En Afrique, les vieux meurent… jeunes

Enseignement essentiel du rapport 2003 de l’agence onusienne : l’augmentation des disparités entre pays riches et pays pauvres.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 3 minutes.

A première vue, cela va mieux. L’espérance de vie a, dans le monde, augmenté de 20 ans en un demi-siècle, ce qui correspond à une progression de 5 mois par an. Mais, dans le détail, l’amélioration des conditions sanitaires n’est pas universelle. Et, comme le souligne l’édition 2003 du rapport annuel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les disparités ont même tendance à s’accroître. Si, à l’échelle internationale, l’espérance de vie est de 65,2 ans, ce chiffre ne sera que de 46 ans en Afrique subsaharienne pour les hommes, mais il s’élèvera à 78 ans s’il s’agit d’une fille née dans un pays développé. De fait, les pays les moins avancés ont vu leur espérance de vie régresser. Il s’agit surtout des pays africains, qui ont perdu 2,9 années en une décennie, et des pays de l’ex-URSS, où la durée de vie moyenne a également diminué de 1 an.
Au sud du Sahara, ce mauvais résultat est indéniablement lié à la propagation de l’épidémie de sida, qui tue cinq mille adultes et mille enfants chaque jour. En outre, les maladies non transmissibles (qui ne sont ni virales ni contagieuses), typiques des pays développés, s’y développent, accentuant le risque de mortalité précoce. Une situation que l’Europe de l’Est connaît bien : les hommes y sont confrontés non seulement aux maladies non transmissibles, comme les cardiopathies et les accidents vasculaires cérébraux, mais aussi au sida, qui connaît un essor fulgurant. Résultat : un adulte vivant dans l’un des États de l’ancien bloc communiste a trois ou quatre fois plus de risques de décéder prématurément que dans d’autres pays développés, où l’espérance de vie se porte toujours aussi bien, et a encore augmenté de 9 ans au cours du dernier demi-siècle.
Certes, cette progression est moins impressionnante que celle des PED à faible mortalité (Amérique latine et Asie), où elle affiche 26 années supplémentaires sur la même période. Cette différence s’explique par le fait que, au Nord, la transition épidémiologique (le passage d’une natalité et d’une mortalité fortes à une natalité forte et une mortalité faible, puis à une natalité et une mortalité faibles) a été réalisée il y a longtemps, et que, désormais, le gain d’années de vie supplémentaires est essentiellement obtenu par le recul de l’âge du décès. Alors qu’au Sud, du moins dans les États qui connaissent un réel développement économique, on gagne des années en plus par une réduction de la mortalité infantile.
Mais, là aussi, les disparités sont énormes. Ainsi, un enfant né en Sierra Leone a trois fois et demie plus de risques de décéder avant 5 ans qu’un enfant né en Inde et cent fois plus qu’un autre né en Islande. La réduction de ce taux de mortalité des moins de 5 ans est le plus frappante dans les pays du Bassin méditerranéen, d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine.
En Afrique, le cheminement est inverse : dans quatorze pays, ce taux est plus fort qu’en 1990, en grande partie à cause du sida, qui facilite la survenue de pathologies infectieuses et parasitaires en affaiblissant le système immunitaire. La population la plus touchée par cette régression est la population rurale, qui est bien souvent tenue à l’écart de mesures sanitaires déjà peu développées. Et même si des succès sont tout de même notables, comme l’éradication toute proche de la poliomyélite, sept des dix principales causes de décès chez les enfants restent des maladies transmissibles. Triste constat puisque l’on sait comment les éviter, notamment grâce à des vaccinations essentielles encore trop peu répandues. Chez les adultes subsahariens également, ces pathologies causent encore les deux tiers des décès, alors qu’au Nord 90 % des morts par pathologies sont liées à des maladies non transmissibles.
L’OMS recommande donc de « remplacer les discours par des actions ciblées », afin de réduire ce fossé qui va grandissant. Un objectif louable, mais qui demande une volonté, une expertise et une efficacité sans faille, car ce n’est pas la première fois, et de loin, que de telles recommandations sont énoncées. Certes, l’exemple de l’extraordinaire mobilisation de la communauté internationale face au syndrome respiratoire aigu sévère (sras), qui a pu endiguer une première épidémie et a permis aux scientifiques de fourbir leurs armes face à de nouvelles vagues, prouve que ce type d’organisation est possible.
Mais pour parvenir à établir des diagnostics, à prodiguer des soins et à vacciner les populations subsahariennes, il faut incontestablement que la santé devienne la priorité numéro un des gouvernements et que les infrastructures et le personnel nécessaires existent. C’est à cette condition que l’espérance de vie sur le continent pourra repartir à la hausse.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires