La création du monde, avec ou sans Dieu

Publié le 19 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

« Je n’ai pas besoin de cette hypothèse », répondit Pierre-Simon Laplace (1749-1827) lorsqu’on lui demanda quel rôle jouait Dieu dans sa nouvelle théorie astronomique. Il s’appuyait sur les calculs et les lois de la gravité de Newton, pour expliquer les forces qui maintiennent les planètes sur leur orbite. Newton, lui, pensait qu’il y avait un Grand Ingénieur qui intervenait de temps à autre pour réviser la mécanique céleste. La théorie n’expliquait pas d’où venait le système solaire. Mais Laplace avait, là aussi, une réponse. Selon lui, les planètes s’étaient constituées à partir d’une nébuleuse – un nuage de gaz et de poussières interstellaires – en rotation autour du Soleil. Mais d’où venaient le Soleil et la nébuleuse ? Et pourquoi l’ensemble tournait-il ? Les savants actuels pensent qu’ils ont la réponse et qu’ils peuvent se passer de l’intervention du Grand Ingénieur. Depuis quelques siècles, la science se fait fort de tout expliquer par un processus physique qui peut être mis en équation.
Tout, cependant, n’est pas dit. On peut faire appel à Dieu – pour ceux qui veulent utiliser ce mot – afin d’expliquer les phénomènes qui résistent encore à la méthode scientifique. Ce qui est pour certains l’ultime question – Dieu existe-t-il ? – se résume pour d’autres à savoir jusqu’où reculeront les frontières de l’inconnu et si elles disparaîtront un jour.
Le tourbillon de matière cosmique qui a engendré le système solaire n’est qu’une petite partie de la grande galaxie en rotation, la Voie lactée. Quand le hasard fait qu’une quantité suffisante de gaz et de poussières s’amalgame, la gravité entre en jeu et des corps célestes se forment. Si vous voulez savoir d’où viennent les galaxies, il y a aussi des réponses. Au bout du compte, tout vient du Big Bang, l’explosion primordiale. Mais c’est là que le raisonnement s’essouffle. Qu’est-ce qui a provoqué justement le Big Bang ?
Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien, ce n’est pas un problème que la science a les moyens de résoudre. Selon les cosmologistes, l’explosion primordiale ne s’est pas produite à un certain instant à un certain endroit. Le Big Bang n’a absolument rien créé, pas même l’espace-temps. Comment chercher à savoir ce qui a tout mis en mouvement s’il n’y avait pas d’espace ou de temps où pût se situer un créateur, et encore moins de matière ou d’énergie sur laquelle Il pût agir ?
Cet obstacle n’empêche pas certains, dont des scientifiques, d’essayer de prouver l’existence d’une divinité, ou le contraire. Presque tous les livres ou les études sur la science et la religion incluent inévitablement cet exercice de jonglage métaphysique. Les différents paramètres de l’univers semblent se combiner harmonieusement pour conforter l’existence des étoiles, des atomes, des molécules et de la vie. Si, au moment du Big Bang, les conditions avaient été différentes, alors, l’univers (du moins d’un point de vue terrestre) aurait été un colossal gaspillage d’espace-temps. Nous sommes donc les heureux bénéficiaires d’un coup de chance aveugle, ou bien la vie a été planifiée de toute éternité – soit par une Grande Volonté, soit par une loi ou un processus physique, mathématique ou logique.
Une théorie veut que le Big Bang ait, en fait, engendré une multitude d’univers, dont chacun se retrouve doté au hasard de conditions physiques différentes. Les êtres humains se retrouvent dans un de ceux qui peuvent entretenir la vie. « Univers » désignait autrefois l’ensemble de ce qui existe. Pour simplement penser cette possibilité nouvelle, la définition doit être ramenée à « tout ce sur quoi nous pouvons réunir des informations ». Nous sommes invités à croire – l’acte de foi ! – qu’il y a quelque chose en dehors de l’univers. Autant l’appeler Dieu.
Que la théorie du « multivers » soit plus gratifiante que de croire que l’existence humaine résulte d’un coup de dés sans aucun sens ou d’une volonté divine est une affaire de goût, pas de science. Pour beaucoup de théoriciens, c’est aussi une trahison du grand effort fait pour expliquer les lois de la physique. Certains espèrent encore découvrir une « théorie des conditions initiales de l’univers », une suprême loi mathématique montrant que les paramètres de la création ne pouvaient s’organiser que d’une certaine manière.
Mais alors, il faudrait trouver une loi qui explique d’où est venue cette loi – et encore une autre qui explique pourquoi l’univers est mathématique et d’où viennent les mathématiques et ce que sont les nombres.
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Au bout du compte, la réponse est soit : « Parce que c’est comme ça », soit : « Parce que c’est le bon Dieu qui l’a voulu ». À vous de choisir.

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