L’âme du blues

The soul of a man, de Wim Wenders (sorti à Paris le 14 janvier)

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 2 minutes.

Wim Wenders, célèbre réalisateur européen qui tourne plus souvent aux États-Unis que sur les bords du Rhin, présente un parcours atypique. Il a connu la consécration avec des films marginaux, comme ces histoires de personnages décalés, dérivant dans l’Allemagne de l’après-guerre, qu’il racontait dans les années 1970, à l’époque de L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty ou d’Alice dans les villes. Puis il est devenu un réalisateur de renommée mondiale, retenant l’attention d’Hollywood, après Paris Texas, au milieu des années 1980. Mais alors qu’il accumulait les honneurs avec de curieux longs-métrages, il a toujours poursuivi une carrière de documentariste restée confidentielle jusqu’au succès de Buena Vista Social Club sur le come-back de grands musiciens cubains oubliés à la fin des années 1990.
Si on l’apprécie à l’aune de cette dernière réussite, à laquelle il renvoie de bien des façons, pourra dérouter, voire décevoir certains. Car, loin de la saga héroïque qui retraçait l’extraordinaire résurrection des maîtres de la salsa, il s’agit là d’un film-collage. Cet habile mélange de fiction, de reconstitution historique et de documentaire, où les morceaux des bluesmen d’autrefois sont le plus souvent joués par des vedettes contemporaines (de Lou Reed à Nick Cave), a pour seul fil directeur l’amour de Wenders pour le blues. Une musique née au Mississippi il y a à peu près un siècle, dont l’appellation évoque à la fois – comme le mot « blue » en anglais populaire – la tristesse et l’aventure intérieure.
Pour transmettre sa passion, Wenders a choisi de conter à sa manière l’histoire de trois chanteurs qu’il considère, nous dit-il, comme « ses artistes préférés ». Malgré leur évident et immense talent, ils ont pour point commun de n’être guère connus des non-spécialistes et, par conséquent, d’avoir été peu filmés et peu enregistrés. Ils ont aussi tous trois connu une courte période de gloire avant de mourir dans une certaine misère. L’un, Skip James, avec une voix très aiguë, jouait de la guitare avec une originalité et une virtuosité rares, et a disparu pendant trente ans avant d’être redécouvert et de mourir d’un cancer. Le second, JB Lenoir, dont on ne connaît d’autre prénom que les deux initiales qui en font office, est mort dans un accident de la circulation, à l’époque des événements de 1968 : ses chansons, percutantes, étaient politiquement engagées et traitaient de la guerre de Corée ou de celle du Vietnam. Le dernier, Blind Willie Johnson, qui ne figure sur aucune photo, interprétait des spirituals à la mode bluesy. Il est mort en 1947 d’une façon restée mystérieuse et n’a connu qu’une célébrité posthume… quand la NASA a sélectionné sa chanson « Dark was the Night » pour accompagner le vaisseau spatial Voyager aux confins de notre galaxie à la rencontre d’improbables extraterrestres…
The Soul of a Man propose au final une bonne introduction à l’histoire du blues au profane et une occasion de cultiver sa passion à l’amateur. Que pouvait-on demander de plus à un film de commande qui inaugure une série (produite par Martin Scorsese) de sept longs-métrages en hommage à cette musique ? Parmi les grands cinéastes qui ont accepté l’exercice, on attend avec intérêt la contribution de ce fou de jazz qu’est Clint Eastwood.

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