Complètement foot !

La candidature du royaume à l’organisation de la Coupe du monde 2010 suscite un incroyable engouement populaire. Et des espoirs peut-être démesurés.

Publié le 16 janvier 2004 Lecture : 4 minutes.

Zurich, 30 septembre 2003. Une importante délégation marocaine arrive au siège de la FIFA. Aux côtés du général Housni Benslimane, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), et de Saad Kettani, celui de l’association Morocco 2010, pas moins de trois ministres ont fait le déplacement : Adil Douiri (Tourisme), Karim Ghallab (Transports et Services publics) et Nezha Chekrouni (Marocains résidant à l’étranger). Ils ont trente minutes pour convaincre les autorités du football mondial du sérieux du dossier marocain pour l’organisation de la Coupe du monde 2010 – qui, comme l’on sait, sera confiée à un pays africain. Les membres du comité exécutif de la FIFA feront leur choix le 15 mai prochain. Bien sûr, personne au Maroc n’a oublié les échecs du passé (États-Unis 1994, France 1998 et Allemagne 2006). Et chacun sait bien que l’Afrique du Sud est un concurrent sérieux, mais il n’empêche : l’espoir demeure.
En nommant l’homme d’affaires Saad Kettani, président de Wafa Assurances et vice-président du Groupe WafaBank, à la tête du comité d’organisation, au mois d’avril 2003, Mohammed VI a joué la carte de la crédibilité. « Je suis fier de la responsabilité que le roi m’a confiée, avoue l’intéressé. Nous avons bâti Morocco 2010 avec une équipe jeune composée de managers et de spécialistes de la finance, du marketing et de la communication. » Le budget de l’association est un secret, mais on sait qu’il est supérieur à celui de 2006 (120 millions de dirhams, soit 10,8 millions d’euros).
D’ores et déjà, une « Caravane du Mondial » sillonne les villes du royaume qui pourraient être appelées à accueillir la compétition. À la rencontre du grand public. Sur le plan international, des rencontres ont lieu avec les membres du comité exécutif de la FIFA, diverses opérations de lobbying sont engagées, des représentants de Morocco 2010 sont présents lors de toutes les manifestations sportives d’importance… Reste à mesurer l’impact de cette campagne. Et à savoir si l’ensemble de la population se sent véritablement concerné. « Au Maroc, les réalistes sont peu nombreux, glisse Mohamed M’jid, le président de la Fondation marocaine pour la jeunesse, l’initiative et le développement. Les gens sont soit positifs, soit négatifs. Il n’y a pas de milieu. »
Ici, le football se pratique d’abord dans la rue. Comme au Brésil. Pour les jeunes fans de Naybet et de Bassir, les stars des Lions de l’Atlas, le football représente une chance de promotion sociale. À tort ou à raison, ils jugent la carrière de footballeur professionnel moins inaccessible que celle, par exemple, d’ingénieur en informatique. Plus de 65 % des Marocains de moins de 30 ans n’ont aucune formation, aucune perspective et très peu de ressources. Ils ne se reconnaissent pas vraiment dans une société marocaine en pleine mutation, qui a tendance à les oublier en chemin. Alors ils rêvent d’une vie meilleure. « L’homme de la rue est convaincu que si le Maroc décroche la Coupe du monde, lui et sa famille trouveront du travail », explique Rachid Ouali Alami, vice-président et trésorier de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA).
Les professionnels du sport ne doutent pas une seconde de la capacité du royaume à organiser une compétition d’une telle importance. « Nous ne prétendons pas rivaliser avec la France ou l’Allemagne, argumente Rachid Ouali Alami, vice-président et trésorier de la FRMA. Mais nous affirmons que nous disposerons à temps des infrastructures nécessaires. Ce sera une Coupe du monde africaine, avec ses particularités propres. » « On y croit, trop peut-être, renchérit Saïd Belkhayat, membre exécutif de la Confédération africaine de football (CAF). Nous n’arrivons même pas à imaginer que l’organisation puisse revenir à un autre pays. Le public de ce genre de manifestation est majoritairement européen. Or le Maroc est à deux heures et demie de Paris. Et le vol ne coûte que 400 euros. »
Certains, estime Mohamed M’jid, veulent faire de Morocco 2010 un véritable « projet de société » de nature à favoriser le décollage économique, social et politique du pays. Et d’accroître son rayonnement international. Ce qui est sans doute excessif. « Comme tous les pays en développement, notre économie reste dépendante de facteurs que nous ne maîtrisons pas. La Coupe du monde est un projet fédérateur à partir duquel de nombreux chantiers pourront être engagés », soutient pour sa part Belkhayat.
En 2010, le Maroc aura, en principe, achevé son intégration à la zone de libre-échange avec l’Union européenne et démantelé ses barrières douanières, s’ouvrant ainsi à la libre circulation des biens, des marchandises et des capitaux. L’organisation de la Coupe du monde donnerait évidemment une autre dimension aux projets en cours. Mais tout subordonner à l’obtention de la compétition serait excessif. « Mondial ou non, il nous faudra bien poursuivre notre développement », tranche Ouali Alami. Pour réussir son arrimage à l’Europe, le royaume a engagé un vaste plan de modernisation de ses infrastructures, de libéralisation et de mise à niveau de son économie. Nourredine Ayouch, président de la Fondation Zakoura, garde les pieds sur terre. « Les Marocains, explique-t-il, sont bien conscients qu’ils ont d’autres défis à relever que la Coupe du monde. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est pouvoir se soigner et accéder à l’éducation. »
« L’ensemble du peuple marocain attend de la FIFA qu’elle récompense sa persévérance », a lancé Kettani aux membres du comité exécutif, le 30 septembre. C’est, on l’a vu, la quatrième fois que le royaume est candidat. S’il n’est pas désigné pour organiser la compétition en 2010, il lui faudra attendre au moins vingt-quatre ans pour tenter à nouveau sa chance. Compte tenu du principe de rotation entre les continents désormais en vigueur, l’Afrique n’accueillera plus le Mondial avant 2034. Verdict dans quatre mois, à Zurich.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires