavirus institué par le roi, Mohammed VI, constitue un outil de premier plan. Il a réuni des moyens substantiels en un temps record (3 milliards d’euros en moins d’une semaine) et a montré combien les Marocains sont solidaires et voués à cette cause.
Les donateurs viennent de sphères et d’origines diverses : organismes étatiques, fédérations, fondations, associations, banques, assurances et mutuelles, sociétés privées, personnes physiques, parlementaires, hauts fonctionnaires et simples citoyens, qui peuvent aussi contribuer par l’envoi de SMS (au 1919), chacun représentant un don de 0,09 euro.
Ce fonds reçoit et gère également des contributions en nature, telle que la réhabilitation de services hospitaliers, la mise à disposition d’hôtels pour le personnel soignant et, de la part des autorités, la prise en charge de la plateforme d’écoute et de veille (Allo Yakada), des ambulances, du matériel médical, des médicaments, des produits de première nécessité, etc.
Ses objectifs ? Mettre à disposition du monde médical des infrastructures et du matériel, répondre aux répercussions sanitaires du Covid-19 et à ses impacts économiques et sociaux, notamment à travers l’indemnisation des salariés en arrêt de travail en raison de la crise.
Dépistage et respirateurs
Au 22 avril, le nombre de personnes atteintes au Maroc s’élève à 3 377 cas confirmés, dont 398 guérisons (11,79 %) et 149 décès (4,41 %), soit un pourcentage de guérison en deçà de la moyenne mondiale (25,98 %), mais également un taux de mortalité inférieur à celui de la moyenne mondiale (6,87 %).
Les mesures adoptées dans le pays ont en effet permis de limiter la progression de la maladie. On peut évaluer à quel point le confinement et la distanciation peuvent être efficaces en prenant comme exemple l’agglomération de Safi (plus de 300 000 habitants), qui n’enregistrait aucune infection au 8 avril, ou la région de Souss Massa (3 millions d’habitants), qui ne comptait pas plus de 20 cas confirmés à cette même date.
Cette pandémie a le mérite d’accélérer la remise en question de notre modèle économique et de nos mécanismes de régulation de la mondialisation.
D’autres mesures auront certainement des répercussions positives dans la lutte contre le Covid-19 : le suivi pointu des personnes ayant été en contact avec les malades ; l’augmentation de la capacité de dépistage ; l’adoption, le 23 mars, d’un nouveau protocole thérapeutique basé sur la chloroquine (le gouvernement marocain a acquis la totalité du stock de Nivaquine et de Plaquenil fabriqués par Sanofi à Casablanca) ; l’instauration du port obligatoire des masques respiratoires (dont la capacité nationale de production frôle les 5 millions par jour) ; l’augmentation de la production des gels hydroalcooliques à des fins commerciales ou pour un usage interne (OCP développe un gel hydroalcoolique pour son usage interne, pour ses collaborateurs et ses sous-traitants) ; ainsi que la fabrication de respirateurs artificiels 100 % marocains.
Au Maroc comme ailleurs, le commerce en ligne a atteint des chiffres records. Les canaux de communication et de débats sur la pandémie se multiplient. Surtout, le confinement imposé par le Covid-19 a montré à quel point notre mode de vie (quête sans limite du gain, marketing poussé à l’extrême, incitation démesurée à la consommation) a installé, au sein d’une bonne partie des populations, un état de stress et de surpression qui ne va pas forcément dans le sens de l’épanouissement et du bonheur.
Cette pandémie a aussi le mérite d’accélérer la remise en question de notre modèle économique, entre autres, en matière d’autonomie régionale et de mécanismes de régulation de la mondialisation. Elle a montré combien l’homme peut être fragile, à quel point les pays les plus développés pouvaient eux aussi être limités et avoir besoin de l’entraide internationale. Retiendrons-nous le bon message et les bonnes leçons ?
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