Joseph Blatter

Depuis 1998, ce fils de paysans valaisans préside la Fédération internationale de football association (FIFA). Sans détour ni esquive, il évoque sa carrière, ses combats, son engagement de toujours en faveur du continent.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 17 minutes.

Le quartier général de la Fédération internationale de football association (FIFA), sur une colline résidentielle à l’est de Zurich, donne le ton. Cossu, moderne et confortable, le bâtiment n’en est pas moins fort discret. Bureaux spacieux, installations fonctionnelles, vaste salle de conférences, avec, tout en haut, le bureau présidentiel et sa vue bucolique sur le lac… À quelques pas de là, l’annexe : l’ex-hôtel Sonnenberg entièrement rénové avec ses trois étages de bureaux, son auditorium dernier cri et sa galerie dédiée au football, que jouxte un restaurant chic, propriété de la FIFA.
Le maître des lieux, le Suisse Joseph Blatter, nous reçoit sans protocole. Pas de costume trois-pièces présidentiel, mais une tenue très casual pour deux heures d’entretien animé et décontracté. À 68 ans, l’homme qui, depuis 1998, pilote en habile diplomate la « planète foot », reste un bourreau de travail. Admiré, courtisé, critiqué parfois, mais très sûr de lui, il parle sans esquiver les questions embarrassantes. De son Haut-Valais natal, de sa jeunesse sportive, de sa longue route au côté de João Havelange, son prédécesseur, de ses batailles pour le pouvoir, de sa conception du jeu, de sa passion pour l’Afrique, de ses croisades…

Jeune Afrique/L’intelligent : Le 29 mai 2002 à Séoul, vous avez été facilement réélu à la présidence de la FIFA. Le 19 octobre 2003, le congrès de Doha [Qatar] vous a plébiscité. Vous êtes parvenu à désamorcer la fronde des confédérations et vous disposez d’un comité exécutif à votre dévotion. Comme vous l’a confié l’acteur Omar Sharif : « Vous êtes un pharaon et, sur votre empire, le soleil ne se couche jamais ! »
Joseph Blatter : Moi, le pharaon du football, n’est-ce pas un peu exagéré ? Il est vrai que, ces dernières années, j’ai réussi à rassembler les troupes de la FIFA et à mettre en place une organisation professionnelle et efficace, fondée sur la discipline et le respect. Deux valeurs que j’ai parfois du mal à retrouver dans le football. J’ai, par exemple, piqué une grosse colère quand j’ai appris que les joueurs de l’équipe d’Angleterre avaient menacé leur fédération de ne pas disputer un match par solidarité avec l’un de leurs coéquipiers qui n’avait pas été retenu parce qu’il ne s’était pas présenté à un contrôle antidopage. Et qu’un joueur argentin de moins de 20 ans refusait la sélection et s’était adressé à la justice pour obtenir gain de cause.
J.A.I. : Comment expliquer vos succès aux élections de 1998 et de 2002 ? Par la réussite de votre stratégie ? La crédibilité de votre programme ? Votre charisme ?
J.B. : La base, autrement dit les associations nationales, est consciente de ce que j’ai réalisé depuis vingt-neuf ans à la FIFA. Avec le président João Havelange, j’ai assumé la responsabilité des programmes de développement, puis la charge du secrétariat général. Les résultats de notre action sont visibles sur le terrain. Aujourd’hui, le fossé entre les grandes nations du football et les autres s’est considérablement réduit. Tout le monde peut prétendre à la victoire.
Je ne suis pas un stratège, j’ai voué ma vie au foot. J’ai été joueur, puis technicien, puis administrateur et dirigeant avant d’accéder à la présidence. C’est un parcours logique. En 1998, beaucoup ne voulaient plus du duo Havelange-Blatter, qui dérangeait certains milieux. Je me suis lancé dans la bagarre avec l’appui d’un seul grand footballeur, Michel Platini. J’étais aussi soutenu par des amis d’Amérique du Sud et du Nord, des Caraïbes et d’Asie. Ce n’était pas seulement une affaire de programme, même si, bien sûr, j’en avais un, dont les points forts étaient le projet Goal [aide aux fédérations dans le domaine des infrastructures, de l’administration, de l’éducation et de la formation des jeunes] et l’attribution de la Coupe du monde à l’Afrique. En septembre 2003, quand cinq pays africains ont présenté leur candidature à l’organisation du Mondial 2010, j’étais le plus heureux des hommes !
Vous avez parlé de charisme… Oui, bien sûr, quand je parle foot, je dis la vérité. Je sens le foot, je le vis. Mais ce sport n’est pas une science exacte. Tout le monde commet des erreurs, y compris le président de la FIFA.
J.A.I. : En 1998, le ticket Blatter-Platini fut un joli coup gagnant. Platini, vous l’écoutez toujours ?
J.B. : Platini, qui est aujourd’hui membre des instances dirigeantes de la FIFA et de l’UEFA, a été pendant trois ans non pas, comme on l’a dit, ma « conscience », mais mon conseiller technique, au même titre que Franz Beckenbauer ou Pelé. Je l’écoute, mais la décision m’appartient et je dois ensuite la faire approuver par le comité exécutif.
Platini agit beaucoup pour le bien du football. Il ose, il prend position, contrairement à d’autres dirigeants qui, par calcul électoral ou souci clientéliste, répugnent à s’exprimer. Il a le courage de ses opinions.
J.A.I. : Sun Tse, l’un des plus anciens penseurs de la guerre, conseille d’exploiter les faiblesses de l’adversaire : « Évitez sa force, écrit-il, jouez de son inconstance. » N’est-ce pas ce que vous avez fait, en 2002, quand vous avez attaqué votre rival, le Camerounais Issa Hayatou, sur son propre terrain – l’Afrique -, à l’aide de ce véritable cheval de Troie qu’était le programme Goal ?
J.B. : Goal était déjà mon cheval de bataille en 1998. Ce n’était pas une simple promesse électorale, mais des réalisations concrètes. J’aime bien la référence aux anciens penseurs chinois. N’est-ce pas Confucius qui a dit : « Si tu veux aider ton prochain, ne lui apporte pas du poisson, apprends-lui à pêcher » ? C’est cela la philosophie de Goal. Cela dit, je ne suis pas sûr d’avoir engagé la bataille sur le terrain de l’adversaire. Celui-ci était-il le candidat de l’Afrique ou celui de tous ceux qui ne voulaient plus de Blatter à la tête de la FIFA ?
J.A.I. : Comment avez-vous ressenti les graves accusations portées contre vous par Michel Zen-Ruffinen, votre ancien secrétaire général(1) ?
J.B. : Je ne comprends toujours pas. J’ai connu Zen-Ruffinen quand il était étudiant. Appréciant son dévouement, je l’avais pris comme stagiaire à la FIFA. En 1998, il a été nommé secrétaire général. Pour lui, c’était une formidable promotion. Face à l’ennemi, j’ai toujours appliqué les principes appris à l’armée [J. Blatter est colonel]. S’il y a danger, on met le treillis, on barricade la maison et on envoie des éclaireurs… Naïf, je n’ai pas vu venir le coup par derrière. Il ne me restait plus qu’à parodier Jules César apostrophant Brutus : « Tu quoque, fili ! » [Toi aussi, mon fils !]
J.A.I. : En 1998, vous étiez favorable à la limitation du nombre des mandats présidentiels. En 2002, votre adversaire a repris cette proposition à son compte. Est-elle désormais enterrée ?
J.B. : J’avais proposé qu’un président de la FIFA n’accomplisse pas plus de deux mandats de quatre ans. À l’époque, tout allait bien, le marché était calme, l’économie tournait et il n’y avait pas de foyers de guerre…
Depuis, il y a eu la faillite d’ISL, notre partenaire économique, l’insolvabilité de la firme Kirch, qui détenait les droits de retransmission télé de la Coupe du monde, mais aussi, bien sûr, les attentats du 11 septembre 2001, dont l’une des conséquences fut l’annulation par le groupe Axa de notre contrat d’assurance pour la Coupe du monde 2002(2). Il eût été trop facile de dire : « J’accomplis un second mandat, puis j’arrête. » J’ai choisi de terminer la tâche. Le congrès de Doha a prolongé mon mandat d’un an. Il a aussi décidé que, désormais, l’élection à la présidence aurait lieu l’année qui suit la Coupe du monde. Le président en exercice pourra ainsi rendre compte de son action, surtout sur le plan financier, juste après la compétition.
J.A.I. : La Coupe du monde 2010 aura lieu en Afrique. Pourquoi êtes-vous opposé à la coorganisation ?
J.B. : Confier l’organisation à un pays africain, c’est poser que le continent est capable d’accueillir la plus grande compétition sportive du monde. Ni vous ni moi, même si nous vivons jusqu’à 100 ans, ne verrons jamais des jeux Olympiques en Afrique. Parce que les intérêts en jeu ne sont pas comparables avec ceux du football.
Les obstacles à la coorganisation sont de deux ordres : la faisabilité et le règlement. Tant qu’une fédération nationale sera capable d’organiser seule une Coupe du monde avec trente-deux équipes – et plusieurs pays africains sont dans ce cas -, il n’y aura pas d’organisation commune. Je l’ai dit au président Ben Ali, qui m’a reçu le 19 novembre à Tunis : « Pour que la FIFA étudie un projet d’organisation commune, quel qu’il soit, il faudrait qu’elle ait auparavant rejeté toutes les candidatures individuelles. » Mon interlocuteur l’a fort bien compris : « Si la coorganisation ne marche pas, m’a-t-il répondu, mon pays restera candidat pour organiser, seul, la compétition. »
Même avec deux pays partageant la même culture, le même système politique, les difficultés sont considérables. L’Euro 2000, organisé conjointement par la Belgique et les Pays-Bas, l’a bien montré. Et je ne parle pas du Mondial asiatique, car, en fait, il y a eu deux Mondiaux, l’un en Corée, l’autre au Japon. Par ailleurs, vous savez aussi bien que moi que trois grands pays africains, au moins, sont capables d’accueillir la Coupe du monde !
J.A.I. : Pierre Bourdieu affirmait : « On a d’un côté des gens qui connaissent le sport sur le mode pratique, mais ne savent pas en parler, et, de l’autre, des gens qui connaissent très mal le sport sur le mode pratique et qui pourraient en parler, mais dédaignent de le faire ou le font à tort et à travers »…
J.B. : Je suis entièrement d’accord. Et j’ajoute ceci : on ne peut prétendre diriger le football au plus haut niveau si on ne l’a jamais pratiqué, ne serait-ce qu’en amateur, si on ne le vit pas intensément. Quand Platini, Pelé, Roger Milla ou Abedi Pelé parlent, on les écoute, parce qu’ils connaissent le football et savent en parler. Dans le cas contraire, vous pouvez diriger une organisation sportive, mais vous ne serez jamais qu’un manageur, un opérateur économique. Il vous manquera toujours l’essentiel : la maîtrise de la finalité éducative de notre sport et le « projet » qu’il véhicule. Si vous n’êtes pas engagé à 100 % dans le foot, comment voulez-vous appréhender les problèmes et les résoudre ? Certains dirigeants de grands clubs jouent les matamores alors qu’ils n’ont jamais touché un ballon de leur vie ! Ils ne cherchent que le profit, le prestige personnel ou la promotion sociale.
J.A.I. : Vous êtes originaire du Haut-Valais. On présente souvent vos compatriotes comme repliés sur eux-mêmes, obstinés, voire entêtés…
J.B. : Je suis natif de Viège, près du mont Cervin, dans la vallée supérieure du Rhône. Le Haut-Valais est une enclave où l’on parle le vieil allemand et, un peu, l’italien de Ligurie. Le Bas-Valais est, en revanche, davantage marqué par la France. C’est vrai que le Haut-Valaisan vit entouré de montagnes et qu’il cherche une sortie vers le monde. Il lui arrive de quitter son pays, mais il revient vite parce qu’il ne se sent pas à l’aise ailleurs. Il est, c’est vrai, taciturne, un peu têtu, mais généreux. Il sait que, dans un environnement géographique et climatique défavorable, il devra lutter pour s’en sortir. Moi-même, j’ai appris très tôt à lutter. Mais je ne suis pas entêté !
Mon père était ouvrier-mécanicien, ma mère issue d’une famille de paysans. L’hiver, mon grand-père travaillait la terre, l’été, il était dans l’hôtellerie, à Nice et à Cannes. Dès l’âge de 12 ans, j’ai moi aussi travaillé, l’été, dans des hôtels. J’ai fréquenté les collèges de Sion et de Saint-Maurice, puis la faculté de droit de Lausanne. Avec l’héritage moral légué par mes parents, mon diplôme et mes connaissances linguistiques, je pouvais me débrouiller dans la vie. En 1974, Thomas Keller, le président de Swiss Timing, m’a informé que le nouveau président de la FIFA – João Havelange, que je ne connaissais pas – cherchait quelqu’un pour « vendre » ses idées sur le foot. J’ai arrêté mon activité de marketing dans l’horlogerie et j’ai foncé…
J.A.I. : On vante volontiers vos qualités de conciliateur. Il vous suffit d’une heure, dit-on, pour faire que dix personnes qui se détestent deviennent des amis…
J.B. : Je ne sais pas si elles deviendront des amis, mais je sais qu’elles seront vite sur la même longueur d’onde. C’est un don inné que ma formation d’officier a peut-être renforcé. Mais cette qualité est aujourd’hui diversement appréciée. Si certains me félicitent de mon esprit « missionnaire » au service de l’unité du football mondial, d’autres, comme les membres du G14(3), sont moins élogieux. « La solidarité que vous prêchez, c’est du romantisme ! » m’a un jour lancé l’un d’eux. Je réponds : « Moi, mon boulot, c’est de veiller à l’application des statuts et des règlements de la FIFA, même s’il me faut pour cela taper dans le tas. »
J.A.I. : À l’époque où vous étiez secrétaire général, vous aviez entrepris une croisade contre le jeu dur [interdiction du tacle par derrière] et en faveur du fair-play. Parallèlement, vous avez beaucoup contribué à faire évoluer les règles : suppression du hors-jeu de position, passe au gardien de but, droit pour chaque équipe à trois remplaçants, etc. Vous paraissez aujourd’hui moins préoccupé par le jeu…
J.B. : Vous n’avez pas tout à fait tort. Lorsque j’ai été élu président, j’ai confié la fonction de secrétaire général à un jeune juriste, arbitre international de surcroît. Je pensais qu’il allait s’occuper du jeu, mais je constate comme vous que cela n’a pas été le cas. Dommage.
En 2002, lorsque j’ai repris en main l’International Board, il n’y avait plus lieu de changer les règles. Je me suis davantage attaché au développement de notre sport. Urs Linsi, notre actuel secrétaire général, est un administrateur et un financier. Pour diriger notre département de l’arbitrage, nous avons engagé l’ancien arbitre espagnol José María Garcia-Aranda. Avec lui, le jeu et ses lois seront sous contrôle.
J.A.I. : À la suite des arrêts Bosman et Malaja, qui instituent la liberté de circulation des sportifs, vous avez dénoncé la « babélisation » de certains clubs européens et la « dérégulation sauvage » du football. Mais le système des transferts n’est-il pas le vrai cancer qui ronge votre sport ?
J.B. : La libre circulation des sportifs est conforme au droit européen. L’arrêt Bosman, en son temps, n’a pas été traité par l’UEFA avec toute l’attention requise. La FIFA aurait dû s’en saisir, mais le président de l’époque n’a pas souhaité intervenir sur un dossier exclusivement européen.
Avec l’Union européenne, nous sommes parvenus à établir un nouveau règlement des transferts qui est entré en application le 1er septembre 2001. Les transferts n’étant plus autorisés que pendant deux périodes de l’année, en été et en hiver, la libre circulation a diminué et le marché des joueurs est moins rémunérateur qu’avant. Du coup, l’endettement des clubs a augmenté. Les litiges sont désormais examinés par une chambre paritaire où siègent des représentants des clubs et de la Fédération internationale des footballeurs professionnels (Fifpro).
En revanche, la FIFA n’a aucune prise sur l’enrichissement exponentiel de certains clubs et sur les sommes énormes mises en circulation. La loi de l’offre et de la demande finira toutefois par stabiliser le marché, d’autant que les fédérations nationales et les organisateurs de la Champions League et de la Coupe de l’UEFA se sont résolus à pratiquer des contrôles financiers. Je félicite, par ailleurs, la Fédération française et son autorité de tutelle qui n’hésitent pas à intervenir et à sanctionner les clubs non solvables. En Allemagne, un grand club n’a été autorisé à participer au championnat qu’avec un handicap de trois points. En Suisse, Lausanne Sports a été relégué en deuxième division et Lugano a disparu.
Nous souhaitons également faire respecter un calendrier international coordonné. Pour les équipes nationales, pas de problème : elles jouent peu, sont plus attractives et dégagent davantage de recettes télé. Mais lorsque des clubs disputent quotidiennement des matchs, cela cesse d’être attractif. C’est ce qui se passe en Premiership League anglaise, où l’on joue le samedi, le dimanche et le lundi soir. Les mardis, mercredis et jeudis étant consacrés aux compétitions de l’UEFA, quand les joueurs peuvent-ils se reposer et s’entraîner ? C’est la fuite en avant : on engage trente joueurs, mais seuls les douze ou treize meilleurs sont régulièrement alignés. Ils se fatiguent, forcément. Un danger les guette alors : le dopage.
J.A.I. : Le G14 est parti en guerre contre la réquisition des joueurs par les associations nationales, à l’occasion des grandes compétitions internationales comme la CAN. Il réclame des compensations financières. Faudra-t-il un jour payer le droit de porter son maillot national ?
J.B. : Les membres du G14 ont une approche erronée du problème. La FIFA et l’UEFA sont, pour le moment, les seules à inviter les associations à leurs compétitions [Coupe du monde et Euro] et à bien les payer. À leur tour, ces dernières rémunèrent leurs joueurs. Pourquoi ne s’entendraient-elles pas avec les clubs-employeurs et ne leur proposeraient-elles pas une prise en charge, au moins partielle, des frais occasionnés par la mise à disposition des sélectionnés ? En ce qui les concernent, la FIFA ou l’UEFA n’ont pas de droit de regard sur l’utilisation de l’argent qu’elles versent aux fédérations.
J.A.I. : Le foot-business finira-t-il par mettre en danger la santé des joueurs ?
J.B. : Oui, si les matchs continuent d’être aussi nombreux. La santé des joueurs est primordiale. La tragique disparition de Marc-Vivien Foé a beaucoup marqué les esprits. Mais si ce joueur, qui était pro depuis longtemps, avait été soumis à des examens médicaux plus approfondis, et pas seulement à un test d’effort, peut-être se serait-on aperçu qu’il souffrait d’hypertrophie cardiaque. En 1997, le Nigérian Nwankwo Kanu a été opéré avec succès. Depuis, il rejoue. J’ai accompagné Foé jusqu’à sa dernière demeure, dans son village près de Yaoundé. Il a été enterré dans le centre sportif qu’il construisait. Vous savez, personne n’est maître de son destin, nul n’est à l’abri d’une défaillance cardiaque. Il y a, de par le monde, 250 millions de footballeurs et, Dieu merci, très peu d’accidents mortels. Naturellement, si cela se produit au cours d’un match de la FIFA, le retentissement est planétaire. À quelque chose malheur est parfois bon. La vigilance est désormais de rigueur. Les contrôles médicaux sont plus poussés, comme le montre le cas du Sénégalais Khalilou Fadiga à l’Inter Milan.
J.A.I. : La Coupe des Confédérations n’est-elle pas superflue ? Avec la prochaine Coupe du monde des clubs, elle contribue à alourdir le calendrier international…
J.B. : Dans le calendrier international, la Coupe des Confédérations 2003 s’inscrivait dans une période creuse [sauf en Espagne]. Les joueurs qui y ont pris part n’étaient pas plus fatigués que les autres : c’était prévu dans leur programme. L’épreuve sera donc reconduite en 2005. Par la suite, sa périodicité sera portée à quatre ans.
Quant à la Coupe du monde des clubs, c’est une affaire de solidarité. Seuls les clubs nantis de l’Europe rouspètent. Demandez leur avis aux Sud-Américains, aux Africains, aux Asiatiques, aux Nord-Américains et aux Océaniens : tous veulent la jouer et ne plus laisser les champions européens et sud-américains s’affronter chaque année dans la Toyota Cup à Tokyo, puis se proclamer champions du monde ! Nous n’aurons besoin que de trois ou quatre représentants européens. Et je vous garantis qu’ils seront au rendez-vous.
J.A.I. : En matière de lutte contre le dopage, votre objectif est-il la « tolérance zéro » ?
J.B. : Bien sûr, et nous l’atteindrons avec l’aide des fédérations nationales et des pouvoirs publics qui procèdent à des contrôles inopinés. Un temps, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de dopage dans le football. Je me suis trompé et l’ai publiquement reconnu le 5 décembre, à Francfort. En mai 2002, déjà, le congrès de Séoul avait recommandé de rassembler auprès de fédérations des éléments d’information sur le fonctionnement des contrôles. Nous avons constitué des dossiers, et de nombreux cas sont remontés à la surface. Les derniers ont eu lieu, hélas ! lors du récent Championnat du monde pour les juniors, aux Émirats arabes unis. Deux joueurs ont été contrôlés positifs : le gardien de but de l’équipe d’Allemagne, Alexander Walke, et l’Égyptien Amir Azmi. Convaincu d’avoir consommé un métabolite du cannabis, le premier a écopé d’une suspension de sept mois et d’une amende de 10 000 francs suisses [6 400 euros]. Le second avait pris de la nandrolone [un stéroïde anabolisant] et a été condamné à quatorze mois de suspension et à 15 000 francs suisses d’amende. Vous vous rendez compte, un junior qui prend de la nandrolone ! Et pourquoi ? Pour devenir plus costaud ? Comme si la masse musculaire aidait un footballeur à mieux jouer !
J.A.I. : Remplaçant dans le club italien de Pérouse, votre ami Saadi Kadhafi, le fils du Guide libyen, a lui aussi été contrôlé positif à la nandrolone…
J.B. : Oui, je suis triste pour chaque footballeur qui se fait prendre. Et je m’interroge : « Mais pourquoi se dope-t-il ? » Naturellement, et je le déplore, tout joueur contrôlé positif n’a de cesse de clamer son innocence ! De ce point de vue, j’ai pris acte avec plaisir que le cas du joueur Rio Ferdinand(4) avait été tranché par la Fédération anglaise.

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1. Dans un rapport présenté le 3 mai 2002 au comité exécutif, l’ex-secrétaire général accusait Blatter de « gérer la FIFA comme une dictature », de distribuer les prébendes en fonction de ses seuls intérêts, de déguiser la situation financière de l’association, de favoriser ses affidés et d’avoir délibérément sous-évalué les conséquences de la faillite de la société ISL.
2. Le tribunal de grande instance de Cologne a, le 21 décembre, condamné la filiale allemande du groupe français Axa, chef de file d’un consortium de soixante-trois assureurs, à verser des dommages et intérêts à la FIFA pour la résiliation unilatérale et illégale du contrat d’assurance du Mondial 2002.
3. Créé en décembre 2000, le Groupement, ou G14, regroupe les dix-huit clubs les plus influents et les plus riches d’Europe.
4. Le 19 décembre, l’international anglais a écopé de huit mois de suspension et d’une amende de 71 400 euros : il avait refusé de se soumettre à un contrôle antidopage.

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